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Caudrillier, ^ustef
L'Association royaliste de
l'Institut philanthropique a
Bordeaux et la conspiration
anglaise en Frence
L'ASSOCIATION ROYALISTE
1)K
L'INSTITUT PHILANTHROPIQUE
A BORDEAUX
ET LA CONSPIRATION ANGLAISE EN FRANCE
PENDANT LA 2' COALITION
THESE
PRÉSENTÉE A LA FACULTÉ DES LETTRES DE PARIS
G. CAUDRILLIER
Professeur af(ré^é d histoire au lycée de Bordeaux
PARIS
SOCIÉTÉ FRANÇAISE D'IMPRIMERIE ET DE LIBRAIRIE
ANCIENNE LIHRAIHIE LECÈNE, OUDIN ET c'°
16, RUE DE CLUNY, 15
L'ASSOCIATION ROYALISTE
DE
L'INSTITUT PHILANTHROPIQUE
A BORDEAUX
L'ASSOCIATION ROYALISTE
DE
L'INSTITUT PIIILANTimOPIQUE
A BORDEAUX
ET LA CONSPIRATION ANGLAISE EN FRANCE
PENDANT LA 2" COALITION
THESE
PRÉSENTÉE A LA FACULTÉ DES LETTRES DE PARIS
PAR
G. CAUDRILLIER
Professeur agrégé d'histoire au lycée de Bordeaux
PARIS
SOCIÉTÉ FRANÇAISE D'IMPRIMERIE ET DE LIBRAIRIE
ANCIENNE LIBRAIRIE LECÈNE, OUDIN ET g'*
15, RUE DE CLUNY, 16
1908
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A LA MÉMOIRE DE MA MÈRE
PREFACE
Sur l'ordre de Bonaparte, les conseillers d'État Emmery, Chaptal et Cham-
pagny ont publié, en l'an IX, un recueil de pièces saisies par la police, sous
le titre de Conspiration anglaise.
Ces pièces, pour les neuf dixièmes, sont relatives au complot de Hyde de
Neuville. Hyde, avec le marquis de Crénolles et le chevalier de Coigny, se pro-
posaient de frapper le Premier Consul à Paris, tandis que l'Ouest s'insur-
gerait et livrerait Brest à « Monsieur ».
Mais les dernières pièces sont relatives au complot de l'Institut Philanthro-
pique de Bordeaux, complot découvert après celui de Hyde.
Elles nous sont présentées sans éclaircissements préalables.
Qu'est-ce que l'Institut? Le lecteur l'ignore. Encore moins voit- il les rap-
ports qui unissent les deux parties de la publication, rapport entre la conspi-
ration de l'Institut bordelais et celle de Hyde, rapport entre ces complots et
l'intrigue anglaise.
Cette publication, enfin, limite trop le champ de l'intrigue anglaise, car
l'intrigue embrasse toutes les provinces côtières ou frontières de la France ;
on la retrouve menaçante et cachée derrière les menées royalistes de l'Est et
du Midi comme de l'Ouest.
Nous nous proposons ici de fournir les éclaircissements qui manquent à la
brochure consulaire : 1» expliquer ce qu'il faut entendre par Institut et
faire connaître dans son origine et son organisation l'Institut bordelais ' ;
2o publier les lettres et rapports de la police sur le complot philanthro-
pique de Bordeaux '-.
Nous voulons aussi marquer les rapports : 1° entre ce complot et les complots
royalistes du même temps, ceux de Willot, de Pichegru, de Cadoudal,
comme celui de Hyde, en 1799-1800 •' ; 2° entre ces complots mêmes et l'in-
trigue anglaise, bien plus redoutable et bien plus étendue que ne le soupçon-
nait la police consulaire '*.
Car le gouvernement anglais ne se contentait pas de nous combattre par
les armes. Il payait des conspirations et des soulèvements royalistes. En
l'an VII comme en l'an VIII, <( le projet était d'enlacer les parties centrales
de la France, les plus calmes et les moins détachées de la République,
1. Voir l'introduction.
2. Voir la 2'" partie.
3. Voir en tète de chaque chapitre de la première partie les avant •propos.
4. Voir les textes de la prciiiii^ri' partie.
VIII PRÉFACE
dans un réseau, dans un immense filet d insurrections qui aurait l'un de ses
points d'attache dans l'Ouest, à proximité des flottes anglaises, l'autre en
Franche-Comté ou à Lyon, non loin des armées coalisées, et qui, s'incurvant
au centre, s'appuierait sur la Provence, le Languedoc et la Guyenne ».
(Vandal, V Avènement de Bonaparte, t. I, p. 164.)
Mais l'intrigue bordelaise, découverte en l'an VIII, se continue après cette
date. L'Institut Philanthropique est frappé dans son chef : il survit dans ses
membres, et le complot de lan XII a sa réplique à Bordeaux : le complot
des plombs *.
Ce complot, on le découvre; cependant Bordeaux reste royaliste ; l'Institut
subsiste et, le 12 mars 1814, la garde roj^ale de Taffard Saint-Germain ouvre
les portes de la ville au maréchal anglais Beresford et au duc d'Angoulême -.
C'est le triomphe de l'Institut, le résultat qu'il importe de souligner comme
conclusion de cette étude.
Quels sont nos documents ? Il en est de publiés déjà, mais tellement incon-
nus qu'il nous paraît utile non seulement de les analyser, mais d'en citer
même de longs extraits. Je veux parler des brochures de Dupont-Constant,
Mémoire historique, Exposé succinct et véridique, Essai sur l'Institut Philan-
thropique, suivi de pièces justificatives importantes **.
Je crois que les historiens récents du Directoire ou du Consulat n'en ont
tiré aucun parti. J'en excepte M. Boulay de la Meurthe ^, qui s'en est servi
pour commenter la Correspondance du duc d'Enghien.
Certainement Chassin ne les connaît pas : il prétend que l'agence anglaise ne
fut découverte à Bordeaux qu'en 1804. M. Aulard renvoie à Chassin. M. Daudet
ne s'en inspire évidemment pas dans la simple note qu'il consacre à l'Institut.
M. Vandal a trouvé trace des complots de Bordeaux dans nos archives, mais
il laisse entendre que l'association des « Amis confédérés » ne s'est formée
à Bordeaux qu'après la loi des otages : il n'a pas lu Dupont-Constant ^.
1. Voir ci-dessous dossier de Papin. Cf. E. Daudet, la Police et les Chouans,
chapitre de l'agence anglaise de Bordeaux, p. 141 et suiv.
2. Voir Rollac, Exposé fidèle des faits authentiquement prouvés qui ont précédé et
amené la journée de Bordeaux, au 12 mars ISllf, in-8°, Paris, imprimerie Egron,
1816. Cf. notre conclusion.
3. Mémoire historique des événements relatifs à l'Institut Philanthropique établi
dans toutes les provinces du Midi, par ordre et en vertu des pouvoirs du roi en 1796,
brochure in-8<' de 55 pages, Paris, 1814 ; Exposé succinct et véridique des services
rendus à la cause royale depuis 1793 Jusquen 1816, par le sieur Dupont-Constant,
in-8% pièce [Paris], imprimerie de L.-G. Michaud |1817] ; Essai sur l'Institut Phi-
lanthropique, établi en 1796 dans les provinces méridionales de la France, par
ordre et en vertu des pouvoirs de S. M. Louis XVIII, volume in-8° de 240 p.,
Paris, imprimerie A. Boucher, 1823.
4. Tome II de la Correspondance, p. 21 et suîv. jusqu'à 29.
5. Chassin. les Pacifications de l'Ouest, t III, p. 29, note; Aulard, Histoire
politique de la Révolution, p. 636 ; Daudet, les Emigrés et la 2^ coalition, p. 247,
note reproduite dans VHistoire de l'Emigration, t. III, p. 177 ; Vandal, l Avènement
de Bonaparte, t. I, p. 207. — Sur le complot de l'Institut en 1800, à Bordeaux, voir
Jullian, Histoire de Bordeaux, bibliographie du chapitre consacré au Consulat et
à l'Empire ; Lebon, l Angleterre et l'Emigration, p. 282 ; Daudet, les Emigrés et la
2e coalition, p. 257 ; Cf. l'Histoire de l'Emigration, t III, p. 183 (2 lignes) ; Van-
dal, l'Avènement de Bonaparte, II, p. 171, 395, 413 (une ligne) ; une phrase de For-
neron, Histoire des Emigrés, t. III, p. 180.
PRÉFACE IX
Parmi les historiens du Sud-Ouest, M. Jullian cite VEssai. Mais O'Reilly
ne lapas consulté ^ Il connaît l'Institut par l'Exposé fidèle de Rollac et par
les Mémoires de la marquise de la Rochejaquelein '^.
Les documents manuscrits, nous les empruntons aux Archives anglaises,
aux Archives nationales, aux Archives administratives de la guerre, aux
Archives bordelaises.
Les Archives anglaises nous renseignent sur les conspirations royalistes,
payées par l'Angleterre, à l'époque de la 2° coalition, avant Marengo :
conspirations de l'Est et du Midi préparées à Augsbourg par Wickham et
l'agence de Souabe ; conspirations de Paris et de l'Ouest imaginées par
Hyde et par Cadoudal, approuvées par le comte d'Artois et son représentant
à Londres, Dutheil.
Les pièces que nous publions font partie des fonds Suisse et France au
Record Office (Archives du Foreign Office). Elles sont classées en volumes et
par dates. Nous les complétons à l'aide de la Correspondance de Wickham
publiée en deux volumes par le petit-fils de l'ancien ambassadeur en Suisse ^.
Nous évitons d'ailleurs de faire double emploi avec des publications anté-
rieures à la nôtre : avec celle de Lebon, l'Angleterre et l'Emigration *, qui
résume la correspondance de Wickham avec Grenville ; avec celle du comte de
Martel, les Historiens fantaisistes ■", qui, dans ses études sur les pacifications
de 1 Ouest et la machine infernale, analyse nombre de pièces du Record
Office.
Aux Archives nationales, la précieuse série F nous offre cinq cartons de
documents de police sur la conspiration de Bordeaux ou les affaires du
Midi c.
Nous trouvons aux Archives administratives de la guerre le dossier de Papin.
Nous n'avons tiré qu'un faible parti des archives de la Gironde. De vaines
recherches au greffe du tribunal nous ont prouvé que la justice n'a point été
saisie par la police du complot bordelais.
La correspondance du commissaire Pierre et du préfet Thibaudeau avec le
ministère de Fouché manque presque absolument aux Archives départemen-
tales. La série M, très pauvre, est à peine classée. La série L, très riche, ne
renferme aucun document postérieur à l'an VIII. J'ai consulté, sans profit
1. O'Reilly, Histoire de Bordeaux, t. VI, p. 380 et suiv.
2 Ces mémoires ont été revus par M. de Barante, mais rédigés en grande partie
par la marquise elle-même à la fin de l'Empire et publiés au début de la Restau-
ration. On en a donne plusieurs éditions (je elle la 9«) ; mais les premières ne
contiennent sur l'Institut et l'entrée des Anglais, le 12 mars, à Bordeaux qu'une
partie des renseignements de la 6''. (Paris, Dentu, 1847.) II est donc préférable
de se servir des dernières, surtout de celle de 1888, publiée par son petit-iils sur le
manuscrit original. Voir la Vie de M"'° la marquise de la Rochejaquelein par
A. Nettement, in-8° de 376 p., Paris, 1872 ; M""- d'Arvor, la Marquise de la
liochejaquelein, in-8° de 48 p., 1893 ; Baquenier-Desormoux, Bibliographie des
mémoires de la marquise delà Hoche jaqueletn, Intermédiaire, 1899, 5<' série, t. XXXIX,
p. 507.
3. Deux volumes in-S®, Londres, 1870.
4. Lebon, V Angleterre et l'Emigration (1794-1801), in-S», Paris, 1882.
5. C de Martel, les Historiens fantaisistes : M. Thiers, 3 vol. in-Ti, l'aris, 1885.
J'oi publié dans la Bévue historique de novembre 1900 les lettres do (Cadoudal
conservées aux Archives du Record Oflicc, Foreign Oflice, France, année 1800.
0. Cartons G25G (dossier 5121), 625â-6260, 6419 (dossier 8375).
X PRKFACE
souvent, les registres de l'Administration centrale du département, comme
les registres très incomplets d'arrêtés des préfets, les listes de notabilités, les
listes de membres de la Légion d'honneur après 1814, les pétitions à la
duchesse d'Angoulême qui protégea ouvertement, à Bordeaux, les anciens
membres de l'Institut.
Les précieuses Tablettes de Bernadeau, encore inédites à la Biblio-
thèque municipale, m ont fourni nombre d'indications. Je les ai contrôlées
aux Archives municipales, où l'incendie heureusement n'a pas détruit les
arrêtés du Bureau central.
Enfin quelques archives privées m'ont été ouvertes*.
Dans quel ordre publier ces documents ? Il nous a semblé nécessaire de
grouper ensemble les pièces de même origine, et aussi de suivre l'ordre des
dates.
C'est pourquoi nous avons rejeté dans une introduction préliminaire les
renseignements généraux de provenance et de dates diverses sur l'Institut
Philanthropique de Bordeaux, son origine et son organisation.
Dès lors il nous est loisible de partager en deux masses les documents an-
glais et les documents français, les premiers relatifs à la conspiration an-
glaise, les autres à la découverte du complot bordelais ou à ses suites ; les
premiers antérieurs généralement à cette découverte, les autres postérieurs.
Tout en nous attachant à l'histoire de l'Institut bordelais, des conspira-
tions royalistes et de l'Intrigue anglaise, en l'an VII et en lan VIII, il nous
a paru nécessaire de remonter aux origines de cet Institut comme à l'ori-
gine de ses rapports avec l'Angleterre.
Les Instituts se fondent avec l'approbation de Grenville, se développent en
l'an V, grâce à Dandré, avec l'argent de Wickham. Il faut le savoir pour
comprendre pourquoi Dandré et Wickham utilisent les Instituts contre le
Directoire et le Consulat, en l'an VII et l'an VIII, pendant la 2^ coalition,
comme ils l'ont fait en l'an V, pendant la première.
1. J'adresse mes remerciements les plus vifs à M. de Boissac, qui a bien voulu
me communiquer des documents de famille, à M. Harlé, auquel je dois les ren-
seignements relatifs à Roger, à M. Céleste, bibliothécaire de la ville de Bordeaux,
qui m'a mis sur la trace d'intéressantes recherches.
INTRODUCTION
I. — l'institut philanthropique a bordeaux.
Après l'échec de la grande insurrection de l'Ouest, en 1796, le parti royaliste
organisa en France une conspiration permanente et secrète contre la Répu-
blique. L'agence royale de Brottier fonda des sociétés sur le modèle maçon-
nique S sociétés auxquelles les historiens « n'ont peut-être pas prêté assez
d'attention )) et qui, sous apparence de défendre le pays contre les anar-
chistes, ont eu pour but réel de détruire la République. — Ce fut un mem-
bre de l'agence, le chevalier Despomelles, qui traça le plan de ces sociétés.
Le plan nous est connu surtout par le Règlement de la coterie des Fils légi-
times et le prospectus de Vlnstitiit Philanthropique -.
Les sociétés de chaque département avaient à leur tête un président qui
correspondait avec le centre de correspondance (alors Paris). Dans chaque
canton, un affidé tenait le président au courant des mouvements de l'opinion,
du vote des assemblées primaires, et recrutait de nouveaux membres
à l'Institut. Chaque membre prêtait le serment de se conformer aux règle-
ments de l'Institut, de ne révéler à personne les signaux de reconnaissance,
d'obéir aux instructions reçues de l'afïidé dans les assemblées primaires ou
du président dans les assemblées électorales. Ces sociétés avaient pour mis-
sion au moins apparente de rapprocher « les honnêtes gens », de les obliger
à se rendre aux assemblées primaires et ensuite à accepter les emplois aux-
quels le gouvernement les appelait, d'empêcher l'élection des « anarchistes ))
(jacobins), de « seconder le gouvernement », d'être son œil, sa sentinelle,
son « corps de réserve » en cas de lutte avec eux.
Dans ces sociétés cependant une minorité d'hommes agissants, connus pour
leur dévouement à la royauté, formait une coterie étroite, celle des « Fils
légitimes », à côté de la grande masse passive, celle des «Amis de l'ordre »,
ignorante du but secret que poursuivaient les fondateurs.
1. Voir ci-dessous le mémoire des membres de l'agence royale, communiqué
par le duc d'Harcourt au ministère anglais {n<* 1). Voir Chassin, Les Pacifications^ t. III,
p. 25: < Ce jacobinisme contre-révolutionnaire, auquel les historiens n'ont peut-ôtre
pas prêté assez d'attention. »
2. Cf. Auiard, Histoire, politique de la Révolutiont p. 636 et 678, d'après Chassin,
les Pacifications, t. III, p. 24, 25. « Vous avez le règlement de ces deux Instituts, »
écrit Duverne aux Directeurs le 11 ventûse an V. Le Directoire prit le parti de pu-
blier ceit règlements à la suite d'une délibération mentionnée dans les Mémoires de
liarras,II, p. 347.
XII INTRODUCTION
Tout laisse croire que ces Fils légitimes devaient servir de chefs à l'armée
d'insurrection, le jour où l'ordre du roi l'appellerait aux armes. C'étaient
les (( fidèles )) entre les fidèles, connus des « commandants de circonscriptions
militaires )) dont le règlement du 5 avril 1797 définissait les attributions * :
« Art. 20. — L'existence et l'organisation du Conseil royal sera notifiée
officiellement aux commandants des diff'érentes circonscriptions...
« Art. 21. — Le Conseil royal établira dans chaque circonscription mili-
taire un conseil particulier dont il déterminera l'organisation ; ces conseils
particuliers rempliront chacun dans leur ressort respectif et sous les ordres
du Conseil royal les mêmes fonctions qui lui sont attribuées dans tout le
royaume. Ils seront présidés par le commandant delà circonscription et
composés de six membres, outre le président, lesquels seront pris en nombre
égal, autant que les circonstances pourront le permettre, dans les trois ordres
de l'Etat. Le Conseil royal les instituera sur la présentation du commandant,
à qui leurs pouvoirs seront adressés pour leur être remis, et il donnera au
conseil particulier, avec la mesure que sa prudence lui suggérera, la connais-
sance des principes que nous avons exposés dans les instructions annexées au
présent règlement, afin qu'ils se dirigent en conséquence. »
Ces circonscriptions militaires devaient être soumises au Conseil royal ;
mais ce Conseil devait rendre compte des changements qu'il effectuait dans
leur commandement ou leur étendue au comte d'Artois pour les provinces de
Normandie, de Bretagne, de Vendée, au prince de Condé pour celles d'Alsace,
de Franche-Comté et de Lyonnais, etc., directement au roi pour les autres.
Il nous paraît douteux qu'à si peu de distance de la fondation de l'Institut,
et dans un moment où la royauté ne pouvait trouver un grand nombre d'a-
gents sûrs et fidèles, ce partage de la France en circonscriptions militaires
fût sans rapport avec le partage du royaume en Instituts. Ces commandants
militaires, correspondants du Conseil siégeant à Paris, présidents d'un conseil
local de six personnes, sont l'origine des visiteurs établis par le prétendant
comme commandants à la fois civils et militaires de plusieurs départements
et même de plusieurs provinces.
Cette organisation secrète facilita les succès du parti royaliste aux élections
de l'an V. Elle aurait assuré son triomphe aux élections de l'an VL Sous
l'influence de Dandré, l'ancien constituant, que des admirateurs naïfs consi-
déraient, en 1791, comme l'héritier de Mirabeau, Dandré caché à Paris, par
Wickham,pour combattre par des manœuvres secrètes le Directoire, les Insti-
tuts Philanthropiques s'étaient multipliés en France, et surtout dans le Midi.
Le coup d'Etat de Fructidor leur porta un coup sensible sans les détruire.
Ils perdirent de leur influence ou disparurent dans la région parisienne,
après la fuite de Dandré en Suisse, celle de La Barberie et de La Trémoille à
Londres, celle de Despomelles on ne sait où.
En revanche, l'Institut Philanthropique restait organisé fortement dans le
1. Ce règlement, rédigé à Blankembourg et porté au prince de Condé par
M. de Mésière (Wells dans la correspondance), secrétaire et ami du chevalier
Despomelles, organisait à Paris un conseil royal de 12 membres, dont M. de la
Trémoille était le chef. Un chapitre du règlement est consacré aux circonscriptions
militaires. Cf. Caudrillier, la Trahison de Pichegru, p. 325 et 332, note ; Boulay de
la Meurthe, Correspondance du duc d'Enghien^ t. II, p. 21. Le règlement est con-
servé dans les archives de Chantilly, série Y, t. I, f» 129.
INTRODUCTION XIII
Midi, sous la direction de l'abbé Fenis de Lacombe, député suppléant du
clergé de Tulle aux Etats généraux de 1789 *. « C'était à lui que la corres-
pondance était adressée. Il la faisait parvenir aux présidents de chaque so-
ciété qui lui étaient connus. Les lettres lui arrivaient avec l'indication simple
du département pour lequel elles étaient destinées. Il y mettait les noms, les
adresses, et les expédiait. » L'abbé Lacombe eut bientôt comme auxiliaire le
comte de Floirac, qui, passant en 1798 d'Hambourg en Angleterre, pour,
de là, se rendre en France incognito, avait été jeté par la tempête sur la
côte de Normandie, arrêté, emprisonné, mais sauvé de la mort par l'Institut
Philanthropique qui lefit enlever ^.
La police consulaire a connu l'organisation de l'Institut dans le Midi, après
l'an XII. A cette date, la police secrète rédigeait une note pour le conseiller
d'Etat chargé du 3^ arrondissement, Pelet de la Lozère : « Il a existé en
l'an V dans le Midi une association royaliste connue sous la dénomination
d'Institut Philanthropique. L'organisation avait été faite par Dandré et
Wickham. Les présidents que l'association avait dans chaque département
tenaient leurs pouvoirs du roi. Chaque institut avait dans les différents
cantons de son arrondissement des agents et des correspondants chargés de
dresser l'état des personnes qui pourraient dans l'occasion être employées ou
armées pour le rétablissement des Bourbons. Ils désignaient les chefs qui
devaient commander. Ils étaient encore chargés particulièrement de diriger
les élections, et dans cette partie, on se rappelle quel fut dans un temps
leurs succès. Cette association poursuivit ses maœuvres avec beaucoup d'ac-
tivité jusqu'à l'époque de la victoire de Marengo qui parut les déconcerter. »
Une note jointe énumère les départements soumis à l'influence de l'Institut :
ce sont en général ceux des régions du Massif central, des Pyrénées, des
Alpes et de la Garonne : « Rhône, Ain, Isère, Mont-Blanc, Drôme, Hautes-
Alpes, Basses-Alpes, Var, Bouches-du-Rhône,Vaucluse, Landes, Gers, Basses
et Hautes-Pyrénées, Pyrénées-Orientales, Ariège, Tarn, Loire, Puy-de-
Dôme, Creuse, Haute-Vienne, Charente, Charente-Inférieure, Gironde, Dor-
dogne, Corréze, Cantal, Haute-Loire, Ardèche, Lozère, Gard, Aveyron, Lot,
Lot-et-Garonne, Haute-Garonne ^.y>
1. Voir sur Louis Fenis de Lacombe, Dupont, Essai, p. 40 et 41, et note pour le
conseiller d'Hltat Pelet de la Lozère, dans Boulay de la Meurihe, Correspondance du
ducd'Enghien, t. II, p. 26. La police consulaire ne parvint pas à l'arrêter. On sait
seulement qu'il s'était montré à Tulle au commencement de l'an XI. Il mourut à
Paris en juillet 1822, plus que septuagénaire. Voir, p. 185 de l'essai, le certificat
qu'il donne à Dupont en 1816. Cf. d'Hauterive, La police secrète du premier Empire
p. 61 et F, 6606, dos. 56.
2. Le comte de F'ioirac eut une destinée plus agitée : la police impériale le fit
arrêter en 1804, comme complice de Pichegru. Il resta en prison plusieurs mois.
Sous la Restauration, il devint préfet de l'Hérault. Disgracié sans doute t\ cause de
son zèle ultra-royaliste, il fut élu député par ses administrés en 1817. Cf. Dupont,
Essai, p 38 à 40 et 182. Cf. d'Hauterive, p. 16 (n"» 55) et p. 37 (n» 121).
3. Houlay de la Meurthe, Correspondance ^ t. II, p. 25 et suiv. — La police con»
naissait les Instituts du Midi, non seulement par la découverte de la conspiration
de Bordeaux, mais par les déclarations de Duclos de la Morliôre (Edouard), de
l'abbé Rougier, de Caire. Voir résumé de la déclaration de l'abbé Rougier dans
d'Hauterive, p. 37 (n<> 121), ctifeid.p. 112 (n» 351)le8 ropports de Caire avec Puivcrti
ogcnt de Willot daus le Midi.
XIV INTRODUCTION
Mais on peut dire que nulle part llnstitut Philanthropique ne fut organise
plus fortement qu'à Bordeaux. D'après ses Mémoires, Fouchése félicitait, en
1805, que (( l'Association de Bordeaux, une des plus compactes, fût dissoute ^ »,
C'est à Bordeaux qu'était « le foyer des grandes intrigues », écrit son bio-
graphe M. Madelin : à Bordeaux, l'opposition royaliste restait « constamment
très forte ; Fouché la signalera sans cesse, y fera spécialement surveiller les
sociétés 2)). L'auteur des mémoires de Fauche, de Beauchamp ^, écrivait
aussi : « Des partis royalistes se montraient à découvert (an VII) ; c'était
surtout dans la Guyenne, laSaintonge,rAngoumois, quela Fédération prenait
une force régulière. Ces provinces étaient liées entre elles par une association
dont Bordeaux était le centre, et dans laquelle on comptait 20.000 hommes
militairement organisés. »
Cette association avait été formée par un Américain des Antilles, Dupont
(de son nom philanthropique, Constant), dont la vie avant cette époque est
pour nous un mystère et qui se disait agent de change en l'an VIII, pour
couvrir les opérations financières auxquelles il était mêlé comme visiteur de
l'Institut *. Il avait trouvé dans la capitale de la Guyenne un terrain tout
préparé pour cette organisation. Bordeaux avait souffert cruellement de la
Révolution depuis la déclaration de guerre avec l'Angleterre. Cette ville, qui
faisait un commerce immense avec les Antilles et surtout avec Saint-
Domingue et dont certains négociants, comme Bonnaffé, possédaient une
fortune considérable et des flottes de trente vaisseaux, perdit en quelques
années son importance commerciale, par suite de la guerre avec l'Angleterre
et de la révolte des noirs ''. La suspension des affaires entraîna la banque-
route du haut négoce. Les ouvriers du port et les artisans de la ville cessèrent
de travailler. Ce fut la misère et le mécontentement partout.
La population rendit la Révolution responsable de tant de ruines ; peu
de villes accueillirent la République avec cette défaveur. Le parti royaliste se
recruta dans toutes les classes, fut assuré d'une popularité qu'il n'avait point
dans la capitale et d'une complicité quasi générale.
Nulle part la Jeunesse dorée ne régna en maîtresse comme à Bordeaux.
Au théâtre, les jeunes gens empêchaient de jouer la Marseillaise , prenaient
le ce municipal )) au collet, déchiraient son écharpe qu'ils appelaient (( licol » ,
réclamaient les pièces antijacobines, et protestaient avec violence quand on
ne les jouait pas. Il fallut établir une barrière armée de pointes de fer
1. Mémoires de Fouché, t. I, p. 344.
2. Madelin^ Fouché, t. I, p. 427, 429, 511.
3. Qui fut employé dans les bureaux de la police, Mémoires de Fauche-Borelj
t. II, p. 338.
4. Dupont-Constant. Louis Dupont, né en 1758, à Port-de-Paix, île et côte de
Saint-Domingue, où il était propriétaire d'une habitation, établi à Bordeaux en
1789, s'en éloigne pendant la Terreur sous prétexte d'aller prendre les eaux de
Barèges, y revient en 1794. Voir ci-dessous la fondation de l'Institut, son arrestation
en juin 1800, son élargissement en décembre 1801 sous la surveillance de la police.
Se retire à Paris où il tient un bureau de tabac sous l'Empire, sollicite un emploi
(sans doute une préfecture) sous la Restauration, n'obtient pas sa nomination en
Corse, est envoyé à la Guadeloupe.
5. Cf. un important mémoire manuscrit de la bibliothèque de la Chambre dé
commerce de Bordeaux, Mémoire du Bureau consultatif de commerce de Bordeaux. .i
à Vépoque du 20 frimaire an VIII.
INTRODUCTION XV
entre le parterre et le théâtre pour les empêcher de sauter sur la scène.
Un soir de thermidor an IV, l'administration départementale interdit de
jouer l'Intérieur des Comités révolutionnaires, car la pièce avait donné lieu
la veille à des troubles graves. Une députation de jeunes gens, ayant à leur
tête Brochon, fils de l'avocat, et Destang *, se rend auprès du « départe-
ment ». Le jeune Brochon prend la parole, déclare qu'il parle « au nom du
peuple » ; n'ayant pas obtenu gain de cause, il donne rendez-vous à ses cama-
rades pour le lendemain; l'administration doit fermer les théâtres ce soir-là.
— Peu de temps après, un jacobin connu, Barsac, sort dans les rues de la
ville : la jeunesse le poursuit à coups de canne et de pistolet. Barsac n'é-
chappe à la mort qu'en se réfugiant au Château-Trompette. — L'imprimeur
jacobin Delormel publie un placard bordé de rouge. Les jeunes gens se
rendent chez lui, cassent, brisent, jettent les presses à la rue. Les Bordelais
racontent en riant qu'ils ont établi « un tribunal de cassation », qu'ils sont
«allés prendre du caractère ».
Mais les républicains essaient de s'organiser, forment un cercle, celui de
l'Académie : la Jeunesse casse les vitres du cercle, assomme ses défenseurs.
— Un ancien maire jacobin de Toulouse, Goursac, est arrêté à deux lieues
de Bordeaux par onze jeunes gens masqués qui le forcent à descendre de voi-
ture, le font mettre à genoux et le tuent de deux coups de pistolet. — Le
général Lannes passe à Bordeaux : les jeunes gens - font la chaîne sur les
allées de Tourny pour lui barrer la route, et, le soir, au théâtre, insultent
ses aides de camp dans sa loge et les provoquent ^.
C'est la Jeunesse de Bordeaux qui a fondé la première association royaliste
que nous trouvons à l'origine de l'Institut. Cette association, la Société de
Belleville,ïondée par Cornu sous la Terreur *, présidée après sa condamna»
tion et sa mort sur l'échafaud "' par une des futures gloires du barreau bor-
delais, Bavez *', obligée de se dissoudre au plus fort de la Terreur, s'était
reconstituée après Thermidor sous le nom de Société du Gouvernement. Rai*
liée en apparence au gouvernement et formée pour le défendre contre les
entreprises des jacobins, elle comprenait en réalité ses pires ennemis. Le
créole Dupont, revenu à Bordeaux, d'où il s'était enfui pendant la Terreur
pour échapper aux poursuites dont il était l'objet, présidait la société nou-
velle au commencement de l'an V.
1. Qui fut un des agents les plus actifs de l'Institut. Le père de Brochon faisait
partie du conseil secret de cette société.
2. En particulier Peyronnet, le futur ministre de Charles X.
3. J'emprunte la plupart de ces détails aux curieuses Tablettes de Rernadcau,
manuscrites (Bibliothèque municipale de Bordeaux), voir au 5 nivôse an IV, au
5« complémentaire au IV, aux 27 frimaire, 2 vendémiaire, 29 messidor, 6 thermidor
on V, 21 nivôse et 20 germinal an VI. Cf. Archives départementales, série L,
port. 27, liasse 3. papiers Vivie, t. XX.
4. Rolloc, p. 13. Cf. 0'Reilly,p. 380.
5. 24 juin 1794
(i. Voir (^hauvot, Histoire du Barreau bordelais cl F'cret, Slatislique de liordeaaxt
liiographie, t. III, p. 530. Hovez est né à Lyon, mais il a quitté celte ville pout*
échapper aux révolutionnaires, est arrivé à Bordeaux en décembre 1792, s'est
marié en janvier 1796, ce «{ui explique pourquoi il cesse de jouer un rôle dans
l'Institut. Député sous la Restauration, président de la Chatnbro des députés, paît'
de France, mort ù Bordeaux en 1849.
XVI INTRODUCTION
Il avait publié des factums royalistes en 1793 ; il en publia deux à la veille
des élections du second tiers, une Adresse aux assemblées primaires, une autre
A l'assemblée électorale: les élections primaires furent favorables au parti
royaliste, qui, faute d'entente, ne sut pas assurer son succès dans l'assem-
blée électorale.
La nécessité d'une union plus étroite entre les royalistes se faisait sentir,
lorsqu'un commissaire du Prétendant, Dubourg de Pourquerie *, agent du
roi pour le Languedoc, passa par Bordeaux et fut présenté à Dupont par un
royaliste de Bordeaux, Gibert de Moras. Ce fut sans doute dans les derniers
mois de 1796 ou les premiers de 1797. Dubourg engagea Dupont à former un
Comité royaliste, capable de jeter les fondements d'une organisation civile
et militaire et, quand il connut le Cercle du Gouvernement, il l'encouragea à
le développer 2.
Les membres de ce cercle furent au nombre des manifestants qui, le
28 messidor V (16 juillet 1797), allèrent casser les vitres du Cercle jacobin de
l'Académie ; Dupont, dans son Essai, rappelle le fait après avoir relaté la
mission de Dubourg, avant de raconter celle de Caire (Jardin).
Cet envoyé de Dandré vint à Bordeaux dans l'été de 1797 : nous pouvons
avec vraisemblance fixer l'époque de son passage. Son voyage à Bordeaux
marque la date de la fondation de l'Institut dans cette ville.
« Un autre commissaire du roi, écrit Dupont, M. Jardin ^, arriva à Bor-
deaux à cette époque. Il me porta l'ordre d'établir l'Institut Philanthropique
dans l'arrondissement que je dirigeais... Après m'avoir remis le prospectus
de l'Institut et les instructions secrètes, il partit pour Paris. Il me laissa
aussi toutes les adresses pour établir ma correspondance avec le commissaire
du roi dans les autres arrondissements et pour concerter avec eux mes opé-
rations ultérieures. Cette organisation fut bientôt faite. J'en avais les éléments
dans le cercle que j'avais formé. » Avant le départ de Caire, Dupont lui avait
1. Dupont l'appelle de Pourquerie-Dubourg (Voir Mémoire historique, p. 7; Essai,
p. 47-49); Fabre de l'Aude, Histoire secrète du Directoire, t. IV, p. 185, Dubourg de la
Pourquerie ; elles Papiers saisis à Bayreuth, p. 259 et 273, Dubourg de Pourquery.
Cet agent du prétendant pour le Languedoc mourut à Augsbourg en 1800. Il joua
un rôle dans l'insurrection toulousaine de 1799.
2. Remarquer la différence entre le récit du Mémoire historique, p. 8 et 9, et celui
de VEssai, p. 48-49. Dupont a une tendance à exagérer son rôle. Il prétend dans
le mémoire qu'il a fondé le Cercle du Gouvernement en suite des instructions que
lui a données Dubourg, ce qui est faux. Dans VEssai, il reconnaît que le Cercle est
antérieur au voyage de Dubourg, bien qu'il s'attribue encore la fondation du
Cercle.
3. Dupont, Essai, p. 51: « M. Caii-e (Jardin), qui depuis la 2^ Restauration a été
nommé lieutenant général de police à Marseille, où il est mort. » — La police
l'arrêta le 20 mars 1804 et il fit une déclaration, Boulay de la Meurthe (t. II,
p. 29). Dans VEssai^ Dupont donne comme date de son passage « l'été de 1796 »,
mais il avoue qu'il écrit de mémoire et n'est pas sûr des dates. La date de 1797
paraît bien plus vraisemblable, d'abord parce que Dupont, dans l'Essai, place la
fondation de l'Institut après l'affaire du cercle de l'Académie et, dans VEssai
comme dans le Mémoire, après les élections de l'an V (mai 1797); ensuite parce
que Dandré annonce à Wickham en juillet 1797 qu'il s'occupe de l'organisation
des Instituts du Midi (Voir ci-dessous, pièce 2) et en août qu'un voyageur lui
arrive du Midi, Or ce voyageur paraît bien être Caire, qu'il renvoie en septembre
dans le Midi après le coup d'Etat (Cf. pièce 3), et qui passe à Bordeaux pendant
l'été, d'après Dupont.
INTRODUCTION XVII
déjà présenté les membres du Comité secret qui devait présider à la forma-
tion du nouvel Institut, Duchesne de Beaumanoir *, ancien subdélégué de
l'inteudauce de Bordeaux, l'avocat Brochon '^^ père d'un des chefs de la Jeu-
nesse, l'officier du génie Delerse, commandant du pâté de Blaye, le négo-
ciant Gassiot '^', et Caire leur avait fait prêter le serment philanthropique.
Dans le même temps, la marquise de Donnissan recevait de « Monsieur ))
l'ordre d'établir une association semblable dans le Midi. Deux anciens
officiers des armées vendéennes, Forestier "^ et Céris ^, lui apportèrent, en
mai 1797 ^, une lettre du comte d'Artois ".
M'iie de Donnissan^, fille du duc de Civrac, dame d'atour de Madame Vic-
toire avant la Révolution, vivait retirée dans le château de Citran (Médoc) ou à
Bordeaux, avec sa fille, M'ae de Lescure ^, veuve du général vendéen. Celle-ci
1. Duchesne de Beaumanoir, qui remplaça Dupont arrêté comme visiteur tem-
poraire de l'Institut en 1800, appelé Franc-Fidèle par les Philanthropes {Mémoire
historique, p. 38, Essai, p. 53, 10\ Cf. Rollac, p. 210), avait été subdélégué de l'inten-
dance de Guyenne sous Dupré de Saint-Maur. Il fut un des érudits les plus remar-
quables de Bordeaux dans ce temps-là, posséda une collection importante de
livres, tableaux, médailles. Membre de 1 Académie de Bordeaux en 1784, directeur
en 1788, membre de l'association littéraire du Musée ; était maire de Marlillac en
1815. Voir Laboubé, notes manuscrites à la Bibliothèque municipale de Bor-
deaux ; Féret, Statistique, t. III.
2. Brochon (Guillaume), né à Bordeaux en 1729, mort dans cette ville en 1814,
une des gloires du barreau bordelais, jurât avant 1789, emprisonné sous la
Terreur. (V. Féret, Statistique, et Chauvot, Le Barreau Bordelais.)
3. Delerse ou Delers, Mémoire, p. 40 ; Essai, p. 53 et 70. Gassiot, Mémoire, p. 8 ;
Essai, p. 46, 53 ; Rollac, p. 210.
4. Henri F'orestier (et non marquis de Forestier), né en Vendée, à laPommeraye,
en 1775, fils d'un cordonnier, étudie la médecine, puis joue un rôle militaire impor-
tant dans les guerres de Vendée, d'abord aux côtés de Henri de la Rochejaquelein,
puis du prince de Talmont, etc. ; blessé grièvement à Cirières en Vendée, après la
reprise d'armes de 1799. L'abbé B«rnier avait demaiidé pour lui au premier consul
un grade dans l'armée française ; ne l'aj'ant pas obtenu, il prit part au complot
des Plombs en 1804 ; condamné à mort à Nantes par contumace en 1805, il se
réfugia en Angleterre, à Londres, où il mourut en 1806. Cf. Chassin, Pacifications,
t. m, p. 616, 744; Daudet, la Police etlesCliouam, p. 152 etsuiv.; Rollac, p. 20,23 ;
marquise de la Rochejaquelein, p. 228, 234.
5. Le chevalier de Céris, né à la Guadeloupe en 1773, émigré en 1791, moins
connu que le précédent dans les guerres de Vendée, fait prisonnier trois fois, fut
avec Forestier un des organisateurs du complot de 1804, revint en F'rancc en
1814, n'obtint pas de grade militaire, disparut en 1816. Voir Chassin, t. 111, p. 744 ;
Daudet, la Police et les Chouans, p. 153 et suiv. ; Rollac, p. 20, 23 ; marquise de la
Rochejaquelein, p. 228, 234.
6. Date donnée par la marquise de la Rochejaquelein, p. 228. (^f. ci-dessous,
le Rapport fait au ministre. Il fixe la date de 1796. Voir plus haut les raisons
qui me font croire que l'Institut n'a été fondé à Bordeaux qu'en 1797, dans
Télé.
7. Dupont soutient dans son Essai, p. 53 et 54, que le comte d'Artois n'a point
provoqué la création de l'Institut, qu'il y est resté absolument étranger. Pourtant
il nous paraît dilïicile de douter des allirmations de la marquise, p. 228 et 229.
Cf. Rollac, p. 14 et 15. Rollac suit le récit de la mar({uise et donne la date
de 1796.
8. Le marquis de Donnissan, grand-sénéchal de Guyenne avant la Révolution,
mourut sur l'échafaud, à Angers, en 1793. Voir Itiographie Michaud et Fercl,
Statistique, t. III. — Une rue Donnissan à Bordeaux.
9. Murie-Louise-Victorino do Donnissan, née à Versailles en 1772, niorlc en
1857, fille du précédent et de Marie-Françoise de Durforl-Civrnc, se réfugia ovec
b
XVIII INTRODUCTION
épousa plus tard le marquis Louis de la Rochejaquelein. Or Forestier avait
servi sous les ortlrcs d'Henri, frère de Louis : ;"i ee litre, il était eonnu de
M"'i- de Lescure. M'"« de Domiissau lui avait donné une lettre de reconimau-
dation pour le duc d'ilavré, un de ses amis, et le due de Lorges, sou frère,
au mouient où, après la pacification vendéenne de 179(), il s'était rendu en
Angleterre.
Le duc de Lorges, ancien maréchal de camp, qui avait joui d'une grande
faveur auprès de Louis XVI; possesseur de biens étenâus dans la Guyenne,
avait émigré en 1791, puis s'était retiré à Londres, après une campagne in-
fructueuse à l'armée des princes, et avait fait partie de l'expédition du comte
d'Artois à l'île d'Yen. Tout en sollicitant du service dans l'armée anglaise
{il devint aide de camp de Lord Moira, vice-roi d'Ecosse), le duc songeait à
organiser en Guyenne nue Vendée nouvelle dont il aurait le commandement.
Il obtint du Prétendant le titre platonique de gouverneur de la Guyenne * .
Duveriie annonçait le 11 ventôse, l'an V, « qu'à Bordeaux allait se rendre le
duc de Lorges "^ » Ses fils, cette année-là, parcoururent la Guyenne, déguisés
en marchands, conduisant une voiture encombrée de pacotille et menée par
des mulets •^. Une lettre de 1800 nous prouvera que l'Institut bordelais
comptait sur lui pour prendre le commandement de l'insurrection giron-
dine.
Le duc complota, sans doute avec Forestier, d'établir une organisation
royaliste dans la Guyenne, et sollicita du comte d'Artois l'envoi d'une lettre
officielle adressée à sa sœur pour l'engager à y travailler.
Après avoir reçu la lettre du comte d'Artois, M'"^e de Donnissan consulta
un de ses amis, ancien procureur au Parlement de Bordeaux, Dudon, et son
fils, Dudon de Lestrade, pour leur demander ce qu'elle devait faire en la
circonstance. Les Dudon lui apprirent que Dupont dirigeait une association
royaliste. Dupont fut mis en rapport avec la marquise et avec son conseil,
composé de Dudon, de Dey naud, inspecteur de l'enregistrement, qui avait
appartenu aux finances de « Monsieur », et de l'abbé Jagault, ancien secré-
taire du Conseil supérieur de la Vendée *". On envoya en Angleterre l'abbé
pour annoncer au comte d'Artois l'organisation de l'Institut.
ses parents à Citran (Médoc) dès les journées d'octobre 1789, y épousa M. de
Lescure en 1791, le suivit pendant les guerres de Vendée où il fut tué en novembre
1793, revint à Citran après la pacification, mais fut obligée de se réfugier deux
fois en Espagne, comme prévenue d'émigration, épousa en 1802 Louis de la Roche-
jaquelein, qui fut tué pendant les Cent-Jours en Vendée. — Le château de Citran
appartient aujourd hui à la famille Clauzel.
1. Biographie nouvelle des contemporains : Jean-Laurent de Durfort, duc de
Loi'ges, né en 1746, un des menins de Louis XVI à l'époque de son mariage,
colonel du régiment de Royal-Piémont, maréchal de camp en 1788, émigré en 1791
avec ses deux fils, forme un corps de cavalerie à Limbourg, fait la campagne
infructueuse de 1792 à l'armée des princes, rentre en France eu 1814, est fait
lieutenant général et pair, est à Bordeaux en 1815 avec la duchesse d'Angou-
lême.
2. Barras, t. II, p. 328. Cf. Rollac, p. 211.
3. Rapport de la sûreté générale du 1^"" complémentaire an XII, dossier Cazalet,
dans Archives départementales de la Gironde, série M.
4. D'après la marquise de la Rochejaquelein, p. 229, et Rollac, p. 209, qui con-
sidèrent le conseil de la marquise comme le conseil secret de l'Institut. Les Dudon
meurent avant le complot de 1800. Le père, né à Bordeaux en 1717 et mort dans
INTRODUCTION XIX
L'association resta organisée comme elle Tétait, avec son Conseil général,
distinct de celui de la marquise, conseil dont faisaient partie Brochon,
Duchesne de Beaumanoir, Gassiot ^. Mais l'influence du Conseil intime de
M'iie de Donnissan, et par conséquent celle du duc deLorges, resta sensible
par le choix que fit Dupont du « général » Papin, ami de la marquise,
comme général commandant des forces de llnstitut
II. — LES INSTITUTS DU MIDI (BORDEAUX ) APRÈS FRUCTIDOR.
L'Institut bordelais était doue oiganisédans les mois qui précédèrent Fruc-
tidor -. Cette organisation, et celle des autres Instituts du Midi, fut modifiée
Tannée suivante. «Environ un mois après (le 18 fructidor), raconte Dupont,
je reçus Tordre de me rendre de suite à Ljon. L'agent principal du Midi
(Tabbé de Lacombe) avait appelé tous les présidents de TInstitut. Je fus le
seul qui osât faire ce voyage. Voj-^ant quaucun autre n'arrivait, il me fit part
de l'objet de cette convocation. Il s'agissait de faire, dans Torganisation de
TInstitut Philanthropique, des changements essentiels dont l'expérience avait
montré la nécessité... Il m'expliqua son plan, ses vues... Le lendemain, je
lui portai le travail fait selon ses désirs. C'était presque un nouveau plan
d'organisation » Lacombe l'accepta et chargea Dupont de le faire connaître
et de l'appliquer dans les départements du Midi '.
Dupont fit une tournée dans ces départements. Il eut à « voir tous les
présidents de TInstitut, à leur remettre le nouveau prospectus avec les ins-
tructions qui s'y rapportaient ». Des pouvoirs lui furent donnés pour
« confirmer, destituer ou remplacer )) ceux qu'il ne jugeait pas capables de
servir efficacement la cause du roi. C'est ainsi qu'il passa par Nîmes,
cette ville en 1800, fils d'un avocat général de Bordeaux, hérite de la charge de
son père au Parlement, procureur général de 1763 à 1790, poète et membre de
l'Académie de Bordeaux, l'ail partie de rassemblée des notables en 1787 ; empri-
sonné comme suspect en 1792, échappe, grâce tx son Hls, à la guillotine. — Il eut
trois fils ; il est question ici de Taîné, Joseph Diidon de Lestrade, qui avait été
conseiller à la Cour des aides de Paris, et qui fut l'ami de Dupont Celui-ci se
rendait tous les soirs chez lui, entre 10 et 11 heures Le second, Jean-Baptiste,
avocat général au parlement Maupeou. fut guillotiné en 1793. — Une rue Dudon
à Bordeaux. — Voir Communaj', le Parlement de Bordeaux, p. 252 ; Biogra-
phie Feret ; Essais généalogiques de Meller; Mémoire historique de Dupont, p. 23;
Essai, p. 65, 156, 157 ; Bollac, p. 15 et 209 ; marquise de laRochejaquelein, 229
230, 234, 235.
1. Et plus tord Mathieu de Boissac, qui fut secrétaire général de Tlnstilut de
Bordeaux. Voir ci-dessous p. xxvii. Cf. Bollac, p. 210 ; Mémoire, p. 40 ; Essai p. 70.
2. Larue, la Déportation des députés à la Guyane (extrait publié en 1905 de
VHisloire du 18 Fructidor), connaissait Texislence de TInstitut de Bordeaux. « La
liberté fut offerte, écril-il, deux fois à [Gibert Dcsmoliôres et à J -J. Aimé| par
VInstitut royalistede Bordeaux : d'abord dans les prisons mêmes de Tlnstilut. d'où
ces dignes députés auraient pu sortir avec MM. Bicher Seri/y et Isidore Langlois,
sauvés l'un et l'autre par Tor des fidèles Bordelais ; plus tard, lorsque la frégate
La Charente. . réparait les avaries qu'elle avait éprouvées. L'un des chef» de
VInstitut royaliste, M. Leptrode, se présenta nuitamment h la tête de deux embar-
cations « Gibert et Aimé refusèrent de s'enfuir, de peur de <« compromettre
Tintérét de leur famille et la santé des braves qui se dévouaient pour eux » cl
partirent pour la Guyane.
3. Mémoire historique, p. 13 ; Essai, p. 54.
XX INTRODUCTION
Montpellier, Béziers, Narbonne, Toulouse, Cahors, Villeneuve-d'Agen, Agen,
pour remplir la mission que lui avait confiée Lacombe *.
La nouvelle organisation modifiait sensiblement l'ancienne ; elle fortifiait
l'autorité des chefs dans les départements et assurait le secret en supprimant
le conseil des Cinq, l'assemblée délibérante des membres de l'Institut et la
cérémonie du serment. Surtout elle centralisait les forces de l'Institut entre
les mains du Directeur (l'abbé de Lacombe) qui, de Lyon, centre de corres-
pondance, transmettait aux Instituts les ordres royaux.
Elle divisait, en effet, le Midi de la France en quatre arrondissements com-
posés de 6, 7 ou 8 départements, suivant les rapports locaux et topographiques,
suivant les relations commerciales et habituelles -, Chaque arrondissement
avait à sa tête un visiteur, nommé par le roi, chef suprême, nommant lui-
même à tous les emplois, aux civils comme aux militaires. Chaque dépar-
tement était dirigé par un administrateur nommé par le visiteur, communi-
quant avec lui et seul à le connaître. Le nom de président était réservé à ses
aides dans les communes. Il y eut ainsi trois, puis cinq présidents à Bordeaux :
Cosse, Lestrade, Estebenet, Latour et Letellier.
Ces présidents donnaient des ordres aux affidés des sections bordelaises.
Les instructions venues de Lyon étaient ainsi transmises avec secret et célé-
rité depuis le visiteur jusqu'au simple associé, en passant par les adminis-
trateurs, les présidents et les afïidés ^.
« C'était, en un mot, un petit gouvernement organisé dans un grand. ))
(( La chaîne des associations secrètes s'étendait depuis le Var jusqu'au
1. Voir longue liste d'agents de l'Instilut dans les provinces du Midi cilée dans
le Mémoire historique, p. 14 et 15.
2. Mémoire historique, p. 15.
3. Essai, p. 34, 55, 60, 142.
Cosse Joseph, né dans l'Ariège en 1755, organiste de la chapelle de l'église d'Ai-
guillon, puis maître de musique à la cathédrale de Bordeaux (pourtant membre
d une loge maçonnique), professeur de musique en 1800, arrêté avec Dupont, em-
prisonné 18 mois ; on le retrouve professeur de musique au lycée de Bordeaux
sous l'Empire
Lestrade, le plus connu des cinq (voir sa biographie dans la Biographie nouvelle
des contemporains). Lestrade (Louis-François), né dans les Cévennes, vers 1768,
mêlé aux troubles de Montpellier en 1790, se réfugie dans le Comtat, puis à Lyon,
dont il est un des défenseurs au moment du siège, en 1793. Après le siège, il se
retire en Suisse, puis rentre en France « pour concourir à l'organisation de la
chouannerie ». A Bordeaux, il est un des agents les plus actifs de l'Institut. Après
le coup d'Etat du 18 Fructidor, l'Institut l'envoie à Rochefort pour faire évader les
déportés. Richer-Sérizy, Isidore Langlois, s'enfuient, grâce à la complicité du con-
cierge de la prison qui a été payé avec « l'or des fidèles Bordelais ». Mais Lestrade,
qui a tout préparé pour l'évasion de Gibert-Desmolières et de J.-J. Aimé en rade
de Rochefort, ne peut décider ces deux victimes du Directoire à s'enfuir. Il est
lieutenant de la compagnie d'élite commandée par Latour-Olanier, Compagnie
qui est chargée des coups de main; adjoint au chef d'état-major de 1 armée de
l'Institut, Labarthe. C'est lui que Dupont charge d'une mission à Toulouse au
moment de l'insurrection de l'an VIL II est arrêté avant d'avoir pu communiquer
avec le visiteur de Toulouse, reste enfermé neuf mois et demi. Après avoir publié
à Bordeaux : La voix de la patrie à Bonaparte sur Vévénement du 3 nivôse an VHI^
il occupe divers emplois administratifs sous le gouvernement impérial, et cependant,
en 1815, se charge d'une mission auprès des généraux français, pour les engager à
prendre la cocarde blanche. Il est un des rédacteurs du Drapeau blanc ; la Restau-
ration semble cependant lui tenir rigueur II publie plusieurs ouvrages de littérature
INTRODUCTION XXI
Jura. Les départements de la Dordogne et des deux Charentes réunissaient
les provinces de l'Ouest à la Guyenne... Bordeaux devenait alors, pour ainsi
dire, la clef de l'édifice. »
Des instructions précises recommandaient aux chefs de prévenir « tout
mouvement partiel et prématuré » ; de se lier avec les autorités constituées
« pour empêcher le mal et faire le bien autant que possible » ; de ne heurter
de front aucun parti, au contraire d'inspirer à tous de la confiance. « Le
langage de la clémence et de l'oubli, l'obéissance aux lois et aux autorités ins-
tituées, étaient bien recommandés et tous les chefs avaient l'ordre secret de
conserver avec soin, même au moment de l'insurrection, les couleurs et les
formes républicaines. » « L'objet apparent de cette immense association
était de soutenir et de défendre la constitution existant alors, ainsi que le
gouvernement qui l'avait imposée; mais son véritable but était, au contraire, de
renverser cette constitution, ainsi que le gouvernement usurpateur, pour
rétablir l'autel et le trône légitime. » C'est pourquoi Vorganisation militaire
« était le but essentiel mais secret de cette immense association )) ^
Avant son voyage à Lyon, Dupont avait entrepris cette organisation. Il
l'avait confiée à quelques émigrés rentrés, anciens militaires, qui, après des
essais infructueux, parvinrent à former « quatorze compagnies plus ou moins
complètes " A son retour, il s'enquit de trouver un officier capable de com-
mander ces bandes. C'est alors que, sur le conseil de M'"® de Donnissan et des
Dudon, il chargea de cette mission difficile un ancien colonel de l'armée des
Pyrénées-Orientales, proposé pour le grade de général de brigade avant de
ou de finance dont on trouvera la liste dans la Biographie nouvelle. D'après cette
Biographie, VEssai, p. 80 ; Rollac, p. 213; Larue, p. 130 (note).
Lestrade portait dans l'Institut le nom de Kitton.
Estebenet,Jeixn. maître de pension, président de l'arrondissement sud de Bordeaux
(sous le nom philanthropique de Maunj'). surveillait la fabrication des cartouches.
Il ne fut pas impliqué dans les poursuites dirigées contre 1 Institut après la décou-
verte du complot, mais se tint caché longtemps. Duchesnc de Beaumanoir, qui
rentplaça temporairement Dupont comme visiteur de l'Inslitut, le choisit comme
secrétaire de llnstitut. — H)n 1814, il joue un rôle actif dans le complot qui pré
pare rentrée du maréchal Beresford et du duc d'Angoulème à Bordeaux. La veille
de cette entrée, le 11 mars, c'est chez lui que les conjures se réunissent pour
arrêter les dernières mesures à prendre ; c'est sur son ordre que le menuisier
Hagry fait planter le drapeau blanc sur le clocher de Saint-Michel. Le duc d'An-
goulème le décore de la Légion d'honneur, le 9 mars 181."), comme capitaine de la
garde royale, infanterie.
Latour pharmacien. On ne peut le confondre avec un autre membre de l'Ins-
titut, capitaine de la compagnie d'élite, Latour-Olanier. car Dupont et HoUac
distinguent les deux personnages, ni avec Péfaut de la Tour (écrit aussi Latour)
que Hollac envoie de Londres en 1813 pour porter à Taflfard de Saint-Germain
et à Louis de la Hochejaquclein l'ordre de reconstituer la <i garde royale » el
de réorganiser l'Institut Voir les lettres de ce .1 -V. de la Tour dans les pièces
justificatives du livre de Hollac La marquise de la Hochejaquclein écrit Latour,
p. 239.
Lelellier. On trouve aux archives départementales, série M (liasse contenant les
listes de notabilités du département), une liste de l'an IX, où figure, avec le nom
de Duchesne de Beaumanoir. celui de LctelHer, maire d'un arrondissement de
Bordeaux. Letellicr, aîné (.I.-.I -François), écuycr, conseiller de préfecture en 1810,
ancien maire, décoré de la Légion d'honneur en 1810.
1. Ces détails généraux sur rorgonisntion bordelaise sont empruntés à l'Essor,
p. 31 £0, 55, GO, 142, 143, ou au Mémoire, p. 15
XXII INTKODrcnoN
quitter larmée, Papin *. Celui-ci s'était engagé en 1792 comme volontaire,
par enthousiasme patriotique, et avait fait aux armées des Pyrénées, sous les
ordres de Doppet, d'Augereau, de Moncey qui resta un de ses amis, les
campagnes de l'an I, de l'an II et une partie de celle de 1 an III. On ci-
tait sa bravoure brillante ; il avait contribué au succès du combat de la
Montagne-Noire et à la prise de Figuières ; les Bordelais lui avaient envoyé
un sabre d'honneur avec cette inscription: « Au brave général Papin. » Rentré
dans ses foyers, au moment où la guerre finissait sur les Pyrénées, et devenu
négociant en épicerie, il était entré en relations par Deynaud avec la mar-
quise de Donnissan qui l'avait décidé à se ranger du côté du parti royal.
Dupont l'avait nommé, sous le nom philanthropique de Servant, comman-
dant en chef de larmée royale de Guyenne.
« Le général Papin, raconte-t-il lui-même dans des notes remises au mi-
nistre de la guerre sous la Restauration, organisa dans les formes un corps
d'armée, malgré la stricte surveillance de la police... L'organisation était per-
fectionnée au point que les revues d'infanterie, de cavalerie et d'artillerie
se passaient régulièrement par trimestre. » — 11 fut aidé dans cette tâche par
un ancien major au régiment de Champagne, de Maillan, un ancien adjudant
général de l'armée républicaine, Sabés, un ex-officier de la garde constitu-
tionnelle de Louis XVI, Labarthe (Blondel), le véritable chef, après la mort
de Maillan, du petit état-major royaliste.
Jusqu'à quel point cette organisation a-t-elle pris consistance ? C'est ce
qu'il est impossible de savoir. Il faut se garder d'accepter sans contrôle les
dires des intéressés. Dans les derniers mois qui précédèrent le 18 Brumaire,
à la faveur de l'anarchie générale de l'Ouest, grâce au mécontentement et aux
troubles que provoquèrent la reprise de la guerre (2^ coalition) et la loi des
otages, les recruteurs royaux trouvèrent des soldats parmi les déserteurs et
les réfractaires qui se groupaient, pour échapper à la gendarmerie, dans les
régions de faible peuplement, comme le Médoc. La reprise d'armes de la
Vendée et de laBretagne.l'insurrection de Toulouse, favorisaient leurs menées,
en occupant ailleurs les troupes républicaines et en empêchant le gouverne-
ment de les surveiller.
1. Voir sur Papin les pièces publiées ci-dessous, 2^ partie, série E. — Elle
Papin, né le 27 février 1771, à l'île Saint- George (Gironde), sous-officier lors de la
formation de la garde nationale de Bordeaux, en 1789, 2^ chef de bataillon au
8^ bataillon des volontaires de la Gironde en août 1792, l^-^ chef de bataillon en
août 1794, puis adjudant général chef de bataillon, promu général de brigade sur
le champ de bataille de Figuières, refusa le grade (dit-il,, obtint un congé le 29 mars
1795. — Revenu à Bordeaux, fut chargé par Dupont en août 1798, et par Willot
en mars 1800, du commandement de « l'armée rojale de Guyenne ». Impliqué
dans le complot de 1800, ne fut pas jugé, grâce à l'intervention de ses protecteurs,
Augereau, Lannes, Moncey chez lequel il descendait à Paris ; mais il prit part au
complot des Plombs en 1804, fut condamné à mort par contumace le 14 décembre
1805, s'enfuit en Amérique, y fit sa fortune et la perdit au retour dans un nau-
frage. La Restauration le nomma maréchal de camp, en février 1817 ; disgracié
momentanément et mis en disponibilité, sans doute à la suite du rapport que
nous publions, il commande ensuite la 7« division militaire (Hautes-Alpes) en
juillet 1821, et meurt le 5 août 1825, à Agen, où il commandait depuis octobre 1822
la 2* subdivision de la 20^^ division. Il était baron depuis août 1822. Il a laissé
quatre enfants, Rollac, p. 16, 211. Voir Mémoire historique, p. 17 ; Essai, p. 66; La
Rochejaquelein, p. 230.
INTRODUCTION XXIII
Ce fut à cette époque, sans doute, que furent créées les compagnies d'élite ^j
seules forces appréciables de V « armée royale », parce qu'elles étaient seules
composées d'anciens militaires, de déserteurs, de proscrits, et constamment
disponibles, compagnie de Chasseurs royaux, compagnie du Médoc, chouan-
nerie des Charentes. Le reste de cette armée, les compagnies auxiliaires,
formées « d'hommes âgés, de pères de famille, de chefs de maisons, destinée
à la garde des villes », n'offrait sans doute aucune consistance et ne comptait
que sur le papier -.
Dupont-Constant évalue l'armée de l'arrondissement de Guyenne à 28.000
hommes, 4.000 pour Bordeaux seulement ; celle de tout le Midi à 80.000 ^ Il
faut réduire ces chiffres au moins des deux tiers.
Quels services rendit cette armée à la cause royale ? Nous ne pouvons évi-
demment nous montrer moins sceptiques que la commission créée par
Louis XVIII, en mai 1814, pour examiner les services des officiers qui
avaient défendu le trône et l'autel les armes à la main pendant la Révolu-
tion ou l'Empire. La commission, présidée par le prince de la Trémoille,
refusa de se prononcer sur une foule de réclamations, par la raison que « les
armées royales du Midi n'avaient pas été belligérantes » et parce qu'il
n'était resté « aucune connaissance authentique » de leur organisation *.
Papin obtint cependant le titre de maréchal de camp ; quelques autres, des
grades moins élevés, Roger ^, par exemple, celui de colonel de gendarmerie.
Les royalistes du Midi protestèrent contre la décision de la commission. Ils
soutinrent que cette armée royale avait été régulièrement formée, avec ses
cadres, ses divisions, ses compagnies, son administration, son matériel
d'armes, d'équipement, de munitions, ses drapeaux, « Par l'ordre du
monarque, dont il était destiné à préparer le retour, l'Institut, affirmait
Dupont, a fait flotter ses bannières invisibles sur le Midi de la France,
depuis Lyon jusqu'à la Méditerranée ^ «
Contentons-nous de rechercher les traces de ces « compagnies d'élite »,
forces agissantes, les seules sans doute, de l'Institut. Ces petites bandes fu-
rent dirigées par les Labarthe, Roger, Destang, Tafifard Saint-Germain', etc. ;
elles se confondent trop aux yeux de l'historien avec celles des conscrits et
1. Rollac cite celle du « commandant » Latour-Olanier (p. 213). Lestrade (il
écrit Estrade) était lieutenant et Destang sous-lieutenant.
Latour Olanier dirigea la plupart des coups de main de Tlnstitut, sauva nombre
d'émigrés « arrachés aux gendarmes », dut s'enfuir pour échapper aux recherches
dont il était l'objet, et mourut à Saint-Domingue, peut-être assassiné Voir VEssait
p. 60 ; Rollac, p. 213 ; les Mémoires de la marquise de la Rochejaquelein, p. 234.
2. Mémoire historique, p. 24, 25.
3. Essai, p. 129-130. Cf. Mémoire historique, p. 36 : « plus de 20.000 hommes »
pour la Guyenne ; HoUac, p. 20, évalue ces iorces à 30.000 hommes pour la
Gironde et les Landes, et, p. 211, à 10.000 hommes pour Bordeaux et ses arrondis-
sements.
4. Essai, p. 120 ; Chassin, t. III, p. 744 (il est question de l'organisation de
1804).
5. Dans l'Institut il est « capitaine de la compagnie des guides à cheval ».
Hollac, 212. Voir sa biographie, ci-dessous.
6. Essai, p. 130, 133.
7. Le principal chef du complot de 1814, prépara l'entrée du duc d'Angouléme
le 12 mars. Voir notre conclusion.
XXIV INTRODUCTION
réquisitionnaires déserteurs, détrousseurs de diligences ou chaufifeurs qui
parcouraient la Gironde en l'an VII et en l'an VIII.
Elles inquiétèrent assez l'autorité départementale, dès 1797, pour que cellp-ci
s'occupât d'en rechercher les organisateurs. Le commissaire du Directoire
près l'Administration départementale, Partarrieu, signalait au Bureau cen-
tral les « hommes pervers vendus à la cause de Louis XVIII (qui a des agents
très zélés dans cette commune) et qui, pour le servir de leurs personnes et
de leur fortune, se sont enrôlés à son service ». Il dénonçait un ancien offi-
cier au régiment de Champagne, Dupuy (sans doute Maillan». qui « devait
avoir le commandement de la cavalerie dans le département et qui enrôlait
un grand nombre de jeunes gens dans l'armée de Louis XVIII ». On fit des
perquisitions inutiles dans la rue Sainte-Catherine ; le secret était bien
gardé *.
Mais, en 1799, l'existence des bandes royales n'est plus un secret. L'Ecou-
teur bordelais, l'avocat Bernadeau ^, dans ses Tablettes encore manuscrites,
pourtant si précieuses pour 1 histoire de Bordeaux, note au 30 ventôse an
VII : (( On parle beaucoup de royalistes qu'on dit tenir des assemblées secrètes
et qu'on dit former une société armée au besoin. Cela est vrai, mais non
prouvé encore ^ »
Le Bureau central exerce une surveillance sur les embaucheurs royaux,
mais les commissaires de police et les employés d'administration ne sont pas
payés ^ ; la garde nationale n'existe que sur le papier ; le gouvernement
n'envoie pas à Bordeaux de forces militaires suffisantes. Rien d'étonnant à ce
que les conspirateurs échappent aux recherches. Dans les premiers jours de
thermidor cependant, on fouille la maison de Louis Hagry, un des agents
actifs de l'Institut, ft homme d'un zèle extraordinaire ^ ». Le Bureau central
y trouve, avec des objets du culte célébré clandestinement chez le menuisier,
90 paires de pistolets, 6 fusils de munition, et le Bureau dénonce à l'Admi-
nistration départementale le « dessein d'armer les royalistes que la voix pu-
blique annonce s'organiser dans cette commune ». On arrête Hagry, Arno-
zan, Castelbert ''. Hagry reste en prison plusieurs mois, mais l'organisation
de l'Institut demeure secrète : Bernadeau écrit, le 9 frimaire an VIII : « Le
jury d'accusation de Libourne vient d'acquitter les citoyens Latte et Louis
1. O'Reilly, Histoire de Bordeaux, p. 294 du VI^ volume.
2. Bernadeau : ses manuscrits, « collection héréditaire de mes œuvres », sont con-
servés à la Bibliothèque municipale de Bordeaux. Avocat, il tenait sous le Direc-
toire un bureau consultatif d'agence et de correspondance pour affaires conten-
tieuses ; fut un des membres actifs du Lycée, société musicale et littéraire sous le
Directoire à Bordeaux, professeur d'histoire au Muséum ensuite ; il publia les
Antiquités bordelaises, le Code commercial, les Annales de la ville de Bordeaux. Le
tome VII de ses Tablettes, auxquelles nous empruntons les détails qui suivent, con-
tient la série des faits mémorables de la vie à Bordeaux depuis la Terreur
(21 septembre 1793) jusqu'au milieu du Consulat (22 septembre 1802). Il faut se
servir de ces Tablettes avec prudence, car l'auteur est souvent injuste et partial
dans ses appréciations. S'écrit aussi Bernadau.
3. Tablettes, 30 nivôse an VII.
4. Voir Archives départementales, série L, 547, les requêtes des commissaires de
police (9 vendémiaire an VIII) ou employés d'administration (4 thermidor an VII),
qui se plaignent de n'être pas payés depuis 3 ou 6 mois.
5. Marquise de la Rochejaquelein, p. 231.
6. Registre du Bureau central, 4 et 8 thermidor an VII, Archives municipales.
INTRODUCTION XXV
(Hagry), prévenus d'amas d'armes dans la rue de Gourgues, où le Bureau
central les avait arrêtés en thermidor dernier. On a fait croire qu'il n'y avait
pas d'indice de conspiration. La vérité est que cela devait servir à armer les
compagnies de Fils légitimes qui s'organisent à Bordeaux secrètement et
que nous connaissons personnellement ^. »
Cependant des événements graves se sont produits à Bordeaux, après
l'arrestation de Hagry. Les jacobins du Cercle de la Grande-Quille ont
adressé à l'Administration du département une déclaration violente « contre
les éternels ennemis de la Révolution qui revêtent la robe sanglante de la
licence..., s'agitent, conspirent ouvertement dans leurs journaux..., clandes-
tinement par des amas d'armes et de munitions de guerre et par des écrits
contre-révolutionnaires répandus avec profusion ^. »
Ils ont offert leurs services et placardé une affiche sur les murs de la ville,
le 19 thermidor La Jeunesse royaliste a arraché l'affiche. Sous la menace
d'un mouvement royaliste, l'Administration a fourni des armes à des jaco-
bins qui parcourent la ville, encadrés de commissaires de police. Le 20,
bataille dans les rues ; les jacobins tirent sur la Jeunesse ; il y a des tués,
des blessés, dont le jeune de Lur-Saluces qu'on emprisonne.
Dupont affirme qu'il n'a pas prévu ce mouvement, ne l'a point ordonné,
quil y était même opposé, le roi ayant défendu tout mouvement partiel.
C'est l'ardeur intempestive de la Jeunesse qui en est cause. La publication
de la loi des Otages ce même jour l'avait exaspérée ^. Cependant un des
présidents d'arrondissement, Coste, avait pris une part active à la mani-
festation royaliste. Il dut s'enfuir et se cacher du côté de Lesparre. Le
Bureau central de Bordeaux en prévint l'Administration centrale et celle
de Lesparre, le 22 brumaire an VIII : « Nous vous prévenons, écrit-il,
que le nommé Cosse *, homme très suspect sous tous les rapports, violem-
ment soupçonné d'avoir prêté une main active à tous les mouvements
rébeUionnaires des 19 et 20 thermidor dans cette commune, ainsi qu'à
l'émission des pamphlets et proclamations royalistes ^ qui ont été répandus
avant cette époque, violemment soupçonné d être l'ami des royalistes cons-
pirateurs, que cet individu est depuis 25 à 26 jours dans les communes de
Lesparre. » A l'administration de Lesparre, il présentait Cosse comme
« très dangereux,.., un des agents les plus dévoués des roj^alistes ». Un des
neveux de Dupont fut arrêté à la suite de ces journées et Dupont dut se cacher
lui-même plusieurs jours.
Dans les rapports qui lui furent remis les 21 23 thermidor, dans celui
1 Tahlcllcs, i) friinain- nii VIII.
2 Archivts (Icpai i<!iiunt;iles, L, 547, séance de l'Administralion centrale du
16 thermidor VII. Le 15 thermidor, les membres du Bureau central demandaient à
rAdtiiiiiistration de faire des perquisitions aux environs de Bordeaux (par exemple
à Léognan), où « les émigrés tenaient leurs conciliabules ».
3. Voir le» Anna/es de Bcrnadeau, à la date; 1 lissai, p. 74, elle Mémoire histo-
rique,p. 18.
4. Archives municipales, correspondance du liureau central de lan VII h
lan VIII.
5. Voir dans Essai, p. 151, les Amis confédérés de l'ordre et de la paix aux auto-
rités départementales de la Gironde, pamphlet, écrit par Dudon de Lcslrade, à
propos de la loi des Ologes.
XXVI INTRODUCTION
qu'elle prépara pour le ministre de la police, le 4 fructidor, l'Administra-
tion départementale signala l'agitation royaliste comme dangereuse, et le
26 thermidor elle prit des mesures énergiques pour la combattre * . Les
jacobins de Bordeaux annonçaient même, le 9 fructidor, qu'une contre révo-
lution, préparée pour la veille, avait été déjouée par le Bureau central '^.
Cependant la population bordelaise affectait den rire et 6.000 signatures, au
Cercle Séguineau, couvrirent une pétition adressée au Directoire contre la
« fusillade anarchiste du 20 thermidor '^ ».
A ce moment la Vendée et la Bretagne s'agitaient (elles s'insurgèrent en
octobre pour la seconde fois) ; les roj'alistes de la région toulousaine se
soulevaient (août) sous la direction d'un ex-général de la République, Bougé,
et de Paulo. Ils s'emparaient de Muret et de quelques villes, tenaient la
campagne pandant une quinzaine de jours jusqu'à leur défaite à Montréjeau
(3 fructidor) et leur dispersion *.
Dupont, que le Prétendant avait nommé récemment visiteur des provinces
de Saintonge, d'Angoumois, de Limousin, de Périgord, d'Agenais, de
Guyenne et d'une partie de la Marche (décembre 1798) °, et que l'agence de
Lyon avait chargé d'une haute surveillance sur les arrondissements des
Landes et de Toulouse *^, s'efforça d'entrer en communication avec le
visiteur de Toulouse au moment de l'insurrection, comme avec l'Ouest. Il
se tint prêt à profiter d'une défaite des républicains ou d'un nouvel échec
à la frontière ^.
La mission qu'il envoya à Toulouse, celle du sieur Lestrade (ou Estrade),
n'aboutit pas ^ ; en revanche, il entretint avec les chefs des armées ven-
déennes ou chouannes une correspondance par l'intermédiaire d'un ancien
chef de chouans, rentré à la faveur de l'amnistie de 1796, Destravaux. Ce
« Philibert Destravaux, resté en relations avec la Vendée et avec l'Angleterre»,
fut dénoncé par le Bureau central de Bordeaux à l'Administration départe-
mentale, le 7 fructidor, comme soudoyé « pour se réunir aux conspirateurs
qui se rassemblent à l'effet de favoriser un mouvement royaliste ^ ».
Le ministre de la police, Fouché. s'inquiétait de cette agitation royaliste
sans en connaître encore bien toutes les causes. Il écrivait au Bureau
central, le 24 thermidor : « Les royalistes ont éclaté et le sang a coulé dans
votre commune... J'approuve les mesures sages et vigoureuses que vous
avez prises. Vous m'annoncez l'arrestation de plusieurs chefs de la ré-
volte. Leurs affaires se lient à celles des embaucheurs et émissaires de
Louis XVIII 10. „
1. Archives départementales, série L, 547,
2. Tablettes, 9 fructidor an VII.
3. Tablettes, 14 fructidor an VII.
4. Voir Lavigne, Histoire de V insurrection royaliste de l'an VIII, in-18, Paris,
1887; et les mémoires du baron de Rougé dans les Mémoires de tous- Cf. Aulard,
Histoire politique, p. 676.
5. Le brevet du roi cité dans l'Essai, p. 139.
6. Essai, p. 74-75.
7. L'Italie était perdue après la défaite de Novi (15 août).
8. Essai, p. 78-79 Voir ci-dessus la biographie de Lestrade.
9. Mémoire historique, p. 25, et Essai, p. 81 ; Archives municipales. Police du
Bureau central.
10. O'ReilJy, Histçire de Bordeaux, p. 320 du t. \T.
INTRODUCTION XXVII
Les Fils légitimes donnaient la mesure de leur audace et de leur force en
enlevant de 1 hôpital Saint-André, à Bordeaux, le 30 vendémiaire an VIII, à
8 heures du soir, deux agents de l'Institut, Morille et Elissagaray. avec
seize hommes déguisés en chasseurs basques qui terrorisèrent le concierge et
le garde. De ces deux agents, l'un était prévenu d'émigration et l'autre
d'embauchage au profit du Prétendant. Dupont, comme Papin dans sa
requête au roi, se vante d'avoir ordonné le coup. Bernadeau, en relatant ce
fait, le commente : « Ce coup hardi a été exécuté par les Fils légitimes,
bande secrète de royalistes, qu'on dit organisée et dirigée par M. Papin
jeune, épicier de cette ville, qui s'est donné une réputation ostensible de
patriotisme dont il use au profit de son parti. Il a été municipal en 1796. »
(30 vendémiaire VIII *.)
Telle est l'organisation et la force de l'Institut Philanthropique à la veille
du Consulat Dupont va jusqu'à prétendre que, sans la victoire de Zurich,
l'Institut aurait levé victorieusement l'étendard royaliste dans le Midi de la
France ^
On verra plus loin le récit du voyage de Dupont-Constant à Augsbourg,
sou entrevue avec Wichkam, l'ambassadeur anglais en Souabe, avec Pichegru
et Willot, organisateurs du complot de l'an VIII dans le midi de la France.
Quand Dupont revint à Bordeaux, il s'adjoignit comme collaborateur
principal, secrétaire général de l'Institut, Mathieu de Boissac, ancien pré-
sident de l'élection de Guyenne, récemment revenu d'émigration.
Voici, d'après les pièces originales conservées par la famille de Boissac, le
brevet, scellé aux armes de France, que Dupont délivra au secrétaire général
de l'Institut.
« De par le Roi, nous agent et visiteur de l'Institut dans les provinces de
Saintonge, Angoumois, Limousin, Périgord, Agenois, Guyenne, et d'une
partie de la Marche, nommé par brevet de S. M. Louis XVIII, délivré à
Mittau, le 1^^»' décembre de l'an de grâce 1798 et le 4"'« du règne de S. M.
très chrétienne, après nous être bien assuré des principes, du zèle et de la
fidélité à la cause du Roi du sieur Tristan, l'avons nommé et nommons
secrétaire général de notre arrondissement pour servir en cette qualité prés
de notre personne et contresigner tous les actes qui intéresseront le service
de S. M. à dater de ces présentes.
«Donné à Bordeaux, sous le contreseing du secrétairegénéral de l'arrondis-
sement, le 9 mars de l'an de grâce 1800 et du règne de Sa Majesté le 6«. —
[Signé] Constant et (au-dessous), par mandement, Tristan, secrétaire général. »
Après son élargissement, en 1802, Dupont donnait à M. de Boissac l'attes-
tation suivante :
« Je soussigné, visiteur général de l'ordre de l'Institut général établi dans
le département de la Guiennepar brevet de S. M. Louis XVIII, certifie à qui
il appartiendra que le brevet de secrétaire général de l'ordre, par moi délivré
à M. Tristan, appartient à la personne de M. Ch. Henri Mathieu de Boissac,
1. Archives départementales, L, 72, Cf. le registre de délibérations de l'Adminis-
tration départcnienlale, L, 547 ; Essai, p. 82 ; Archives municipales, J, 87,
extrait des registres du Tribunal criminel ; Tablettes, 30 vendémiaire an Vlll
^21 octobre 1799).
2. Essai, p. 36, 37.
XXVIII INTRODUCTION
ci-devant président de l'élection de Guienne, séante à Bordeaux. En foi de
quoi, pour lui servir en tant que de raison. Bordeaux, le 20 avril 1802.
(Signé) Constant *. »
1. Le tout de l'écriture de Dupont-Constant. Mathieu "de Boissac (Charles -Henri),
né à Libourne en 1754, conseiller du roi et président de l'élection de Guyenne (il
succéda en mai 1784 à Cop Martin, décédé, comme en témoignent les lettres de
provision conservées par la famille ; il avait acheté son office 24.000 livres), fut
condamné, le 3»^ jour de la décade du 2* mois de l'an 11, par la commission mili-
taire séante à Libourne et présidée par Lacombe, à être « détenu jusqu'à la paix »,
comme a accusé d'aristocratie... et soupçonné d'émigration ». Il dut s'enfuir,
émigra en Espagne, où nous le retrouvons en janvier 1799 (à Pampelune). Il
obtint à cette date, pour rentrer en France, un passeport qui a été conservé. Il
revint à Bordeaux ou à Libourne, se fit rayer de la liste des émigrés, mais resta
sous la surveillance de la police de Libourne jusqu'en brumaire an X.
PREMIERE PARTIE
1796-1800
LA CONSPIRATION ANGLAISE
ET
LES INSTITUTS PHILANTHROPIQUES DU MIDI
CELUI DE BORDEAUX EN PARTICULIER
A. — L'ANGLETERRE ET LA FONDATION DES INSTITUTS (1796-98).
Pour appuyer les cfiForts de la première coalition. l'Angleterre avait fourni
de l'argent et des armes aux Vendéens et aux chouans, et son envoyé en
Suisse, Wickham, avait essayé avec Gondé de soulever les provinces orien-
tales de la France, même de débaucher l'armée de Rhin-et-Moselle, com-
mandée par Pichegru.
Dans les derniers mois de 1796, elle se rendait compte de son échec.
Non seulement la coalition était vaincue, car la France avait envahi la
Belgique, la Hollande, l'ouest de l'Allemagne et l'Italie du Nord, mais les
insurrections de l'Ouest, comme les intrigues de lEst, avaient échoué. Stofflet
et Charette avaient payé de leur tête leur soulèvement (février-mars 1796) ;
la Vendée était pacifiée par Hoche, et Pichegru avait perdu son comman-
dement.
Sur le conseil de Wickham, qui s'inspirait lui-même des avis de Dandré,
l'cx- constituant, réfugié en Suisse, le ministère anglais parut alors renoncer,
momentanément au moins, à provoquer des mouvements royalistes en France,
pour paralyser l'action du gouvernement français au dehors. Mais il encou-
ragea et soudoya le complot constitutionnel d'une partie des Conseils et de
l'Institut Philanthropi(iue.
Nous avons étudié ailleurs les relations de 'Wickham avec les Conseils
par 1 intermédiaire de Dandré, son envoyé à Paris. Nous citons ici les
documents qui prouvent ses rapports avec l'Iuslilut dès sa fondation.
1
2 LA CONSPIRATION ANGLAISE
1. — Le mémoire de V agence royale de Paris.
Le 23 août 1796, le représentant du prétendant à Londres, le duc
d'Harcourt, envoyait au ministère Grenville un mémoire émané des
trois personnes employées en France par M. Wickham ^. Ce mémoire
démontrait que les circonstances n'étaient « pas assez mûres pour
le rétablissement de la royauté », et que les royalistes devaient « se
préparer dans le silence à diriger les événements et à en profiter ».
Le duc d'Harcourt insistait sur ces conclusions dans sa lettre d'en-
voi : « Les circonstances dans lesquelles se trouve l'intérieur
paraissent commander impérieusement de substituer le plan ci-joint
à tout ce qui a cessé d'exister, et qui doit remplacer d'une manière
infiniment mieux combinée. .. les rassemblements de royalistes.»
Plus de « guerre d'action », mais une « guerre d'opinion » ! Faire
tourner l'impopularité du régime directorial au profit du roi : voilà
le but. Pour cela on s'eff'orcera de réunir des majorités hostiles à ce
régime dans les assemblées, assemblées primaires ou électorales,
conseils des Cinq-Cents et des Anciens. « C'est avec ces majorités de
chouans bien employées qu'on opérera la contre-révolution. »
On formera à Paris et dans les départements des sociétés roya-
listes. « Il faut, en changeant les signes maçonniques, profiter de
cette institution pour obtenir des moyens de reconnaissance. Sans
avoir de sociétés publiques et de comités comme les jacobins, il
faut chercher à obtenir les mêmes résultats. »... « Ce n'est pas
une société qu'il faut établir, mais des sociétés dont on dirigera le
vote, qu'on pourra rassembler en cas de besoin.
« La trahison, l'indiscrétion même étant un des obstacles les plus
dangereux d'un pareil établissement, il faut : V qu'à l'exception des
chefs correspondant directement avec Paris, tous les sociétaires
ignorent le but de l'institution ; 2o que les sous-chefs ne connaissent
que le chef principal du département et point du tout sa correspon-
dance avec Paris ; 3° que le secrétaire particulier ne connaisse que le
sous-chef de son canton ; 4° que les mots de passe soient tels qu'en
cas qu'ils fussent découverts, ils ne présentassent d'autre but de la
part des sociétaires que celui de se reconnaître, afin de pouvoir se
réunir pour seconder le gouvernement contre les entreprises des
jacobins et des anarchistes. »
Suit un projet d'organisation de ces sociétés. Elles seront favo-
1. L'abbé Brottier. DuvernedePresleetDespomelIes, les trois principaux membres
de l'agence de Paris subventionnée par Wickham. Voir Caudrillier, la Trahison
de Pichegru, p. 73 et 100. Despomelles, maréchal de camp avant la Révolution, ami
et collaborateur de Lemaître qui fut condamné à mort en novembre 1795, a fait le
règlement des Instituts et des divisions militaires, déclare Duverne, le 17 ventôse IV
(Barras, Mémoires, t. II, p. 340).
ET LES INSTITUTS PHILANTHROPIQUES DU MIDI 3
râbles au gouvernement en apparence, hostiles aux jacobins seule-
ment, essentiellement pacifiques jusqu'au jour de la levée en masse
ordonnée par le roi On établira « non seulement dans les dépar-
tements autour de Paris, mais dans tous ceux où il sera possible,
non pas un comité de correspondance, mais un commandant qui
sera seul chargé de la correspondance avec Paris... Les limites
de chaque présidence (car ces commandants n'auront dans le public
d'autre titre que celui de président des Amis de l'Ordre) seront
tracées dans tous les sens par le centre de correspondance... Les
présidents ne doivent jamais oublier qu'aux yeux vulgaires, 1 éta-
blissement ne doit avoir pour but que la résistance à la tyrannie
des jacobins. En conséquence, il leur sera expressément enjoint
de ne jamais émettre en public d'autre vœu que l'amour de l'ordre.
Toute guerre partielle étant non seulement inutile, mais même
dangereuse pour la bonne cause, il faut se lever en masse ou rester
passifs. Aucun président ne piourra former aucun rassemblement de
sociétaires, ni commettre aucun acte d'hostilité sans l'ordre du roi,
qui leur sera communiqué par le centre de correspondance... »
« Les présidents diviseront leur présidence en autant de cantons
qu'ils le jugeront convenable. Ils placeront à la tête de chacun un chef
qui sera connu sous le titre de secrétaire des Amis de l'Ordre. 11
devra ignorer la correspondance avec le centre de Paris. »
{Record Office, Foreign Office, France, à la date.)
Le mémoire fait suite à la lettre du duc d'Harcourt Le 6 septembre 1796,
l'agent du comte d'Artois à Londres. Dutheil, demandait à Grenvillc si ce
plan d'organisation secrète des sociétés royalistes lui convenait. La lettre de
Wickham du 27 août 1797, ci-dessous citée, prouve que Grenville accepta
le plan, car il fournit des subsides à llnstitut Philanthropique.
2. — La correspondance de Dandré avec Wickham avant
Fructidor.
(Analyse et extraits.)
En 1797, caché à Paris ou dans les environs, l'ex-constituant Dandré s'est
mis en relations avec Dcspomellcs qui a rédige le règlement des Instituts et
qui, après l'arrestation de Brottier et de Duverne de Prcslc, en janvier, reste
seul pour les diriger. Il comprend le parti qu'il peut tirer de l'action
politique des Instituts dans les départements, offre à Despomdles son appui
auprès de Wickham pouren obtenir des fonds, et, grâce à l'argent que lam-
bassadeur met à sa disposition, il multiplie les Instituts en dehors de la
région parisienne, dans le Midi surtout, et se charge de leur faire pas.ser des
instructions et des ordres.
En fait il prend la direction des Instituts du Midi, charge Caire (Jardin),
président de l'Institut de Marseille, de faire une tournée dans les provinces
4 LA CONSPIRATION ANGLAISE
méridionales. Nous savons que Caire est passé par Bordeaux, qu'il a décidé
Dupont Constant à fonder l'association girondine ; il revient à Paris à la fin
d'août, car Dandré annonce à Wickham le retour d'un voyageur venant du
Midi qui lui apporte des nouvelles des Instituts et de Marseille. Il repart
pour le Midi en septembre, après le coup d'Etat, pour empêcher une insur-
rection.
Ces détails nous sont fournis non seulement par les brochures de Dupont-
Constant (Voir l'introduction), mais aussi par les lettres, si importantes
pour l'histoire de la conspiration anglaise avant Fructidor, lettres que
Dandré adressait à Wickham et qu'il lui faisait porter en Suisse par des agents
secrets, Bayard entre autres. Ces lettres se retrouvent aux Archives du
Record Office, Foreign Office, Suisse, mêlées à la correspondance de l'am-
bassadeur avec Grenville. Dandré signe ces lettres Kilien ou Berger.
Dandré écrit, en mai 1797, à Wickham (lettre apportée par Bayard) :
« Les sociétés s'organisent dans plusieurs départements. Avant
trois mois elles seront établies partout. >> — Le 30 juin, Wickham
annonce à Grenville que Fabbé Delamarre est arrivé à Berne venant
de Paris, accompagné de Bayard, avec un plan que Dandré propose
et que l'abbé devra faire approuver au roi. Un des objets principaux
de ce plan est « d'établir des associations de propriétaires dans
chaque département suivant le système adopté pour la formation de
rinstitut Philanthropique, système connu de V. E. (Grenville). Ces
associations auront pour but d'influencer le choix des administra-
teurs, de les encourager et de les soutenir. »
Le 29 juillet, Dandré annonce qu'il est « très occupé de l'organisa-
tion des Philanthropes du Midi ». Il déclare à l'ambassadeur : « Rien
n'est meilleur que l'Institut, parce qu il nous fait travailler avec
sûreté et, si on nous laisse le temps d'arriver en germinal, l'effet est
immanquable. Tous les efforts du Directoire doivent tendre à empê-
cher les élections ; tous les nôtres doivent tendre à y parvenir, et
d'ici là à serrer et coaliser les honnêtes gens. » — Le 18 août, « la
Philanthropie va bien ; elle pourrait aller mieux si Despomelles
n'était pas un peu mou. Il boit un peu, et l'après-midi il n'est pas
bon à grand'chose. Je lui ai remis ses 1.900 louis. »
Car Wickham a consacré une somme fixe par mois à l'Institut :
« M. Wickham, écrit Leclerc, secrétaire de l'ambassadeur, à La
Barberie ^ et à Despomelles (26 juillet), a pris sur lui de vous accor-
der la somme que vous demandez. Kilien (Dandré) a ordre de
remettre à Despomelles en deux paiements la somme de 2.000 louis,
sauf 200 louis qu'il m'a ordonné de retenir entre mes mains pour de
petits services imprévus, tels que les appointements de Valdené; les
1. La Barbarie, principal collaborateur de Despomelles, envoyé par lui en jan-
vier 1797 à Blaakembourg, pour exposer au roi les résultats obtenus déjà.
ET LES INSTITUTS PHILANTHROPIQUES DU MIDI 5
frais de voyageurs, etc. On a la plus grande espérance d'être autorisé
à payer régulièrement la même somme avec la même retenue.. . On
tient à ce que cette somme soit rigoureusement appliquée à la forma-
tion des Sociétés Philanthropiques et à ce que les chouans n'en
emportent rien, excepté la juste proportion de leur partie. »
C'est pourquoi Wickham annonce à Grenville, le 27 août : « Vous êtes
entièrement soulagé des dépenses de l'Institut Philanthropique *. » Il lui
envoie la copie de la lettre ci-jointe de Leclerc. Il ajoute ce détail important :
Despomelles n a pas à s'occuper des dépenses de l'Institut dans 22 dépar-
tements, dont Dandré a pris l'entière direction. Ainsi les 2.000 louis par
mois servaient à payer l'Institut dans moins de 50 départements, puisque
Dandré évalue, dans son rapport d'octobre, à 70 le nombre de ceux où
l'Institut a pris racine.
Cette somme est régulièrement payée à Despomelles par le banquier
Jacques Martin ; quant à Dandré, il reçoit 4.000 louis, pour son « travail de
Paris )) et pour les autres Instituts, par le banquier Baboin
Quelques jours avant le coup d'Etat, le 28 août, Dandré exprime encore
la satisfaction que lui cause le développement de l'Institut, en particulier ses
progrès dans les départements du Midi :
« Il m'arrive un voyageur venant du Midi ^ ; l'Institut y est établi
d'une manière avantageuse dans 20 départements. On y met un peu
de mollesse dans le Lyonnais. Il faudra que M. de Précy écrive un
mot à M. de Lacombe pour l'engager à activer son travail. Il y a un
grand mouvement à Marseille : les honnêtes gens ont perdu deux
hommes, mais ils ont fini par être vainqueurs. Les Jacobins sont en
fuite. »
{Record Office, Foreign Office, Suisse.)
3. — Le rapport doctohre.
(Extraits et analyse.)
Ce rapport, que Dandré, réfugié en Suisse après le 18 Fructidor, remit à
Wickham, a été publié en partie par Ballot dans le Coup d'Etat du 18 Fruc-
tidor. Nous publions les Jjassages intéressant l'Institut, qu'il n'a pas pu-
bliés.
«... Après avoir fait nommer les députés, écrit Dandré, il fallait
songer à les soutenir. J'avais eu le projet de faire des sociétés dans
chaque département, d'établir entre elles une correspondance... On
me proposa le plan de l'Institut Philanthropique. Je renonçai sur-le-
champ au mien qui me parut moins bon que celui de 1 Institut, et
j'embrassai celui-ci avec ardeur. J'employai à cet établissement, qui
1. Donc Grenville faisoit passer dos fonds h Despomelles pour l'Institut.
2. Sans doute Caire (Jardin).
6 LA CONSPIRATION ANGLAISE
n'était encore qu'un projet, une partie des fonds que vous m'aviez
confiés. Des voyageurs parcoururent les départements et, dans le
court espace de six semaines, l'Institut avait jeté des racines dans
plus de 70 départements. Dans quelques-uns, tels que les Bouches-
du- Rhône, Vaucluse, Gironde, Ardèche, Seine-Inférieure, il était
solidement établi, et tous les administrateurs avaient été pris parmi
les Philanthropes...
(( Chaque jour l'Institut prenait de nouveaux accroissements, et je
ne doute point que, sans la catastrophe qui nous a écrasés, les élec-
tions de germinal prochain n'eussent, été entièrement à nous. Un
journal de premier rang destiné à servir dans la suite de véhicule à
notre correspondance, était entrepris. Des voitures transportaient
nos lettres à l'abri des atteintes du gouvernement ; des signaux de
reconnaissance, une communication très active avec les présidents
de départements, tout nous faisait espérer que nous acquerrions
une connaissance exacte du nombre des bons Français, que nous les
rallierions, et que le désordre s'approchait de sa fin... »
Avant que le coup d'Etat éclatât, Dandré se proposait de faire servir l'Ins-
titut à la défense de l'Assemblée, à Paris.
« Le dimanche (17 fructidor), les agents généraux de la Philan-
thropie et les affidés généraux de Paris se rendirent chez moi. Après
une longue conférence, il fut décidé qu'ils se rendraient dans les
municipalités, que tout se préparerait, et que, s'il y avait quelque
danger, ils reviendraient à dix heures du soir chez moi... A neuf
heures, un député, qui nous servait en partie d'intermédiaire avec les
inspecteurs, vint chez moi. J'étais avec Léon i, un des agents géné-
raux. Il nous assura qu'il n'y avait rien à craindre pour ce soir...
Aucun des affidés n'étant revenu, je pensai aussi qu'il n'y avait rien
à craindre. »
Après le coup d'Etat, Dandré croyait encore que l'Institut pouvait réparer
le mal que la vigilance du Directoire avait fait à son parti. Il importait peu
que le gouvernement eût découvert ses règlements, car « on n'a pu décou-
vrir, ajoutait-il, les présidents des départements et les agents généraux ;
aucun des fils n'a été rompu ; tous les présidents sont choisis ; il ne reste
plus qu'à renouer la correspondance. ))
Despomelles et les agents généraux suffisaient pour diriger l'Institut, si les
dénonciations ne les forçaient pas à quitter la France. Il importait d'ail-
leurs d'éviter tout mouvement partiel.
«... Pénétré de cette idée, j'ai fait partir, le mercredi 20 fructi-
dor. Jardin ^ président du département des Bouches-du-Rhône,
1. Voir ci-dessous la note de Desmarets sur Léon Dubois, chirurgien.
2. Caire. Voir ci-dessus, introduction, p. xvi.
ET LES INSTITUTS PHILANTHROPIQUES DU MIDI 7
département le mieux organisé de tous, pour empêcher qu'on ne fît
quelque imprudence. Il se concertera avec les honnêtes gens de
Lyon.
. . Il sera essentiel d'obtenir du roi qu'il n'envoie plus d'agents
en France. Les aliments qui restent suffisent pour diriger et entre-
tenir l'Institut Philanthropique. La Barberie et Despomelles sont
les hommes qu'il faut pour cela. »
Record Office, Foreign Office, France. [Voir
le reste du mémoire, dans Ballot, le Coup
d'Etat du 18 Fructidor.]
4. — 2 mai 1798. Lettre de Dandré à d'Avaray.
(Extrait.)
Cette lettre a été publiée par M. de Martel dans ses Historiens fantai-
sistes, la Machine infernale, p 290 à 291.
Elle prouve que Dandré a conservé dans l'agence de Souabe (de Vezet,
Précy. Dandré, Imbert-Colomès) \ à laquelle le Prétendant a délégué ses
pouvoirs sur la France de l'Est et du Sud, la direction des Instituts roya-
listes.
Il semble d'ailleurs qu'à cette date l'Institut ait perdu de son importance
dans les départements autour de Paris. Après le coup d'Etat de Fructidor,
Despomelles s'est terré dans les environs de la capitale, et il n'est plus ques-
tion de lui dans les documents anglais. La Barberie s'est enfui à Londres,
comme le prince de La Trémoille que le Prétendant avait chargé, par
l'ordonnance d'avril 1797, de présider son agence de Paris -.
En revanche, l'organisation des Instituts du Midi s'est fortifiée sous la
direction de l'abbé Lacombe, et après la tournée que, sur son ordre, Dupont-
Constant a faite dans les départements méridionaux.
C'est donc surtout avec les Instituts du Midi que Dandré reste en rapports,
chef d'autant plus écouté de ces associations royalistes qu'il a contribué à
leur fondation.
Mais Wickham avait quitté la Suisse, rappelé par son gouvernement en
décembre 1797. Son successeur Talbot avait dû reculer devant l'invasion du
pays par les Français. Réfugié à Augsbourg avec Dandré il combine avec
lui, et peut-être avec Royer-Collard, qui faisait partie de l'agence royale de
Paris ^, un plan de coup d'Etat dont le premier article était l'assassinat des
directeurs
M. André Lebon cite ou résume dans V Angleterre et l'Emigration * les
1. Sur cette agence, Voir surtout, Forneron, Histoire des émigrèbt t. II, p. 269 ;
Daudet, Histoire de l'Emigration, t. HI, p 176 (noie) et 196 (note); les Mémoires de
Fauche- fiorel, p. 357, 380-81, et la publication officielle intitulée Papiers saisis à
liaretilh et àMende importantes lettres d'Imbert-Coloniès et do Précy).
2. Coudrillicr, Trahison de Pichegru, p. 374.
3. Agence établie au printemps de 1798, après une entrevue de Dandré avec
Roycr-Collard en Suisse, et composée de l'abbé de Montesqutou, du marquis de
Clermont-Gallerande et de Becquey.
4. P. 264 à 269. Lire la lettre de Grenville du 25 janvier 1799.
8 LA CONSPIRATION ANGLAISE
lettres de Talbot à Grenville, comme la réponse de Grenville qui le désavoue.
Le ministre anglais refusa, en effet, de suivre son agent de Souabe dans la
voie de l'assassinat et ne tarda pas à le rappeler.
« ... Je crois devoir vous dire, écrivait Dandré à D'Avaray, qu'in-
dépendamment du travail que nous faisons ensemble, je suis acti-
vement un autre objet dont je parle peu, parce que le secret seul
peut le faire réussir. C'est le projet de faire assassiner le Directoire.
J'ai fait demandera tons les présidents de V Institut àes hommes de
main. Si, ce dont je doute d'après l'expérience du passé, le nombre
suffisant se trouve, je rentrerai pour aller dans l'intérieur tâcher
de frapper un grand coup... En attendant que les renseignements
sur cet objet me soient arrivés, V*** est destiné à former des intel-
ligences dans la garde du Directoire et dans l'état-major de Paris,
mais ni cet agent ni les chefs de l'Institut ne savent rien du but que
je me propose. »
(Martel, Machine infernale, p. 290-291.)
5. — 3 et 25 novembre 1798, Augsbourg, Talbot à Canning.
(Analyse.)
[Les deux lettres suivantes prouvent la participation de Talbot au complot
de Dandré et le rôle qu'il entend faire jouer aux Instituts du Midi avant ou
après le coup de main.
Le 3 novembre, il annonce que les relations sont établies entre la Franche-
Comté et la Vendée, par la ligne des Instituts du Midi, Lyon, Toulouse,
Bordeaux. Les forces des royalistes dans les provinces méridionales se sont
accrues depuis le départ de Bonaparte pour l'Egypte. L'interruption du
commerce du Levant a singulièrement augmenté le mécontentement
public.
A Paris, une troupe de royalistes déterminés se tient prête à frapper le coup
essentiel.
Plus explicite à ce sujet la lettre du 25 novembre dont j'emprunte la tra-
duction à M. A. Lebon (p. 265).
« ... La fameuse insurrection de Paris, le 4 septembre 1797, a
prouvé l'imprudence qu'il y a à s'en fier seulement au jeu naturel
de l'opinion publique, et montré la nécessité de tenir prête une troupe
d'hommes pour commencer par un coup de main l'exécution de
tout plan ayant pour objet de changer le système qui a si longtemps
prévalu en France, quand on trouvera une occasion suffisamment
favorable... »
{Record Office, Foreign Office, Suisse, à la date.)
ET LES INSTITUTS PHILANTHROPIQUES DU MIDI 9
B. LA CONSPIRATION ANGLAISE DANS LEST ET LE MIDI DE LA
FRANCE, au début de la deuxième coalition (1799), avant
Zurich ; rôle attribué aux Instituts du Midi.
Il semble qu'au début de la deuxième coalition, après le rappel de Talbot,
le ministère anglais ait voulu abandonner à eux-mêmes, sans leur donner son
appui financier, ces Instituts du Midi que Dandré et Wickham avaient con-
tribué à fonder en 1797.
Le successeur de Talbot en Souabe, Craufurd, reçut Tordre de réduire les
dépenses « pour l'intérieur de la France » et de ne plus compter que sur
« les succès des ennemis extérieurs du gouvernement français » pour triom-
pher du Directoire.
Craufurd dut exécuter à la lettre les instructions de Grenville, car les
membres de l'agence de Souabe se plaignirent avec amertume du mal qu'avait
causé la suspension des largesses anglaises pendant trois mois. [Voir ci-
dessous, n°^ 12 et 13.]
Enfin Wickham revint en Suisse ! Son gouvernement lui confiait une mis-
sion nouvelle (juin 1799), plus militaire que politique. On le chargeait de
lever des troupes suisses, souabes ou bavaroises pour appuyer les mouve-
ments de l'archiduc Charles et de Korsakof. Sa mission devint bientôt plus
politique que militaire, car il se préoccupa surtout d'organiser une insurrec-
tion des royalistes de l'Est et du Midi.
Cette insurrection devait éclater, aussitôt la Suisse conquise, après la dé-
faite de Masséna qu'on jugeait prochaine et inévitable.
Des levées suisses, auxquelles se joindraient des levées royalistes, forme-
raient une petite armée à la tête de laquelle se mettrait le comte d'Artois,
venu d'Angleterre, avec Pichegru comme chef d'état-major. On marcherait
sur Lyon, « centre de correspondance )> des Instituts du Midi ; on donne-
rait le signal de l'insurrection à ces associations royalistes qui se lèveraient
en armes de la Rochelle à Besançon. [V. n»» 10 et 19.]
En fait, les royalistes ne se sont soulevés que dans la région toulousaine
en août. [Voir les Mémoires du baron de Rougé dans les Mémoires de tous et
y Histoire de l'Insurrection royaliste de Van VII de Lavigne.] Encore n'est-
il pas prouvé que ITnstitut de Toulouse ait donné le signal du mouvement.
Plus probablement il a essayé de l'enrayer, suivant les ordres reçus de Lyon,
car le visiteur de Toulouse s'était caché au moment de l'insurrection, et
Lestrade, que Dupont-Constant lui envoya, ne parvint pas à le rencontrer.
[Cf. Essai, p. 79.]
Mais les passages suivants de l'Essai de Dupont et des Mémoires de Fau-
che prouvent que les Instituts du Midi n'attendaient qu'un ordre pour se
soulever. [Cf. l'introduction, p. xxiv et xxv : le mouvement royaliste de
Bordeaux, 19 et 20 thermidor an VII; armes saisies chezHagry ; enlèvement
de Morille et d'Elissagaray.]
« Il est très certain, écrit Dupont, que, sans la catastrophe de
Zurich, on aurait pu disposer d'une armée nationale et toute royale
qui en aurait imposé par son nombre, par sa discipline, par son cou-
10 LA CONSPIRATION ANGLAISE
rage, et surtout par son dévouement... Les événements politiques de
l'Europe... ont fait échouer les projets, les plans et toutes les me-
sures des royalistes de l'intérieur, auxquels il avait été expressément
défendu de prendre les armes avant que l'armée des alliés n'y eût
pénétré. » (Essaie p. 36, 37.)
D'autre part, les Mémoires de Fauche rapportent une conversation du géné-
ral Pichegru avec ce libraire, conversation qui témoigne au moins chez celui
qui l'a rédigée d'une connaissance exacte et précise des projets royalistes,
t. II, p 337-338.
«Vous savez, me dit-il, que tandis qu'on détruisait au dehors
l'ascendant militaire et politique du gouvernement directorial, des
coups plus terribles encore, préparés par la Confédération des roya-
listes de l'intérieur, allaient lui être portés des divers points du
royaume. Outre les provinces de l'Ouest qui comptaient plus de
soixante mille royalistes en armes, Lyon ranimait les souvenirs
de sonhéroïque résistance ; les fidèles de Lyon donnaient la main aux
fidèles du Jura, régulièrement préparés à une levée en masse. Vous
savez que, traversant l'Allemagne, je vins me placer en Suisse, vers
la lisière de la Franche-Comté, province qui m'était dévouée tout
entière... Si l'armée française était battue, je devais en réunir les
débris ; les proclamations étaient imprimées ; tous les subsides étaient
fournis par l'Angleterre à l'agence royale.
« De l'autre côté, sur les rives du Rhône, de l'Hérault et de la
Haute-Garonne, des partis royalistes se montraient à découvert :
c'était surtout dans la Guyenne, la Gascogne, la Saintonge et VAn-
goumois que la fédération prenait une forme régulière. Ces provinces
étaient liées entre elles par une association dont Bordeaux était le
ce/2/re,etdans laquelle on comptait vingt mille hommes militairement
organisés.
« Tout était disposé au mois de septembre pour la levée générale
des boucliers, quand des revers inattendus vinrent enchaîner le zèle
et faire évanouir les espérances des amis du roi. »
6. - 21 mars 1797. Instructions données par lord Grenville au
colonel Craufurd.
(Traduction.)
«... En ce moment... des soulèvements partiels, soit dans Paris,
soit dans une province, non seulement ne doivent pas être engagés par
vous, mais sont manifestement inhumains, car ils compromettent
sans profit les meilleurs amis de la monarchie, et impolitiques, car ils
fortifient le pouvoir du gouvernement. C'est seulement parle succès
des ennemis extérieurs du gouvernement français quel'on peutouvrir
ET LES INSTITUTS PHILANTHROPIQUES DU MIDI 11
une voie sûre à une lutte heureuse de l'extérieur contre la tyrannie
dont souffre aujourd'hui la France. »
Craufurd devra donc réduire les dépenses « pour Tintérieur de la
France ». Cependant : 1° il faut entretenir « les canaux de corres-
pondance, qui peuvent être nécessaires pour recevoir des renseigne-
ments sur les actes du gouvernement, l'état des partis et de l'opinion
publique en France » ; 2« subvenir aux besoins de « ceux des émigrés
qui peuvent avoir quelque droit à des secours, à raison des services
qu'ils ont rendus à M. Wickham et à M. Talbot pendant leurs
missions et qui vivent actuellement de ces secours » ; 3o faciliter
à Précy « le moyen de conserver. .. les officiers et autres agents qui
lui ont été attachés depuis le commencement de ses rapports avec
M. Wickham, dans le but d'avoir les premiers cadres d'une armée
qu'on pourrait lever dans les provinces de l'Est après le succès
d'une invasion en France »...
{Record Office, Foreign Office, Suisse, à la date. Cf. Lebon,
V Angleterre et l'Emigration, p. 270.)
7. — Edimbourg, 21 avril 1799. Le baron de Roll ^ à Wickham,
« Mon cher Wickham ^ il faut absolument que je m'entretienne
un instant avec vous... Je suis premièrement chargé de vous répéter
de la part de S. M. B. Monsieur ce que vous savez si bien de son
extrême désir d'être mis en activité. Vous vous imaginez bien que
le renouvellement des hostilités sur le continent a augmenté son im-
patience et lui rend de jour en jour sa situation plus pénible. Mais il
espère que les événements qui viennent de se passer pourraient
déterminer votre gouvernement à saisir ce moment pour relever
avec vigueur le parti des royalistes de l'intérieur. Les lettres que
Monsieur reçoit des provinces de Bretagne, de Normandie et de la
Vendée s'accordent toutes pour presser et solliciter instamment de
profiter du moment actuel. lien esta peu près de même des provinces
du Midi. Les dispositions doivent s'enflammer de plus en plus à me-
sure que les armées républicaines éprouveront des revers sur le
continent. Si par toutes ces considérations réunies vous croyez aper-
cevoir que le ministère serait disposé à s'occuper incessamment
d'un plan relatif aux royalistes de l'intérieur, Monsieur espère que
1. D'origine suisse, sollicitait le ministère anglais de délivrer sa patrie du joug
des Français ; il partit pour la Suisse quelque temps après, pour préparer les voies
au comte d'Artois qui devait se rendre dans ce pays et prendre le commandement
des levées suisses que Wickham et le major Hamstiy furent chargés d'organiser
avant et après la bataille de Zurich. Le baron de Holl était un des conseillers les
plus écoulés du comte d'Artois, qui résidait ù Edimbourg.
2. Wickham, à son retour de Suisse, avait été chargé des fonctions de sous-
secrétaire d'Ktat au ministère de l'intérieur.
12 LA CONSPIRATION ANGLAISE
VOUS vous intéresserez à faire valoir auprès des ministres tout
l'avantage qu'ils peuvent tirer de sa personne et toute la confiance
qu'il mérite de leur part... »
(Publié dans la Correspondance de Wickhaniy t. II, p. 423, 424.)
8. — [Londres] 3 mai 1799. Lettre de Duthell ^ [à M. Frère ^ ].
« M. Dutheil ne sachant pas si Milord Grenville a donné connais-
sance à M. Frère des relations qui existent avec le général Pichegru^,
il croit convenable, dans l'incertitude où il est à cet égard, d'avoir
rhonneur de lui envoyer copie de la lettre qu'il vient de recevoir de
M. La Rue *, le collègue au Corps législatif du général Pichegru et
son homme de confiance. Si Son Excellence croyait que M. Dutheil
pût mander quelque chose aujourd'hui au général Pichegru, en ce
qui peut être relatif à la réponse qu'il désire, M. Dutheil attendra
ce que Milord Grenville jugera à propos de lui faire savoir à cet
égard. »
[Suit copie de la lettre de La Rue àDutheil, Hanovre, 20 avril 1799. j
« Des lettres que nous avons reçues hier ont déterminé le général
Pichegru à me faire partir en avant du côté de la Suisse. Je merends
directement à Augsbourg pour y conférer avec des agents impor-
tants. Il m'y aurait accompagné s'il eût reçu réponse à la lettre qu'il
1. Le représentant du comte d'Artois à Londres et son intermédiaire habituel au-
près des ministres anglais.
2. Au ministère du Foreign Office (Affaires étrangères). Frère semble tout parti-
culièrement, à cette époque, chargé par Grenville des affaires des émigrés réfugiés en
Angleterre.
3. Pichegru, après son évasion de la Guyane, avait été bien accueilli en Angle-
terre. (Cf. les lettres de Malouet, du duc de Portlandt la note de Canning dans la
Correspondance de Wickham, t. II, p. 75-79, 80, 81, 83.) — Il quitta cependant
l'Angleterre en décembre 1798, pour suivre de près la négociation entamée par
Fauche-Borel avec David Monnier, qui se disait autorisé par Barras. M. Daudet a
raconté longuement cette intrigue dans les Emigrés et la 2« coalition et dans son
Histoire de l'Emigration, t. IL Les Archives anglaises, surtout les papiers de
l'agent du prince d'Orange à Berlin, 1 Anglais Stamfort, contiennent de curieux
détails à ce sujet. Pichegru séjourna en Allemagne jusqu'en juillet 1799, souvent
à Brunswick, où le duc l'accueillit avec faveur, ou à Zelle (duché de Saxe-Golha).
L'Angleterre lui faisait une pension sans lui donner de mission spéciale sur le con-
tinent. Il projetait un soulèvement de la Franche-Comté contre le Directoire,
entretenait des relations avec des officiers de l'armée républicaine, songeait même
à profiter de la popularité qu il avait conservée en Hollande pour se mettre à la tête
dune insurrection de ce pays contre le gouvernement français. Aucune de ces
intrigues n'aboutit. Cf. Mémoires de Fauche, t. II, p. 241 à 285.
4. Beau-frère de Hyde de Neuville, député de la Nièvre (an IV et an V) aux
Cinq-Cents, déporté au 19 fructidor ; s'échappe de la Guyane avec Pichegru, Iç
suit en Angleterre, puis en Allemagne, d'où il le quitte pour revenir en
France. Pichegru, exclu du rappel des fructidorisés par Bonaparte, ne put l'y
accompagner.
ET LES INSTITUTS PHILANTHROPIQUES DU MIDI 13
a écrite en Angleterre il y a environ trois semaines. Hâtez, si vous
pouvez, l'expédition de ce qu'il demande : nous n'attendons que cela
pour entamer nos plans. Il ne faut pas perdre de vue qu'il n'y a que la
plus grande activité qui puisse réparer la funeste perte de temps que
nous avons faite. Le général Pichegru le sent tellement qu'il est
décidé à ne donner que dix jours à l'attente de cette réponse. Nos
points de réunion sont fixés en conséquence ; mais il serait infini-
ment fâcheux qu'on n'eût pas auparavant satisfait à ce qu'il ré-
clame... »
Dutheil ajoute au bas de la copie :
« Je vous réitère de ne pas nous abandonner au moment où votre
assistance nous devient le plus nécessaire. Des intrigues ont déjà
donné du dégoût à cet important serviteur du roi ; il y aurait peut-
être plus d'inconvénient qu'on ne croit à ajouter ce nouveau motif
de mécontentement et d'inquiétude.
« Je ne vous parle pas encore de la rentrée de vos fonds qui me de-
viennent bien moins nécessaires, quoique leur remplacement soit
convenu avec le général Pichegru. Dès qu'il sera en état de le faire,
je m'en occuperai et je vous en donnerai avis. »
{Record Office, Foreign Office, France, à la date.)
9. — Londres, 21 mai 1799. Wickham au major Pérou
(Pichegru).
« Mon cher major, votre lettre du 23 mars m'est parvenue très
exactement ; mais malheureusement il n'y a guère plus de huit jours
que j'ai su la déchiffrer. La lettre de votre compagnon de voyage à
M. Dutheil du 20 du mois passé m'a encouragé à faire de nouveaux
efforts et enfin ils ont été heureux. .
« Votre lettre lue, mon premier soin a été de la communiquer à
qui de droit. Le style tant soit peu énigmatique qui y domine m'a
empêché de deviner vos vues et vos intentions. On croit cependant
avoir trouvé remède à tout.
« Il faut de toute nécessité que vous ayez en vue soit la Suisse *,
soit les Pays-Bas.
« Dans l'un et l'autre de ces deux cas, vous trouverez actuellement
suriccontincntdeuxpersonnesjouissantruneetrautrcde la confiance
du gouvernement...
1. Ou plutôt la Franche-Comté. C'est seulement lorsqu'il est oblige de renoncer
à ses projets sur la Franche-Comte, apriNs la défaite des alliés à Zurich, que
Pichegru songe à prendre le commandement des royalistes du Sud-Ouest, organisés
en Instituts.
14 LA CONSPIRATION ANGLAISE
« Dans le cas que vos vues se portent sur les Pays-Bas, vous irez à
Berlin où vous trouverez M. Grenville ^ prêt à vous recevoir, après
avoir communiqué, si vous le jugez convenable, avec celui dont vous
vous vantez d'avoir été si bien accueilli. Si vous croyez votre pré-
sence plus nécessaire du côté de la Suisse, le colonel R. Craufurd 2,
qui doit y être à l'heure qu'il est et qui vous connaît déjà, sera charmé
de vous recevoir.
« Partout où vous irez, comptez que vous recevrez Taccueil que
vous méritez à tant de titres. Je ne m'engagerai pas dans des raison-
nements oiseux sur l'état actuel des choses et les assurances qui
doivent en naître. Vous êtes sur les lieux ; vous devez connaître les
moyens qu'on doit employer pour en profiter mieux que per-
sonne... »
(Publié dans la Correspondance de Wickham, t. II, p. 425-426.)
10. — Londres, [3] juin 1799. Instructions de lord Grenville à
lord Mulgrave ^.
(Traduction.)
... « Le principal objet de ce plan est que l'armée russe, sous le
maréchal Souvarow, aidée par les Suisses et les troupes de Wurtem-
berg, puisse, après la réoccupation de la Suisse, pénétrer jusquà
Lyon, de façon à occuper cette cité en force et prendre une bonne
position militaire dans les provinces voisines avant l'hiver, afin
que l'étendard de la monarchie française y soit relevé sous le comte
d'Artois, et qu'on sache si les dispositions de la contrée permettent
de pénétrer plus en avant dans l'intérieur du pays pendant le prin-
temps, et même d'entreprendre des opérations dans la direction de
la capitale elle-même. .. »
{Record Office, Foreign Office, Suisse, à la date.)
11. — Londres, 6 juin 1799. Instructions de lord Grenville à
M, Wickham *.
(Résumé et traduction.)
Wickham est envoyé en Suisse à la nouvelle des premiers succès de la
1. Ambassadeur anglais à Berlin : Thomas Grenville, frère de lord Grenville ; il
est mêlé à l'intrigue de Pichegru comme Stamfort.
2. Qui venait d'être nommé en remplacement de Talbot à Augsbourg, où se tenait
l'ambassade anglaise de Suisse, en attendant que les Français, qui avaient occupé
ce pays, en fussent chassés. Craufurd fut rappelé en Angleterre, lors de la deuxième
mission de Wickham sur le continent, pour servir comme quartier-maître général
sous les ordres du duc d'York en Hollande.
3. Envoyé au quartier général de l'archiduc Charles et du général Korsakow en
Suisse, pour concerter avec eux les opérations de la campagne.
4. Voir, sur cette seconde mission de Wickham, Lebon, p. 270 et suiv., et Corres-
pondance de Wickham, t. II, p. 104 et suiv.
ET LES INSTITUTS PHILANTHROPIQUES DU MIDI 15
coalition. Il est surtout chargé d'assurer la délivrance de ce pays, occupé par
les Français, de faire des levées suisses ou allemandes et de favoriser les
progrès militaires des armées autrichiennes et russes.
Jusqu'à nouvel ordre, et en attendant les victoires de la coalition, il s'abs-
tiendra de dépenser au delà d'une somme fixée d'avance — 1.200 livres ster-
ling par mois et même 1.000 — pour entretenir les relations de 1 Angleterre
avec les royalistes français, et assister les députés fructidorisés, etc. Cepen-
dant :
« Vous savez, ajoute Grenville, que des promesses ont été faites au
général Pichegru, à Précy et aux princes français, promesses d'assis-
ter tout parti de l'intérieur qui présenteraitassez de consistance pour
résister au gouvernement tyrannique actuel et prêter aux alliés un
concours efficace ^... »
{Record Office, Foreign Office, Suisse, à la date )
12. — Augsbourg, 17 juin 1799. Le comte de Précy à Wickham.
(Extrait.)
Précy ignore encore l'arrivée prochaine de Wickham en Suisse.
«... Je dois croire que M. de Talbot aura avec vous des confé-
rences sur son travail de cet hiver. Je regrette vivement qu'il soit
arrêté, car l'on pouvait raisonnablement en attendre les résultats les
plus heureux, et la manière dont il a été supprimé a jeté le décourage-
ment et l'inquiétude parmi les personnes de l'intérieur avec lesquelles
on était en rapport, et qui, je puis le dire, étaient choisies pour leurs
talents et leur moralité... »
[Correspondance de Wickham, t. II, p. 428.)
13. — Augsbourg, 3 juillet 1799. Dandré à Wickham.
Dandré vient d'apprendre le retour de Wickham en Suisse.
«... J'attendais vos ordres pour... concerter avec vous les moyens
de réparer le mal qu'ont fait une fausse interprétation des ordres de
votre gouvernement et une foule de malentendus plus inexplicables
les uns que les autres... J'espère, quand j'aurai l'honneur de vous
voir, que vous serez convaincu que nous avons fait tout ce qui dépen-
dait denous pour ne laisser détruire aucun des établissements que nous
avions formés (quoique quelques-uns aient souffert de la suspension qui
régne depuis trois mois) et que je suis toujours le même, absolument
dévoué à vos ordres. .. »
(Correspondance de Wickfianitl. II, p. 430.)
1. Dandré apprit nvcc une satisfaction peu dissiinuléc lu retour de Wickham en
Suisse. Voir sa lettre à l'ambassodeur ci-dessous citée.
16 LA CONSPIRATION ANGLAISE
14. — Augsbourg, 10 juillet 1799. Lettre de La Rue à DutheiL
« Voici ce que me mande mon frère :
« Beaucoup de généraux et de députés n'attendent que le moment
de se montrer. J'en connais plusieurs qui pourraient être par leurs
talents et leur influence de la plus grande utilité. Cependant il fau-
drait pour les militaires que le général Pichegru, qui a en France et
surtout dans l'armée plus de partisans que jamais, se mît à leur tête
et de manière à être leur garantie.
« Indiquez-moi un lieu où je puisse me réunir à vous et \ous porter
sur tout cela et beaucoup d'autres objets des détails et des renseigne-
ments précieux.
« L'état du Directoire est tel que s'il se manifestait une insurrection
bien dirigée, je ne lui vois aucun moyen de résistance. »
{Record Office, Foreign Office, France, à la date.)
15.— [Londres], A//e7î Office, ISjuillet 1799. Flint^ à John King.
(Résumé et traduction.)
Flint rapporte une conversation qu'il vient d'avoir avec Barthélémy ^ et le
générlal Willot ^. Il leur a recommandé de se tenir à l'écart de toute relation
qui puisse compromettre leur situation en Angleterre, de ne voir même que
les personnes que le gouvernement les autorisera avoir.
Barthélémy déclare qu il ne veut plus s'occuper d'affaires publiques : « Les
temps, dit-il, m'ont fait jouer un rôle bien peu adapté à mon caractère. Je
n'aime à présent que la tranquillité. »
Willot, au contraire, demande à être employé dans la Sud de la France :
« Je ne suis, dit-il, ni patriote ni républicain enragé. Je suis Français et
je désire contribuer autant qu'il me sera possible au rétablissement (sic) et
au bonheur de mon pays et servir la cause des honnêtes gens qui est celle
de votre gouvernement aussi bien que celle des alliés. » Flint lui répond
qu'il n*a aucune autorisation du gouvernement pour prendre des engagements
1. Qui était chef du bureau des Etrangers à Londres (AHen Office).
2. Evadé de la Guyane, arrivé après Pichegru en Angleterre. L'ancien directeur
profita de l'amnistie que Bonaparte accorda aux fructidorisés pour revenir en
France.
3. Willot, né à Belfort en août 1755, fils de Willot de Grandprez, sengage comme
volontaire au régiment provincial de Nantes en 1771 ; lieutenant de grenadiers en
juin 1780, capitaine en février 1787, lieutenant-colonel du 5^ bataillon d'infanterie
légère en mars 1792, envoyé à l'armée des Pyrénées, où il obtint les grades de
général de brigade, juin 1795, et de général de division, juillet 1795 ; envoyé à
l'armée de l'Ouest en septembre 1795, puis à l'armée des Côtes de l'Océan en janvier
1796, suspect à Hoche, chargé des commandements de la 8^ division militaire,
juillet 1796, à Marseille, encourage les menées royalistes, est défendu dans le Direc
toire par Garnot ; élu député en 1 an V par les Bouches-du Rhône, déporté, s'en-
fuit avec Pichegru ; mais tombe malade et n'arrive qu'après lui en Angleterre
(d'après son dossier, Archives administratives de la guerre).
ET LES INSTITUTS PHILANTHROPIQUES DU MIDI 17
à ce sujet ; qu'il en parlera cependant au ministre de lintérieur, le duc de
Portland.
Willot, en partant, dit à Flint avec chaleur :
« J'espère, Monsieur, que votre gouvernement ne me regarde pas
comme un Français suspect. Je ne le mérite pas. Je me suis toujours
comporté en galant homme et je ne désire rien' mieux que d'être
employé et remis en activité '. »
{Record Office^ Foreign Office, France, à la date.)
16. — Edimbourg, 18 juillet 1799. Le comte d'Artois à
M. Wickham.
« Monsieur, je profite avec empressement du départ du baron de
Roll 2 pour vous parler de la vive satisfaction que j'éprouve de voir
enfin arriver le moment où, grâce à l'intérêt de votre gouvernement,
je vais me trouver à portée de servir les causes unies de S. M. B. et
du roi mon frère.., »
(Publié dans la Correspondance de Wickham, t. II, p. 430.)
17. — Londres, 18 juillet 1799. Dutheil à lord Grenville.
« En conséquence des ordres que M. Dutheil vient de recevoir de
Monsieur, il a l'honneur, en demandant à Milord Grenville la per-
mission de voir le général Willot de la part de Monsieur, d'informer
Son Excellence que S. A. R. désire que M. Dutheil ait l'honneur de
rappeler à Milord Grenville tout le parti qu'on peut tirer de liniluence
dont le général Willot jouit dans les provinces méridionales de la
France, où Monsieur pense que ce général pourrait être utilement
employé. »
{Record Office, Foreign Office, France, à la date.)
18. — Edimbourg, 19 juillet 1799. Monsieur à lord Grenville.
«. . J'accepte avec le plus vif empressement la proposition (jue
vous me faites de vous revoir, ainsi que M. Pilt, avant de me rendre
en Suisse •^ et je ne perdrai pas un moment pour me porter au lieu
que vous m'indi(iuerez, aussitôt que vous m'aurez donné le signal
que j'attendrai avec une juste impatience. »
{Record Office, Foreign Office, France, à la date )
1. Cf. Diarifs of Windham, nu 11 «l nu l.'J août 179t) Willot alla voir Itî ministre
de la guerre. Wirulham Ir juge ussc/. uuil : « li p.ula trop et, pur sa rouversatiou, uc
donna pas une haute idée de ses talents, u Willot allait partir poiu- le conlineut.
2. Le baron de Koll se rend en Suisse, où Monsieur doit le suivre à bref délai.
Une lettre de I..emnitre ù Talleyrand. Hambourg, 12 vendémiaire an VIII
(4 ocl. 1799), annonce que l'émigré (!aslelnnu a été envoyé de I.oiulres pour prépa-
rer la réception du cornue d'Artois eu Suisse (Archives des Allaires étrangères.
Miiinbourg).
3. Où le baron de Roll Tavait précédé (lettre du 18 juillet).
2
18 LA CONSPIRATION ANGLAISE
19. — Londres, 30 juillet 1799. Lord Grenville à Wickham.
(Résumé.)
Grenville prévient Wickham que le comte d'Artois se propose de partir
dans une quinzaine de jours pour la Suisse, où il doit se mettre à la tête du
mouvement royaliste. Il ne sera accompagné que de quatre ou cinq personnes,
Lyon sera sans doute son principal objectif. Mais les troupes suisses, qui
sont levées par l'Angleterre pour la défense de leur pays \ voudront elles
entrer en France ?
{Record Office, Foreign Office, Suisse, à la date.)
20. — Zurich, 28 juillet, l^r août 1799. Wickham à lord
Grenville.
(Résumé.)
Le 28 juillet, Wickham écrit à Grenville qu'à son avis, quelque désirable
que soit la présence de Monsieur et des princes en Suisse, en ce moment
leur arrivée serait plus gênante qu'utile. (Voir Record Office, Foreign Office,
Suisse, à la date.)
Le ler août, il leur annonce que Pichegru se rend en Suisse « sur le désir )>
de l'archiduc Charles, C'est le colonel l^lunkett qui, à son arrivée du quartier
général de l'archiduc, le lui apprend. Le colonel lui a demandé s'il ne croyait
pas qu'il conviendrait de confier le commandement de « 1 armée suisse » à
Pichegru; l'archiduc s'en montrerait satisfait, pourvu que Pichegru consentît
à servir sous ses ordres et que le général Hotze résignât toute prétention à
cet égard. L'archiduc, a dit Plunkett, lui avait « montré une correspondance
qu'il entretenait avec le général au sujet de la campagne ».
Wickham avait fait une réponse évasive à Plunkett. Il venait de recevoir
une lettre de Pichegru lui annonçant son arrivée prochaine, sans allusion à
sa correspondance avec l'archiduc. Il pensait qu'il y aurait (( avantage )) à
lui donner ce coqimandement au voisinage de la frontière, tant à cause de
son nom, de sa réputation, que de ses talents militaires ''^.
(Publié dans la Correspondance de Wickham, t. II, p. 141.)
21. — Edimbourg, 4 août 1799. Monsieur à Dutheil.
(Résumé.)
Le comte d'Artois charge Dutheil de prévenir le ministre Grenville qu'il
1. Le lieutenant-colonel Ramsaj^ devait organiser ces levées suisses comme
« inspecteur général et commissaire des levées suisses ». Il n'y réussissait guère ;
aussi Wickham n'était pas pressé de voir arriver Monsieur.
2. Pichegru se rendit, en effet, en Suisse. Un extrait du journal de Lullin, secré-
taire de Wickham, extrait publié dans la Correspondance de Wickham, t. II, p. 148,
prouve que le général français eut avec l'archiduc, en présence de Wickham, une
entrevue (entre le 14 et le 17 août), au moment où l'archiduc essayait d'enfoncer les
lignes de Masséna sur TAar. Pichegru était d'ailleurs en correspondance avec Kor-
sakow comme avec l'archiduc Charles : Cf. Correspondance de Wickham, t. II, p. 249.
ET LES INSTITUTS PHILANTHROPIQUES DU MIDI 19
se rendra, sur son invitation, à Stowe chez le duc de Buckingham, le 8, et
qu'il ira ensuite voir à Dropmore lord Grenville et Pitt .
Le duc d'Harcourt et lord Grenville se rencontreront à Dropmore avec
Monsieur.
{Record Office, Foreign Office, France, à la date.)
22. — Londres, 18 août 1799. Monsieur à lord Grenville,
(Résumé.)
Monsieur est cruellement affecté du retard « que les circonstances et la
dépêche de Wickham » apportent à son départ.
Il restera quelques jours à Londres, puis se rendra « vers Southampton »,
au lieu que lui indiquera lord Grenville.
(Record Office, Foreign Office, France, à la date.)
23. — 22 août 1799. Uévêque [dArras] au marquis de Buckin-
gharUy à Stowe.
(Résumé.)
Le comte d'Artois, arrivé le lundi précédent à Londres, devait partir le
jeudi [pour la Suisse]. Il dîna le mercredi chez le frère du marquis avec
M. Pitt, mais ne put parler d'affaires, et l'entretien avec Pitt fut remis à
plus tard.
Il fut alors malade des hémorroïdes, et Pitt vint le voir chez lui. Mais lors-
qu'il se rétablit, il n'était plus question de son départ, parce que Wickham
ne réussissait pas « du côté du rassemblement des Suisses ». Monsieur
ne veut pas se rendre à l'île de Wight « pour servir d'épouvantail aux répu-
blicains )) ; il voudrait cependant quitter Londres, mais voir auparavant
lord Grenville et Pitt ' .
{Record Office, Foreign Office, France, à la date.)
[Le comte d'Artois mit à profit son séjour à Londres, nous le verrons plus
loin, pour obtenir du ministère anglais des subsides destinés aux insurgés
de l'Ouest Mais il dut renoncer décidément à partir pour la Suisse après la
victoire de Masséna à Zurich.]
G. — LA CONSPIRATION ANGLAISE DANS l'eST ET LE MIDI, après
Zurich, avant Marengo (1799-18(X)), et la mission de Dupont-
Constant à Augsbourg,
Après Zurich (septembre 1799;, la Suisse est perdue pour les armées coa-
lisées, d'autant que la Russie se décide à retirer de la coalition son contingent.
Aussi le projet de pénétrer par la Suisse sur Lyon est abandonné. Sans renon
L La défaite des coalisés À Zurich força le ministère anghiis vi le comte d'Artois
à renoncer au plan de pénétration dans le Lyonnais par la Suisse.
20 LA CONSPIRATION ANGLAISE
cer absolument à l'espoir de soulever la Franche-Comté après une victoire des
Autrichiens sur le Rhin, le gouvernement anglais et Wickham veulent profiter
de l'organisation des Instituts du Midi pour faire insurger la Provence^ le
Languedoc et la Guyenne. L'entrée des Autrichiens en France par le comté de
Nice doit faciliter le mouvement. Et comme l'Ouest est en armes de nouveau
depuis octobre, la France républicaine sera attaquée de tous les côtés à la fois.
L'insurrection du Midi aura pour chefs Willot qui s'offre et Pichegru qui
se résigne. Le premier commandera en Provence et en Languedoc ; le second
en Guyenne, si les circonstances restent contraires à ses plans en Franche-
Comté. Après Zurich, ils sont l'un et l'autre à Ueberlingen, en Souabe, oii
Willot a rejoint Pichegru, Wickham l'annonce à Condé, qui arrive de Russie
avec son corps d'armée (trop tard pour prendre part à la bataille de Zurich).
Il lui écrit, le 22 septembre, qu'il « trouvera M'^" Z... (Pichegru), fort bien
pensante, et prête à se jeter aux pieds de Son Altesse )), et le l^'i' octobre :
« M"e Z... devait se rendre à Pfullendorf ce matin. Elle a appris le départ
de V. A. et doit se rendre à Slokach dans le jour. J'en suis extrêmement
content sous tous les rapports. )) Chantilly, Y, t. XV, p. 433, 435.)
Condé voit, en effet, Pichegru et Willot. « J'ai vu M"" Zède, écrit-il au
Prétendant ; elle m'a dit qu'elle était toujours prête à obéir à vos ordres, mais
qu'elle suppliait V. M. de ne pas lui ordonner de se mettre en évidence tant
que ses amis intimes seraient en prison, attendu que ce serait leur donner
la mort... Je n'ai vu que le major du Pérou (Pichegru), Willot et Imbert
(Imbert-Colomès). Je n'ai entendu parler d'aucun autre, et s'il y en avait
d'autres à Ueberlingen, où j'ai été trois jours, il est à présumer que leurs in-
tentions ne sont pas bien pures, puisqu'ils n'ont pas cherché à me voir,
comme ont fait les trois autres, dès que j'ai été à portée d'eux. )) (Chantilly,
Z, t. II, p. 184.)
Condé, que le Prétendant vient de charger de la direction de l'agence de
Souabe pendant son séjour dans ce pays, veut faire servir ces deux généraux
au succès des plans royalistes L'émigré Ferrand lui écrit de Munich, le
23 décembre : « C'est une pénible tâche que celle de l'agence nouvellement
imposée à Monseigneur. Les deux hommes dont nous avons parlé à Lands-
berg, Pichegru et surtout Willot, ont conservé assez de correspondances et
de partisans en France pour y être écoutés en parlant au nom de Monsei-
gneur. Les portes leur seront sûrement ouvertes d'ici à peu de temps. Mon-
seigneur sait combien j'étais disposé à travailler avec eux. Je suis toujours
à leur égard dans les mêmes dispositions, car je n'ai aucun doute sur la
pureté de leurs vues. » (Chantilly, Z, t.XLVIII.)
Cependant Condé ne joue quun rôle très secondaire dans l'affaire du
Midi. C'est Wickham qui la propose au ministère anglais, qui la défend
auprès du gouvernement autrichien, qui la dirige et la subventionne Willot,
dont il approuve les plans, Dandré, qui doit mettre en branle les Instituts
du Midi, le consultent en tout ; les délégués royalistes se rendent auprès
de lui, et cest à Augsbourg, sons sa présidence, quils se réunissent, dans
l'hiver de 1800, pour arrêter le plan général d'opérations.
Ce plan, d'ailleurs, a varié de décembre à février. Eu décembre, Wickham
espère encore utiliser les relations que Pichegru conserve en Franche-Comté
pour soulever la province, et il ne songe pas ou peu à soulever la Guyenne.
En février, le mauvais vouloir de l'Autriche laisse peu d'espoir de réaliser
ET LES INSTITUTS PHILANTHROPIQUES DU MIDI 21
le plan Franc-Comtois et Dupont-Constant sollicite Pichegru de prendre
la direction du mouvement de Guyenne. Aussi le général reçoit une des-
tination nouvelle, Bordeaux après Besançon. Les lettres suivantes témoi-
gnent de l'évolution qui se fait dans les idées de Wickham. Il importe de les
résumer, ne fût-ce que pour marquer la liaison qui unit les complots du Sud-
Ouest aux complots de l'Est.
Un passage du Mémoire historique de Dupont-Constant sert de commen-
taire à ces lettres, et prouve le rôle important que devait jouer l'Institut
bordelais dans la conspiration anglaise.
<( Environ un mois après [le 18 Brumaire], je reçus del'agence l'or-
dre de me rendre à Augsbourg. Je partis dans la huitaine avec un
passeport de ma façon. Je m'arrêtai quelques jours à Lyon et pour-
suivis ma route avec M. le chevalier de F... (Floirac). Il fallut s'arrêter
encore quelques jours à Altkirch, où nous apprîmes qu'un cordon de
troupes françaises venait d'être établi sur la rive gauche du Rhin...
Enfin, malgré les obstacles qui nous retardèrent beaucoup, et malgré
les glaces qui rendaient les routes presque impraticables, nous arri-
vâmes à Augsbourg vers le 15 nivôse... Après avoir vu les membres
de l'agence du roi, nous fûmes présentés par le général Willot à
M. W... (Wickham). Celui-ci s'entretint longtemps avec nous et l'en-
tretien roula principalement sur la situation de la France et sur les
dispositions des royalistes. Je leur remis un mémoire détaillé sur
l'arrondissement de la Guyenne, avec un état des objets dont nous
avions besoin. Il nous promit les secours et les moyens nécessaires
pour nous préparer à un mouvement général qu'on projetait alors
« Encouragé par ces promesses magnifiques, enchanté des projets
et du plan qui avait été concerté entre l'agence et deux généraux
français, j'entrepris d'engager le général Pichegru à venir prendre le
commandement des armées royales de la Guyenne et des Landes. Je
parvins à l'y déterminer ^ De quels succès ne devions-nous pas nous
flatter ayant ce général à notre tête ? Quelle confiance n'eût-il pas
inspirée à tous les braves qui devaient cire sous ses ordres. Je me
chargeai de lui envoyer des passeports pour lui et pour son étal-
major, ce que je fis très exactement dès mon retour à Bordeaux *.
1. Ci. Essai, p. 91 : « J'eus beaucoup de peine à déterminer le général Pichegru à
venir prendre le commandement des armées royales des trois arrondissements que
je dirigeais II lui répugnait, mcdit-il,dc comniander des bourgeois; mais lorsqu'il
sut que ces armées étaient composées en grande partie d'hommes exercés au métier
des armes, il se rendit à mes instances. Je lui promis et lui envoyai depuis de
Bordeaux tous les passeports nécessaires pour son état-major. »
2. A tout hasard je cite ce passage de la lettre des frères Marul à Imbert-Colo-
nu-a (Papiers saisis à liayreutb, p. 40) : «M. Dupont, ancien capitaini' au rëgiiiwnt de
Lyonnais, nous apporta une lettre du général W'illot, datée d'Augsbourg, 2 mars, par
laquelle cet ollicier est désigné sous le nom de Pierre Henri, ollicier supérieur.
Par cette lettre, le général nous recommandait de remettre ù M. Dupont tous les
renseignements que nous nou« serions procures et de le seconder de tout notre
22 LA CONSPIRATION ANGLAISE
Muni des instructions et des ordres pour l'intérieur de la France, je
quittai ' l'Allemagne pour retourner à mon poste... J'arrivai à Bor-
deaux le 9 mars 1800. »
24. — Augsbourg, 9 décembre 1799. Wickham à lord Minto.
(Résumé et traduction )
Il ne faut plus espérer que les troupes russes se joignent à celles des Au-
trichiens en Allemagne ou en Italie, ni même le désirer. Dès lors l'Autriche
reste seule à combattre la France sur ces deux frontières. Mais derrière la
ligne de ses armées on peut organiser une petite armée royaliste.
« A ce sujet je pense, continue Wickham, que vous pouvez dire à
M. Thugut en toute sûreté et sans crainte de vous compromettre
que, dès l'instant où la première ville de la frontière aura été prise
de la manière ci-dessus indiquée, une tentative générale sera faite
à nos frais sur les derrières de l'armée ennemie, pour établir un parti
armé hostile au gouvernement existant, qui prendra des couleurs
plus ou moins royalistes, suivant les circonstances. Cette tentative
sera conduite non par des émigrés dont l'archiduc, comme M. Thu-
gut, se défie si profondément, mais par les généraux Pichegru,
Willot et Précy, qui en ce moment travaillent sans trêve à se pro-
curer les moyens de faire flotter l'étendard de la Royauté lorsque
l'état des affaires rendra la chose prudente et possible.
« Willot se tient prêt à partir pour les départements du Midi ^ (où
il se propose de rester caché jusqu'après les premiers succès de la
campagne) quand il en sera temps. Le général Pichegru est dans la
pouvoir, » et p. 43 : « M. Dupont nous répondit qu'il était d'autant plus fâché de
ce que nous venions de lui dire, relativement à M. Boniface de Fonbeton, qu'il avait
compté le trouver à Sisteron, ainsi que portait son instruction du général Willot, et
recevoir de lui des renseignements sur l'intérieur de la France relatifs à sa
mission, et qu'en outre ce M. Boniface de Fonbeton devait lui faire connaître
M de Puiverd, avec lequel il devait traiter dafiPaires dans l'intérieur. »
Quel est ce Dupont ? Le nôtre ? mais il n'avait pas été capitaine au régiment
de Lyonnais, ou nous ne le savons pas. En tout cas, parti d'Augsbourg, le 2 mars,
il n'était pas arrivé à Bordeaux le 9. — Cf. le brevet donné à M. de Boissac,
introduction, p. xxvni.
1 II est important de consulter les pièces justificatives qui terminent VEssai
de Dupont-Constant. La lettre du président de Vezet du 28 mars 1815 et celle de
l'abbé de Lacombe du 8 avril 1816 témoignent que Dupont-Constant a a été envoyé
à Augsbourg pour y recevoir les ordres et instructions de l'agence pour l'organisa-
tion de l'intérieur » ; de même celle de 'Willot, p. 183, 184. Cf. celle de Dandré,
p. 183 ; celles du comte de Floirac, p. 182 et 186 ; celle du marquis de Puivert,
p. 185
2. Voir sur l'expédition de Willot : Daudet, Histoire de l'Émigration^ t. II, p. 392-
394, t. III, p. 175 à 192; Lebon, l'Angleterre et l'immigration, p. 278 à 283, d'après
les Archives anglaises ; une série de lettres dans les Papiers saisis à Bayreuth
et à Mende, en particulier celles des frères Marut, p. 24 à 66. — Cf. "Vandal,
Avènement de Bonaparte, t. II, p. 17, 101, 354, 370.
ET LES INSTITUTS PHILANTHROPIQUES DU MIDI 23
même situation par rapport à la Franche-Comté, mais avec cette
différence essentielle que, comme le pays dans lequel il doit agir
sera tout d'abord occupé par l'armée ennemie, il lui sera impossible
d'y rien entreprendre jusqu'à ce que l'ennemi soit chassé au moins
d'une partie de la province. »
C'est pourquoi Pichegru propose, sous réserve de l'approbation de Thugut
et de l'archiduc, de former un corps de déserteurs sur les derrières de l'ar-
mée autrichienne, corps à la tête duquel il se placera, pour agir suivant les
volontés de l'archiduc, quand le moment en sera venu.
« Par ce que j'ai su des trois hommes ci-dessus, ajoute Wickham,
je suis persuadé que leurs principes et leurs vues sont parfaitement
purs et qu'ils sont d'aussi fermes amis de la maison de Bourbon et
de l'ancienne monarchie qu'aucun des premiers émigrés de France.
Je puis ajouter... que Monsieur a la plus complète confiance en eux
et qu'il désire particulièrement qu'ils préparent les voies pour son
arrivée... »
(Publié en anglais dans la Correspondance de Wickham.)
25. — Augsbourg, 13 décembre 1799. Wickham à lord Grenville.
(Résumé et extrait.)
Wickham expose le projet ci-dessus. Il ajoute :
«Les généraux Pichegru et Willot, M. de Précy et M. d'André
m'ont pressé d'essayer de former un corps de déserteurs et conscrits
français commandé par des officiers français. »
Wickham avoue qu'il a été d'abord hostile au projet à cause de la dépense
et des obstacles que les Autrichiens ne manqueraient pas d'élever. Mais il
s'est décidé à l'accepter parce qu'il croit que l'archiduc sera consentant et
que Pichegru prendra les mesures nécessaires pour empêcher les « bêtes
galeuses » d'entrer dans ce corps.
Pichegru formera derrière l'armée autrichienne un dépôt de troupes aux-
quelles il donnera des officiers et des sous-officiers qu'il connaît, et quand
ces troupes seront organisées, il les mettra à la disposition de l'archiduc,
pour opérer une diversion en faveur de l'armée autrichienne. Si l'invasion
réussissait, Monsieur pourrait venir se mettre à la tête de cette petite armée.
{Record Office^ l'oreifjn Office^ Suisse, à la date.)
Le même jour, Wickham envoie une lettre séparée à Grenville ; il fait le
compte des dépenses (|u'il prévoit. I^n particulier il juge nécessaire d'accorder
aux royalistes un subside de W.OOO livres sterling par mois, soit 2W.0(X)
livres par an, de leur fournir davancr 100 000 livres et de consacrer ^o. 000
livres aux dépenses préliminaires. Il évalue donc au total à 3G5.000 livres
f
24 LA CONSPIRATION ANGLAISE
sterling les sommes indispensables pour assurer le succès du mouvement
royaliste sur les frontières de la Franche-Comté, des Alpes ou dans le Midi.
{Correspondance de Wickham, II, 377.)
Mais lord Minto répond de Vienne à Wickham, le 14 décembre 1799, que
Thugut ne veut pas entendre parler de la formation d'un corps de déserteurs
sur les derrières de l'armée autrichienne, quelque bien qu'il pense de Piche-
gru, de Précy et de Willot.
{Correspondance de Wickham, II, 382.)
26. — AugsUourg, 25 décembre 1799. Wickham à Grenville.
(Résumé et traduction . )
Le baron de Thugut refusant de consentir à la formation d'un corps de
déserteurs sur les derrières de l'armée autrichienne, Wickham a modifié ses
plans .
« Depuis le moment, écrit-il, où j'ai reçu la dépêche de Votre
Excellence du 30 juillet, je n'ai rien négligé pour rétablir mon
ancienne correspondance avec Lyon, la Franche-Comté et les pro-
vinces du Sud... Avec l'aide du général Pichegru, de M. de Précy et
Dandré, et la complaisance de l'archiduc, j'ai si bien réussi qu'une
correspondance régulière était établie avec Lyon, Marseille, Be-
sançon et Paris, quand la malheureuse affaire de Zurich a détruit
tous nos moyens de correspondance et nous a obligés de trouver
de nouveaux moyens pour l'entretenir. J ai obtenu ce résultat depuis
mon arrivée ici...
c( Dans le sud de la France les personnes employées se sont princi-
palement attachées à encourager la désertion dans l'armée d'Italie, à
recevoir les déserteurs, à les former en compagnies dispersées dans
tout le pays, prêtes à être réunies aussitôt que les circonstances
rendront nécessaire ou une insurrection générale ou l'apparition
d'une masse importante en armes avec un général à sa tête. Le
général Willot, qui doit prendre la direction et le commandement
du tout, quittera cette ville pour Turin au commencement de février
et, après avoir pris toutes les mesures nécessaires pour entretenir
une correspondance avec les généraux autrichiens en Piémont
(auprès desquels il aura les plus fortes recommandations de l'ar-
chiduc), il se propose d'être à Marseille vers le l^'' mars et prêt à se
déclarer aux environs du 15 ou du 20 de ce mois...
« Le général Willot sera accompagné par M. Dandré, qui a montré
un zèle, une activité, une intelligence, peu communes ^... »
1. Je crois inutile d'analyser toutes les lettres de Wickham relatives à la mission
de Willot, car A.Lebonles a résumées, et E. Daudet adonné les raisons de l'échec
du projet provençal. On trouvera ici celles du 17 et du 28 février les plus impor-
ET LES INSTITUTS PHILANTHROPIQUES DU MIDI 25
Du côté de Lyon, des mesures de même sorte sont prises, bien qu'elles
soient de moindre importance et de moindre effet. Comme le gouvernement
surveille de très près Lyon, c'est dans les montagnes du Vivarais, du côté de
Mende \ que tous les déserteurs et proscrits de la région lyonnaise seront
rassemblés. lisseront soutenus par les bandes armées qui se forment dans le
Forez et le Bourbonnais. Précy prendra le commandement du tout aussitôt
que le rassemblement aura quelque consistance.
Mais du côté de la Franche-Comté, impossible de faire un pas. L'impres-
sion produite par l'affaire de Zurich et le 18 Brumaire a été si profonde que
tous les agents se sont cachés, et beaucoup des habitants qui avaient promis
leur concours à Pichegru.
En outre, le pays est occupé par l'armée républicaine. Il faut provisoire-
ment établir les corps de déserteurs dans la Savoie et dans les Vosges, quitte
à les appeler en Franche-Comté après les premiers succès des Autrichiens.
Le général Pichegru ne peut songer à l'action avant ces succès.
Wickham espère, d'ailleurs, pouvoir lever un corps de troupes suisses
capables d'apporter un appui efficace à la coalition et de pénétrer en France.
« Les généraux Pichegru et Wiilot sont également désireux qu'un
membre de la famille royale prenne le commandement des royalistes
dans les provinces du Sud, et que Monsieur soit ce prince.
« Au sujet de la proclamation qu'il serait utile aux alliés de faire
à leur entrée en France, ces officiers sont d'avis qu'il n'est pas
nécessaire (quoique certainement désirable) de parler du Roi et de
la restauration de la monarchie, pourvu qu'ils soient autorisés à
promettre à leurs partisans que lorsqu'une province ou une étendue
tantes, que je résume ou donne en extraits. Celle du 26 mars annonce à Grenville
que WilIot a été obligé de se rendre à Vienne, mandé par Thugut (de là retard
dans ses opérations); celle du 27 mai le prévient des obstacles apportés par les
Autrichiens à son entrée en campagne ; celle du 29 mai (même sujet) ; celle du
14 août résume les causes de son échec et rend pleinement justice à son activité.
— Cette lettre et les deux suivantes (17 et 18 février) prouvent assez la participation
de l'Angleterre au complot Wiilot.
1. Ce fut le comte de Noyant, un des visiteurs de l'Institut Philanthropique, qui
s'occupa de la levée et de l'organisation de ces bandes dans le V^ivarais. Voir un
passage d'une note de la police secrète adressée à Pelet de la Lozère dans Boulay
de la Meurthe, Correspondance du duc d'Enghien, t. II, p. 28. et quelques-unes des
lettres de Noyant au chanoine Mazel, à Mende, publiées dans les Papiers saisis à
Bayreuth et à Mende, p 375, 379. La police trouva des poudres dans un jardin à
Mende et saisit 26 fusils neufs. Cf. note de la page 377. Le comte de Noyant
fut arrêté plus tard, mais ne révéla aucun des secrets de l'organisation royaliste.
Le chanoine Mazel avait été arrêté le 2 août 1801 ; il resta détenu à Porto-Logone,
lie d Elbe. Voir, sur Noyant, d'H.nilci ivc, p. 61 (Sources: F^ (5268); sur Mazel, i6(e{.,
p. 61 et 259 'Sources : F"' 62r)8 (iiliO. (iJf;8, 6318).
D.iMsi.'i Provence, le vt ril.ihic t lu f du mouvement royaliste (qui n'éclata pas)
(Il \;iil . tr(! le martjuis de Tiiiv) 1 1, doril la Revue de Paris du 1'' avril 1907 a puhlir
le Liore de raison («'xliiMli : « On mil à ma disposilion. (•ciit-il. le nslc dfs londs
accordés par M. \\ icldiam, lous les inoijcns de I hislilul l'IiiUmiliinjtunit' dmis l«'s
proNiiiccs (loul l:i diicclioii m'était contîée... n p .')'_' 1 . n Apiis .immi- rt'cu d«-s
jiriiicijiiiiix chefs de l'Institut, </(»/• je trouvai réunis ii l.ijon. lis iiisi i mlioiis sur l«'!al
présent des affaires... etc. », p. 525. Voir d'Huulerive : Puiveil phisirurs fois eil«',
consulter la table (Sources : F'' 6*256, 6258 à 6260).
26 • LA CONSPIRATION ANGLAISE
considérable de territoire sera mise aux mains de l'armée royaliste
et qu'un prince du sang sera à leur tête, les allies traiteront avec ce
prince... et reconnaîtront le roi légitime... »
(Traduit de la Correspondance de Wickham, II, p. 402 à 406.)
27. — Londres, 11 février 1800. Lord Grenville à Wickham,
(Résumé.)
Grenville eût approuvé la formation d'un corps de déserteurs sur les der-
rières de l'armée autrichienne; il est regrettable que la cour de Vienne en ait
rejeté le plan.
Pour appuyer les opérations de Willot, l'amirauté va donner au comman-
dant de la flotte anglaise dans la Méditerranée l'ordre de faire concorder ses
opérations avec celles des royalistes du Midi et de leur porter secours au
besoin. Un corps de 15 à 20.000 hommes, commandé par le général Stuart,
concertera ses mouvements avec ceux des Autrichiens et des royalistes.
Monsieur a fait connaître à Grenville son désir d'aller rejoindre Wickham
aussitôt que possible.
Grenville doute qu'on puisse employer le corps de Condé aux opérations
du Midi K
Les provinces de l'Ouest se sont insurgées trop tôt.
[Record Office, Foreign Office, Suisse, à la date.)
28. — Augsbourg, 17 février 1800. Wickham à Grenville.
(Résumé.)
Conformément aux instructions de Grenville du 24 décembre, Wickham a
tiré sur le Trésor anglais treize traites, s'élevant à cinquante mille livres ster-
ling, en faveur de M. Baboin, et une série de traites s'élevant à cinq cent
mille marcs banco, c'est-à-dire aune somme à peu près égale, sur MM. Thorn-
ton et Power.
Il a, en outre, autorisé ces messieurs à accepter des traites tirées par les
agents de Liouis XVIII jusqu'à concurrence de /re/i/e-cmg mille livres sterling .
Il joint à sa lettre les reçus ci-dessous.
[Record Office, Foreign Office, Suisse, à la date.)
29. — Les reçus.
17 février 1800, reçu de R. Baboin 2, autographe.
(( Je reconnais avoir reçu aujourd'hui de M. Wickham... des
1. Cependant, le 19 avril, Grenville annonce à Wickham que le corps de Condé
sera débarqué en Provence pour appuyer l'insurrection provençale. Il était même
question d'envoyer le duc de Berry en Provence, avec ou sans troupes napoli-
taines.
2. Baboin, banquier ordinaire de Wickham pour les envois d'argent en France,
et surtout à Lyon ; c'est lui qui faisait passer à Dandré, en 1797, ses 4.000 louis
mensuels.
ET LES INSTITUTS PHILANTHROPIQUES DU MIDI 27
lettres de change sur lord Grenville et MM. Thornton et Power de
Hambourg pour la valeur de cent mille livres sterling dont je dois
tenir le produit à la disposition des agents de Sa Majesté Louis XVIII
et des généraux Précy et Willot. »
Augsbourg, 22 février 1800, reçu de Dandré, qui signe A. Mayor (auto •
graphe) .
« J'ai reçu... un crédit de trente-cinq mille livres sterling sur
MM Thornton et Power d'Hambourg pour être employées à l'expédi-
tion du général Willot et accessoires ».
Au bas du billet (de la main de Willot) :
« Approuvé le reçu ci-dessus dont les fonds ont été mis à ma
disposition K »
{Record Office, Foreign Office^ Suisse, joint à la lettre de Wickham.)
30. — [Augsbourg], 28 février 1800. Wickham à Grenville.
(Résumé et traduction.)
Malgré la pacification de l'Ouest^ Wickham ne renonce pas à l'entreprise
projetée du général Willot en Provence, entreprise qui offre les plus grandes
chances de succès Willot a reçu Tordre de partir. Il a des recommandations
pour les généraux Mêlas et Zag -, M. Jackson, lord Keith, M. Paget ^. Jack-
son est autorisé à lui remettre en cas de besoin vingt mille livres sterling
pour gagner les Barbets Wickham lui a donné de l'argent et un crédit sur
plusieurs places de la Méditerranée jusqu'à concurrence de quatre-vingt
mille livres sterling.
L'ambassadeur aurait désiré appuyer l'entreprise de Willot par une insur-
rection des régions lyonnaise et franc-comtoise :
« Après plusieurs consultations à ce sujet avec les généraux Piche-
grUf Willot., Précg et des envoyés (deputies) de Marseille, Bordeaux *,
Lyon el Besançon, il a été décidé d'abandonner tout projet d'ac-
tion dans la Franche-Comté..., mais de faire quelques préparatifs en
vue d'un soulèvement du Lyonnais .. Si les royalistes de l'Ouest
eussent été capables de se maintenir, il était projeté de relier leurs
1. Au total, 135.000 livres sterling pour les royalistes du Midi, soit 3.375.000
francs. — Puivert savait qu'on avait disposé de 20.000 louis pour les dépenses
préparatoires, et il dépensa 250.000 francs pour .son organisation du Midi. Revue
de Pans 524, 527.
2. Mêlas, commandant rarnicc autrichienne, qui assiégea Masséna dans Zurich ;
Zag, son chef détat major.
3. Jackson, agent anglais en Italie ; lord Keith, commandant de la flotte an-
glaise ; Paget. outre agent anglais, très au courant des intrigues royalistes, en par-
ticulier du complot de l'an XII. [C(. les l'aget's papers.)
4. Les Barbets, insurgés dans le comté de Nice contre le gouvernement répu-
blicain. Voir les lettres des frères Marut, Papiers de Bayreuth, l. c.
28 LA CONSPIRATION ANGLAISE
opérations à celles de Willot par une puissante insurrection séien-
dant de Bordeaux à Toulouse, doni tous les éléments étaient préparés,
et le général Picliegru s'était engagé à prendre le commandement du
tout. Il se préparait à partir quand est arrivée la nouvelle de la
pacification de la Vendée ^ .
« Même à présent, il n'abandonnera pas le projet, jusqu'à ce qu il
reçoive des informations que tous les espoirs du parti royaliste
dans l'Ouest sont détruits et que S. M. ne peut tenter une descente
dans une de ces provinces.
« Si les renseignements ne sont pas défavorables, il se rendra à
Bordeaux... et s'efforcera aussitôt d'établir une communication avec
le commandement des vaisseaux de Sa Majesté dans cette région,
par le moyen de signaux dont j'envoie ci-joint une copie. Le général
Willot se servira des mêmes signaux. On peut trouver à lAlien
Office un spécimen de l'écriture de Pichegru. »
Ce générî^l pense qu'une insurrection du côté de Bordeaux, appuyée par
une descente anglaise puissante, a chance d'aboutir. Si les renseignements
ne sont pas défavorables, son intention est de joindre immédiatement le géné-
ral Willot.
{Record Office (Suisse), à la date-.)
1. Voirie Résumé historique de Dupont-Constant, p. 31 à 33, et l'Essai, p. 01-92,
ci-dessous cités. — Puivert se rendit aussi à Augsbourg, Revue de Paris, p. 524.
Les passages cités de son Livre de raison témoignent bien que dans la Provence
comme dans la Guj'enne la force principale du parti royaliste résidait dans l'orga-
nisation philanthropique. Le complot de 1800 dans le midi de la France est essen-
tiellement un complot des Instituts. Page 525, Revue de Paris citée : « Après avoir
reçu des principaux chefs de l'Institut, que je trouvai réunis à Lyon., les instructions
sur l'état présent des affaires... je me trouvai à la tête de 25.000 hommes, la
plupart conscrits réfractaires .. )) Cf. d'Hauterive, La police secrète du premier
Empire, déclarations de Rougier, p. 37, quelques vagues aveux de Puivert, p. 112,
avis sur ses envois de poudre, p. 186, etc.
2. Je ne crois pas nécessaire de citer les autres lettres de Wickham relatives à
l'expédition Willot, par exemple celles du 26 mars 1800 et du 27 mai relatives au
mauvais vouloir des Autrichiens et aux obstacles que Thugut et le baron de Mêlas
apportent au succès de l'entreprise. Lebon, dans l'Angleterre et l'Emigration, et
surtout E. Daudet, dans VHistoire de l'Emigration, t. III, racontent longuement
l'histoire de cette intrigue.
Il serait plus intéressant de citer la lettre du 14 août, où Wickham affirme,
d'après une lettre de Jackson, agent de l'Angleterre en Italie, que l'entreprise de
Willot aurait abouti si elle avait été encouragée et soutenue par les Autrichiens, et
que les Autrichiens, prévenus, dès le 12 avril, par « deux personnes chargées par
le général Willot ou par M. Dandré de leur procurer toutes les informations possi-
bles sur Vétat de l'armée de Dijon », ne voulurent tenir aucun compte de leurs avis.
La brusque arrivée de cette armée de Dijon (l'armée de réserve) sur les champs
de bataille de l'Italie mit fin à l'intrigue de Willot. Il dut s'enfuir, après l'abandon
de Turin par Mêlas, à Alexandrie, puis à Gênes ; après Marengo, il se réfugia à
Livourne, puis en Angleterre. De là, plus tard, il gagna les Etats-Unis. La cause
de son départ nous est indiquée dans une note que Danican fit passer à Fauche-
Borel à Londres en juillet 1808. Danican, qui devait suivre Willot en Italie en 1800,
comme chef d'état-major (Cf. son dossier aux Arch. adm. guerre), raconte que
Willot fut convaincu devant les tribunaux anglais, avec d'autres émigrés,
ET LES INSTITUTS PHILANTHROPIQUES DU MIDI 29
[Pichegru ne devait pas rejoindre Willot en Italie (pour de là passer en
Guyenne). Le comte d'Artois et l'Angleterre l'appelèrent à Londres pour le
consulter au sujet du complot Cadoudal et pour lui donner un rôle dans
l'Ouest. L'intrigue de Londres le disputait à l'intrigue d'Augsbourg.]
D. — LA CONSPIRATION ANGLAISE A PARIS ET DANS l'oUEST
EN 1799-1800, et les relations de l'Institut bordelais avec la
Vendée et Londres.
Tandis que Wickham, Willot et Pichegru rattachaient le mouvement
bordelais à l'insurrection générale de l'Est et du Midi, appuyée par l'armée
autrichienne, l'Institut bordelais entrait en relations avec les Vendéens ré-
voltés et avec le comte d'Artois qui subordonnait 1 insurrection girondine
au succès de ses projets à Paris et dans l'Ouest.
La Vendée, en effet, s'était soulevée pour la seconde fois en octobre, avec
l'Anjou, le Maine, la Bretagne et la Normandie. Dupont, visiteur de l'Insti-
tut bordelais, s'efforça aussitôt d'entrer en relations avec ces provinces et
organisa dans les Deux-Charentes une chouannerie pour communiquer avec
elles. Il importe de citer ce passage de son Mémoire historique (p. 24 et 25) :
« J'organisai en même temps une chouannerie dans les Deux-
Charentes, entre les deux grandes routes de Paris et de Bretagne.
Mon intention était, dès que nous recevrions Tordre de prendre les
armes, de faire marcher de concert les royalistes de tous les dépar-
tements de mon arrondissement sur Blaye et la Rochelle... » [Cf.
Essaie p. 81 : a J'établis dans les Deux-Charentes, entre les deux
grandes roules de Paris et de la Bretagne, un corps d'éclaireurs,
sous le commandement du sieur Brunet, émigré rentré... »]
«... D'après les ordres que je reçus à celte époque de l'agence de
Souabe, je fis partir un commissaire, M. Destravaux *, pour les
provinces de l'Ouest, dirigées par S. A. R Monsieur, frère du roi,
avec une circulaire adressée à tous les commandants pour le roi et
avec des instruclions. L'objet de sa mission était de parcourir la
Vendée, la Bielagne et la Normandie, d'y voir tous les chefs, de
concerter avec eux les moyens de correspondance, de leur donner
mon adresse et de prendre la leur. Mon commissaire me lit à son
f< (I .ivoit pnic à une usure énorme les sommes qu'ils tenaient du gouvernement
aiif^luis. L<- gciK rai Willot, condamné à 25 000 livres sterling d'amende, fut obligé de
se réfugier àN(!vv-York.(]e misérnbleavait reçu du gouvernement anglais, en 1800,
un million toiirnriis à l'rfrct de soulever les provinces du midi de la France. »
l'.-.|n.rs I',. <!.• Siiinl Ail. in
1. D'iipKs une note du Hureau central de Bordeaux du 7 fruclidor. le mouve-
ment insurrectionnel de Bordeaux du 20 thermidor doit se raltachci :i !;i piésence
dans cvUr vilN- d'un PliililM ri Destrnvaux, ancien chef do chouans, niilré à la
fnv<'in lir 1 iiiiiii tir .1 I. I, (M II hitions avec la Vendée et l'Angleterre, soudoyé
par <f tir (in tiiri r .. |H.iii s, I unir aux conspirateurs qui se rassemblent à l'elFet
de favoriser un inou \ r inml royaliste ».
30 L \ CONSPIRATION ANGLAISE
retour un rapport très satisfaisant. Mes propositions avaient plu à
tous ces anciens et intrépides défenseurs du trône et de l'autel -, ils
m'envoyèrent tous leur adresse, et jusqu'à l'époque de mon arresta-
tion notre utile correspondance a été toujours très active. » [Cf.
Essaie p. 81.]
La lettre de Georges Cadoudal du 19 juin 1800, que nous publions plus
loin, confirme les relations de l'Ouest avec le Midi.
L'Institut bordelais correspondait aussi avec le comte d'Artois et avec le
duc de Lorges, qui recevait lui-même ses instructions de Monsieur. Nous
citons plus loin la lettre de Papin au duc de Lorges, 9 mai 1800. Il importe
aussi de connaître les passages suivants du Mémoire historique de Dupont-
Constant :
<{ Peu de jours avant ou après le 18 Brumaire, je profitai d'une
occasion pour rendre à S. A. R. Monsieur, comte d'Artois, un
compte exact et sommaire de tout ce que j'avais fait jusqu'alors pour
le service du roi. Je mis sous ses yeux 1 état de nos forces, de nos
ressources, de nos besoins, et en lui faisant connaître les bonnes
dispositions des royalistes, je lui demandai des instructions et des
ordres. »
{Mémoire historique, p. 31.)
Après son voyage à Augsbourg (il est de retour à Bordeaux le 9 mars 1800) :
« Je reçus à cette époque une lettre de S. A. R. Monsieur, frère du
Roi, par l'occasion d'un sieur Burkcl, suisse, établi à Bordeaux.
J'en fis part à tous les agents en chef de l'Institut, dans la seule vue
d'exciter leur confiance et leur zèle. Elle portait en substance que le
prince était très satisfait de tout ce que nous avions fait ; qu'il nous
engageait à continuer, et qu'il allait incessamment nous envoyer des
commissaires chargés de nous faire connaître ses intentions. Elle
nous assurait aussi que S. A. R. allait donner des ordres pour que
l'on nous fît des remises à mesure des besoins. »
{Mémoire historique^ p. 34. Cf. Essai, p. 91.)
« Une nouvelle occasion pour l'Angleterre se présenta, et j*en
profitai pour annoncer à S. A. R, Monsieur que nous étions prêts
et que nous n'attendions que les ordres pour prendre les armes. Je
lui donnai un aperçu de nos forces disponibles. Je crus devoir
instruire S .A. R. que les commissaires qu'elle m'avait annoncés
par sa dernière lettre n'étaient pas encore venus. »
(Mémoire historique, p. 35.)
Bordeaux, transition entre le Midi et l'Ouest, recevait des ordres d'Augs-
boûrg et de Londres. L'intrigue girondine rattachait le complot de Provence
ET LES INSTITUTS PHILANTHROPIQUES DU MIDI 31
au complot parisien ou chouan. Dupont-Constant et Papin donnaient la main
à Willot d'une part, à Hyde et à Cadoudal de l'autre.
En effet, une conspiration s'ébauchait à Paris et à Londres contre Bona-
parte au lendemain de Brumaire, la Conspiration anglaise dont la police a
publié les pièces (lettres de Hyde de Neuville à l'agent des princes à
Londres, lettres de Dutheil à Hyde, etc.), après la découverte de cette conspi-
ration, le 12 floréal an VHI 2 mai 1800.
Au moment où l'Ouest déposait les armes, Hyde et l'agence de Londres
voulaient le soulever à nouveau : Monsieur devait débarquer à Brest, livré
par Dubouchage ; Pichegru le rejoignait avec les troupes de l'Ouest ; à Paris,
un coup de main réduisait Bonaparte à l'impuissance ^ Comme la combinai-
son Willot, celle de Hyde utilisait Pichegru -. Ce n'était point la seule ana-
logie. Hyde comptait sur une insurrection du Midi, de Bordeaux en particu-
lier, pour appuyer celle de l'Ouest. « Le Midi était prêt, écrit-il dans ses
mémoires, à se lever de nouveau, à se placer sous les ordres du général
Willot, qui y avait laissé les plus honorables souvenirs... Bordeaux s'était
tout à fait enrégimenté par les soins du général Pépin (sic) et pouvait se ral-
lier à la Vendée par de nombreuses intelligences ^. » Dans sa correspondance,
Hyde signalait le passage à Paris, le 4 février, d'envoyés du Midi : « Les
commissaires pour le Midi sont arrivés. Ils ont vu Isaac Larue) et Paul
(Hyde). Leurs moyens paraissent être très grands. Si leur levée d'hommes
réussit, Willot se mettant à leur tête, ce sera un bien grand moj^en de diver-
sion *. » Déjà, le 11 janvier, Hyde entrait en relations avec Wickham pour
établir une concordance entre les complots de l'Ouest ou du Nord et ceux du
Midi 5.
Son complot découvert, Hyde passa la main à Georges Cadoudal, le chef
de la chouannerie bretonne, qui attendait oisif à Londres l'occasion d'agir
de nouveau. Les plans de Georges furent adoptés dans un conseil secret qui
se tint à Londres chez le premier ministre, conseil auquel Pitt. Dundas,
Grenville, assistèrent avec le comte d'Artois (16 mai 1800) *. on devait
s'emparer de Calais, de Lorient, de Nantes, avec l'aide des forces anglaises
et, tandis que les royalistes s'insurgeraient dans la Bretagne et qu'un prince
y débarquerait, le « coup essentiel »> serait frappé à Paris contre Bonaparte.
Trois jours après, Georges partait pour soulever la Bretagne, annonçant sa
venue, dès le 15, à Bourmont, comme son arrivée, le 3 juin, à Grenville ^.
1. Voir dans la Conspiration anglaise surtout les lettres de Hyde des 13 et
15 janvier, du 4 février.
2. Surtout comme commandant du corps russe de Jersey, débarqué en Bretagne,
et des levées bretonnes ou vendéennes. Cf. Conspiration anglatsCf p. 61, lettre du
11 janvier à Pichegru; p. 62-63, lettre i\ Larue, et p. 58, 79,87, 97, lettres à
Dutheil ou au comte d'Artois ; Mémoires de Hyde^ p. 290, et lettre de Bourmont du
17 janvier, p. 531,
3. Mémoires de Hyde de Neuville, p. 238.
4. Conspiration anglaise, p. 107.
5. Lettre du 11 janvier, Conspiration anglaise, p. 60.
6. Le comte de Martel a publié une partie des lettres de Georges conservées au
Foreign Office ( France i dans les Pacifications de l'Ouest. Nous en avons publié
d'autres dans la Revue historique de novembre-décembre 1900. M. Vandal
utilise ces lettres duns l Avènement de Bonaparte , t. Il, 354-356, 395.
32 LA CONSPIRATION ANGLAISE
Mais il entendait bien que l'Ouest girondin prendrait les armes avec l'Ouest
breton. Sa lettre du 19 juin que nous publions en témoigne.
Il paraît donc hors de doute que l'Institut bordelais fut en relations avec le
comte d'Artois, comme avec les chefs vendéens, et qu'il était destiné à jouer
un rôle dans le plan de Hyde comme dans celui de Cadoudal.
Reste à prouver, par la publication des pièces ci-des«ous, que les insurrec-
tions ou complots royalistes de 1799-1800 dans l'Ouest ou à Paris se ratta-
chent à l'intrigue anglaise comme les complots de l'Est et du Midi, et que
le comte d'Artois ne les autorisait et ne les encourageait qu'avec l'assen-
timent du ministère anglais et ses promesses de subsides
Ces pièces témoignent aussi que le comte d'Artois voulait, en appelant
Pichegru à Londres avec Dandré, enlever à Wickham la direction du mou-
vement royaliste, du Sud-Ouest, et même accaparer tous les ressorts de
Tintrigiie des Instituts.
Est ce à dire qu'il voulait affranchir le parti royaliste dans le Midi de lin-
fluence anglaise, le soustraire à ses compromissions avec nos ennemis ?
Nullement, car il sollicitait les secours de l'Angleterre II n'agissait ainsi
que par hostilité contre Wickham, auquel il reprochait d'avoir empêché
son voyage en Suisse avant Zurich, et surtout ses procédés à l'égard de son
frère, le Prétendant ^
31. — 6 septembre 1799, Stratford House 2. Le comte cT Artois
à Grenville.
(Analyse )
A la suite des conférences qu'il a eues avec Grenville à Stowe, Monsieur
a recommandé aux chefs royalistes de ne pas se soulever encore.
Il pense d'ailleurs que le soulèvement n'aura de succès que si le gouver-
nement anglais consent à solder 70.000 Vendéens ou Bretons, à les armer
et les équiper, et s'il les fait appuyer par un corps de débarquement anglais
ou russe d'au moins 20 000 hommes.
/ [Record Office^ Foreign Office, France, à la date.)
32. — 11 et 14, 15 septembre. Dutheil à Frère.
(Analyse et extrait.)
Le 11 septembre, Dutheil annonce à Frère que le comte d'Artois a l'inten-
1. Extrait d'une lettre du roi de France à Monsieur, de Millau, le 17 mai 1800,
Chantilly, Z, t. II, p 30 : « Je ne sais pas ce que j'ai fait à Wickham pour
qu'il ait commencé en 1797 par me faire une grossièreté, en se dispensant de
répondre à une lettre très honnête que je lui avais écrite. Je sais depuis qu'il a
constamment cherché à me nuire.. Aujourd'hui, il n'y a plus qu'une voix contre
lui sur la manière dont il conduit les affaires. Ceci entre nous; mais Condé,
Pichegru, Willot et le baron de Salis ne peuvent s'en taire, et j'ai lieu de penser
que Roll ne vous en aura pas fait un rapport plus favorable. »
2. Cf. ci-dessus les n''* 18, 21 et 23. Le comte d'Artois met à profit son séjour à
Londres pour solliciter en faveur des Vendéens et des chouans les secours du
gouvernement anglais.
ET LES INSTITUTS PHILANTHROPIQUES DU MIDI 33
tiou de se rendre demain à Londres pour parler soit au ministre Grenville,
soit à Frère.
D'une lettre du Comte d'Artois qu'il joint à la sienne, Dutheil infère que le
ministre a bien accueilli les demandes de Monsieur en faveur des Vendéens
et des Bretons.
Le 14 septembre, il sollicite le versement d'une somme de 5.000 livres
sterling aux royalistes de l'Ouest II viendra voir Frère pour toucher ces 5.000
livres restant à payer sur les 12.000 livres promises. Il a fallu déjà avancer
1.200 livres sur ces 5 000.
Suit, en effet, un état de répartition des 12.000 livres accordées par le minis-
tère britannique, répartition faite par Monsieur : 2.000 à la Vendée et à l'ar-
mée située sur la rive gauche de la Loire depuis Saumur ; 1.800 à l'Anjou;
1.500 au Maine ; 1.600 au Morbihan ; 1.200 à l'Ille-et-Vilaine ; 1.500 aux
Côtes-du-Nord et au Finistère ; 1 200 à la haute Normandie ; 1.200 à la
basse Normandie.
Au dos de cet état de répartition, Dutheil a écrit :
« Reçu du département des Affaires étrangères, le 29 août 1799,
7.000 livres sterling pour être distribuées entre les différentes divi-
sions de l'armée de l'Ouest de France.
« Employé 8.200 livres.
({ Avance faite. »
Sur cet état de répartition, il est fait mention des reçus de La Prévalaye,
de La Boessière, de Mercier, de Bourmont, de Frotté, de Mallet, reçus datés
aussi du 29 août.
Le 15 septembre, Dutheil envoie un état « de tout ce qui est nécessaire en
armes, vêtements, solde, vivres par fantassin * ».
[Record Office, Foreign Office, France, aux dates.)
X]. — 28 octobre 1799, Portsmoiith. Le comte de CrénoUes à
Monsieur. [La lettre est en copie aux archives du Record
Oflicc]
(Analyse.)
Le comte de CrénoUes annonce qu'il arrive de France avec Hyde de Neu-
ville - qui est. dit-il, « le chef de l'entreprise dont nous aurons l'honneur
de vous soumettre le plan ".
Ils sont partis de Paris le 14 octobre, et sont arrivés aux îles Saint-Marcou
1. Sur la pacification de la Vendée, voir Martel, p. 24, les négociations de
Pouoncé ; p. 57, la paix de Montraucon. 18 janvier 1800 ; p. 65 et 125, La Préva-
laye adhère à celle paix le 24 janvier et Hourniont le 4 février. Hourmoiit espérait
une diversion qui lui permettrait d<' ne pas rendre les armes : il écrivoit, le
17 janvier, à Hyde de Neuville, que les royahstes de la Vendée seraient heureux
d'avoir pour chef Pichegru {Mémoires de Ilijde, p. 531), Il était au courant des
projets de Hyde et croyait peut-être que les Anglais débarqueraient Pichegru avec
une petite armée (par exemple celle des Husses de Jersey) sur les cAtes de l'Ouest.
2. Sur l'intrigue de Hyde de Neuville, voir ses Mémoires et lu publication signée
d'£.mery, Cbaptul, Urune et Chumpugnv, la Conspiration anglaise.
34 CONSPIRATION ANGLAISE
le 22 seulement, car ils étaient poursuivis. Ils ont dû jeter à la mer leurs
dépêches.
Ils se rendront demain, 29 octobre, chez le duc de Portland. Crenolles
ajoute :
« L'importance de la mission dont je suis chargé me prescrit de
ne dire quà S. A. R. le nom de la personne qui m'envoie et de ne
pas le confier au papier. »
{Record Office, Foreign Office, France, à la date.)
[Il est possible que cette copie ait été jointe à la lettre suivante de Dutheil.]
34. — 23 novembre 1799. Dutheil à Frère.
(Analyse et extrait.)
Dutheil insiste pour qu'on accepte le plan des deux députés que Frère a
vus et que Grenville et Pitt n'ont encore vus ni l'un ni l'autre.
Ce plan offre de grandes chances de succès, proposé « par un homme aussi
considérable et voyant aussi bien que celui par qui ont été envoyées lés
deux personnes ».
« Si beaucoup de chances de succès existaient avant la révolu-
tion du 20 novembre en faveur du plan proposé, on ne peut pas dire
que ces chances soient diminuées depuis que les généraux Andréossi,
Beurnonville et Lefèvre ^ qui ont des engagements plus ou moins
positifs avec le roi et qui devaient concourir à Texécution du plan,
ont été mis à la tête des troupes, et que Berthier et quelques autres,
dont les dispositions sont connues de Monsieur, ont été placés au
Ministère ou dans des administration's. »
Pourtant le ministère britannique s'est déterminé « à suspendre l'exécution
du projet envoyé de Paris à Monsieur ». Dutheil demande qu'il revienne sur
cette décision.
(Record Office, Foreign Office, France, à la date )
Le ministère anglais refusa longtemps, semble-t-il, de subventionner une
entreprise, fort semblable, en somme, à celle de Talbot, puisqu'elle devait
avoir pour résultat l'enlèvement et sans doute la mort du premier consul. Il
s'y décida cependant en février 1800. Voir, en effet, la lettre de Hyde à
Dutheil dans la Conspiration anglaise, p. 107 et 108.
35. — 8 avril 1800. Billet de Dutheil [à Frère].
(Analyse.)
Une personne qui a communiqué à Malmesbury, en 1797, à Lille, des ren-
1. Cf. Conspiration anglaise, p. 63, 79, 111. Deux de ces lettres sont chiffrées et
difficiles à traduire.
ET LES INSTITUTS PHILANTHROPIQUES DU MIDI 35
seignements sur les intentions du Directoire au sujet des conquêtes de l'An-
gleterre dans les possessions hollandaises et qui en a reçu 5.000 livres ster-
ling, offre ses services à Dutheil.
[Record Office, Foreign Office, France, à la date.)
Cf. la lettre suivante. Depuis le mois d'août Dupérou sollicitait les agents
des princes à Londres d'offrir ses services au ministère anglais.
36. — 5 mai 1800. Lettre de Dupérou [à Grenville ou à Frère].
(Analyse et extrait.)
Dupérou offre encore de procurer au ministère anglais des rensei-
gnements des « mêmes personnes qui, dans le temps des négociations
de Malmesbur3\ à Lille, avaient touché cinq mille livres sterling
pour faire connaître si le Directoire regarderait la restitution du cap
de Bonne-Espérance et du port de Trinquemale comme la condition
sine qua non de la paix ».
L'abbé Ratel et Hyde de Neuville n'ont point encouragé ces ouver-
tures faute d argent.
Suivent des renseignements surtout diplomatiques. Dupérou ajoute :
« Bonaparte vient d'organiser une police secrète dont les membres
sont môme inconnus à ses familiers. A cet égard, je peux annoncer
que les personnes dont je suis l'organe peuvent en partie dicter les
rapports des individus attachés à cette police et s'engageraient égale-
ment à transmettre au gouvernement anglais le précis de leurs
opérations. »
[Cf. la Correspondance dé Dupérou, chargé de la police secrète de Hyde,
dans la Conspiraiion anglaise, p. 20G et suiv.
Le même individu qui signe Dupérou écrit à Flint à l'Alien Office, le
7 mai, et signe Martin.]
[Record Office, Foreign Office y France, à la date.)
37. — Bordeaux, le 9 mai 1<S()(). « Le (jènêral comninndnnt la
division de la Gironde » au duc de Loryes.
(Analyse et extraits.)
I^e général fonde les plus grandes espérances « sur la glorieuse
nitic prise dont les Bordelais attendent impatiemment rexéculion ».
11 apprend avec joie (|u'un prince viendra se mettre ii la tète des
forces de la Gironde et que le duc de Lorges est nommé gouverneur
de la Guyenne.
36 CONSPIRATION ANGLAISE
Le corps formé par Servant s'accroît de jour en jour : « Nous
avons reçu des armes et des munitions... J'attends les fonds que
vous m'annoncez, ainsi que les deux envoyés. »
Signé: Servant [nom philanthropique de PapinJ \
[Record Office, Foreign Office, France, à la date.)
38. — Londres, 8 mai 1800. Monsieur à Ch. de Tinseaii 2, a lieu-
tenant de Tétat-major du corps d'armée suisse à la solde de
S. M. britannique ».
Monsieur a chargé le baron de Roll, qui lui a remis la lettre de Tinseau,
de le prévenir qu'il ne tarderait pas à faire appel à son dévouement
« Le moment n'a pas tardé à arriver, puisque je vous donne
l'ordre de vous rendre le plus promptement possible près de moi.
« J'adresse un ordre pareil au général Piche^ru 3, et je vous
1. La parenthèse n'est pas dans le texte; mais nous savons par Dupont et
Rollac quePapin portait le nom philanthropique de Servant. — Les fonds annoncés,
Cf Essai, p. 92 : C( L'agence royale me promit des fonds pour les premiers achats
à faire... les plus considérables me seraient portés par le général Pichegru .. C'est
la première fois que l'agence me donna de l'argent. »
Le prince attendu. D'un interrogatoire du chimiste Gazalet, qui avait vu Willot
en Angleterre en 1803 et qui le connaissait intimement, nous extrayons le passage
suivant : « Sur ce qu on avait dit au comte d'Artois qu'il y avait à Bordeaux
douze à quinze mille hommes prêts à agir pour lui, le duc de Berry avait résolu de
prendre un passe-port pour venir à Bordeaux, en qualité de commis négociant.
Willot, qui me dit le fait, ajouta: « Ce jeune fou veut exposer sa vie. » Archives
départementales, série M, liasse intitulée : Police générale, affaires politiques, an IX,
1804-1808.
Les envoyés : Forestier et Céris sans doute. Ils ne sont venus à Bordeaux que plus
tard, avant le complot des Plombs de 1804. Papin les a logés chez Acquart-Vreilhac.
2 Voir surTinseau d'Amondans, qui en 1795-1796 avait été l'un des chefs de l'insur-
rection franc-comtoise, la Trahison de Pichegru. p. 71, 129, 131, 163, 191, 197, 221.
Cf Mémoires de Fauche Borel, t. Il, p 324 : « Pichegru avait été envoyé en Suisse
avec le colonel Tinseau, lorsqu'on nourrissait encore l'espoir que la négociation avec
Barras aurait un plein succès. »
3. Voir sur la vie de Pichegru à Leitershofl, près d'Augsbourg en Souabe, le
récit des Mémoires de Fauche- Borel, t. II, p. 337 à 345. Fauche passa une partie
de l'hiver de 1799-1800 auprès de Pichegru (récit du bal masqué) ; il ne partit
pour Londres qu'au printemps. Lire une très importante conversation de Pichegru
avec Fauche, où il résume le plan royaliste et anglais de 1799, plan qui est, à peu
de différences près, celui de 1800, p. 337 à 339.
Sur le rappel de Pichegru à Londres, cf. Lebon, p. 286. — Se préparait-il à « aller
d'Augsbourg en Italie », comme le croit M. Daudet, Histoire de VÉmigration, t. III,
p. 192? Dans ce cas, il devait se rendre d Italie à Bordeaux. — Dupont-Constant
prétend qu'il passait par l'Angleterre afin d'arriver plus sûrement à Bordeaux :
(( J'attendais le général Pichegru dont le départ d'Augsbourg m'était annoncé et
qui était passé en Angleterre pour de là se rendre à Bordeaux », Essai, p. 100. Il
est probable que le comte dArtois l'appelait en Angleterre pour lui donner un rôle
dans le grand plan élaboré avec Cadoudal.
ET LES INSTITUTS PHILANTHROPIQUES DU MIDI 37
engage à vous arranger avec lui pour que vous puissiez faire le
voyage ensemble.
« M. Wickham, qui reçoit par le même courrier les instructions de
lord Grenville, est prié par moi de subvenir aux frais de votre route
ainsi qu'à celle du général Pichegru. Lord Grenville m'a promis que
vous conserveriez le traitement dont vous jouissez aujourd'hui. Je
n'entrerai point dans plus de détails, me réservant de causer avec
vous sur la manière dont je compte employer votre zèle et vos
talents...
« Je vous recommande d'éviter que l'on connaisse le motif de
votre voyage. Je fais la même recommandation au général Piche-
gru. »
{Record Office, Foreign Office, France, à la date.)
39. — Londres, 10 mai 1800. Lord Grenville à Wickham,
(Analyse et traduction.)
«Comme les circonstances peuvent donner occasion de tenter une
entreprise sur les provinces du nord et de l'ouest de la France,
Monsieur a exprimé le désir que le général Pichegru soit consulté
au sujet de cette expédition, à laquelle Sa Royale Altesse peut
prendre part, et qu'il soit employé à son exécution. »
Le ministre prie donc Wickham de faire passer Pichegru en Angleterre le
plus tôt possible, l'opération en question devant avoir lieu vers la fin du
mois prochain, à moins d'imprévu.
{Record Office, Foreign Office, Suisse, à la date.)
40. — Londres, 27 mai 1800. Lord Grenville à Wickham.
(Analyse.)
Monsieur veut donner des instructions à Dandré ' et désire qu'il passe en
Angleterre. A lui et à Wickham d'aviser si la chose est possible. Le comte
d'Escars, qui porte cette lettre, est chargé de fournir à Dandré toutes les
explications qui lui permettront de se décider en connaissance de cause.
(Ibidem.)
1 , En réalité, le comte d'Artois voulait attirer Dandré à Londres pour l'y garder.
Dandrc, en effet, était nu courant de toutes les relations de l'agence de Sounbe avec
les Instituts du Midi, qu'il avait contribué à fonder. (Vest pour cela que Wickham
tenait à conserver auprès de lui cet important dépositaire des secrets royalistes
(voir la pièce 47 de ce recueil). Dandré refusa de quitter Au^sbourg, c'est-à-dire
Wickham, dont il avait la confiance et qui disposait de crédits considérables, dont il
entendait se servir au profit de la cause royaliste.
38 CONSPIRATION ANGLAISE
41. — Londres, 13 mai 1800. Dutheil à M. Frère.
(Analyse.)
Le comte d'Artois envoie en Souabe son capitaine des gardes * pour s'ex-
pliquer avec l'agence sur de prétendues missions qu'il aurait envoyées dans
le midi delà France, et qu'il n'a pas envoyées en réalité, car il s'interdit tout
ce qui touche à ces régions qui dépendent de Wickham et de l'agence.
[Record Office, Foreign Office, France, à la date -.)
42. — 19 juin 1800. Georges à lord Grenville^.
(Lettre écrite de Bretagne. Extrait.)
(( Tout est prêt; j'ai parlé à tous les chefs ; ils sont en mesure.
(1 Le peu de troupes républicaines qu'il y a encore dans l'Ouest s'est
concentré dans le Morbihan et le Finistère. L'Anjou, le Maine, le
Poitou, la Normandie, sont absolument dégagés. Nantes n'a pas
800 hommes de garnison et, depuis le Croisic jusqu'à celte ville, il
n'y en a pas 600. Rien ne peut empêcher le plan que j'ai présenté à
votre gouvernement, mais il faut faire diligence...
« Il suffira de prévenir les chefs de l'intérieur huit jours avant le
débarquement et V insurrection éclatera dans tout V Ouest et même dans
une partie du Midi avec laquelle nous correspondons *.
<( Plusieurs villes conséquentes seront prises le même jour par les
insurgés. Ceux du Morbihan, du Finistère, des Côtes-du-Nord et de
rille-et-Vilaine feront leurs efforts pour détruire partiellement et
empêcher la réunion de la petite armée qui est contre eux et lui ôter
1. La vraie cause de la mission confiée au comte d'Escars et au marquis de
Rivière nous est connue par une lettre de l'abbé Delamarre à TAlien Office, lettre
qui se retrouve au British Muséum (papiers de Puisaye, vol. LXXVI). La lettre est du
16 octobre 1805 : le comte d'Artois envoya « en Allemagne le marquis de Rivière et
le comte François d'Escars pour y casser une agence établie par Louis XVIII... Ils
étaient spécialement chargés d'offrir à M. Dandré, membre de cette agence, la place
de M. Dutheil, en qui, disaient-ils, Monsieur ne pouvait plus avoir confiance. »
Celte mission, qui devait servir à endormir les défiances de Wickham, avait pour
but réel d'enlever Dandré (et avec lui le parti royaliste du Midi) à son influence.
Wickham s'était plaint que le comte d'Artois envoyât des agents dans le Midi,
bien que le Midi ne fût pas placé par le Prétendant sous sa direction et ne relevât
que de l'agence de Souabe. 11 avait chargé le baron de Roll de faire à ce sujet des
représentations amicales au comte. Cependant un Suisse, du nom de Bourrât, s'était
présenté dans le Midi comme agent de Monsieur. Cf lettre de Wickham du 26 avril
1800, Record Office, Foreign Office, Suisse, à la date.
2. Martel, p. 232, place à tort cette lettre à la date du 18 mai.
3. Martel, Pacifications, p. 212, ne publie que les dernières lignes de cette lettre,
et la suite.
4. Dupont-Constant s'était mis en relations avec l'Ouest vendéen et chouan par
Destravaux.
ET LES INSTITUTS PHILANTHROPIQUES DU MIDI 39
tout moyen de se porter, du moins en corps, sur l'armée débarquée.
Alors les royalistes de l'Anjou, du Poitou et du Maine réunis à la
grande armée... peuvent espérer le plus grand succès. Surtout si
on n'a pas manqué le coup essentiel de Paris... »
{Record Office, Foreign Office, France, à la date.)
Je ne publie pas les autres lettres de Georges, car M. de Martel les a
analysées ou publiées en partie dans Les Historiens fantaisistes. Cf. aussi
mon article de la Revue historique de novembre 1900,
43. — Londres, 23 juin 1800. Fauche-BoreU [à Frère],
(Extrait.)
« En rentrant chez moi dimanche dernier, au sortir de chez Son
Altesse royale, j'ai trouvé MM. Montferrat et Montchenu, qui m'ont
remis une lettre de M. de la Neuville ^, qu'ils ont demandé que
j'anéantisse après lecture, ce que j'ai fait. Ladite lettre portait en
substance qu'on m'adressait ces deux messieurs pour les mettre à
même de faire la connaissance du Major [Pichegru] à son arrivée,
qu'il était important de lui faire connaître le terrain, c'est-à-dire de
lui donner connaissance des personnes qui entouraient Monsieur ;
que M. de la Neuville correspondait de l'intérieur avec ces Messieurs
et qu'il leur ferait part de son succès auprès des chefs vendéens,
auxquels il allait s'adresser pour demander leur signature 3, afin de
déterminer le Major à se mettre à leur tête. »
Fauche s'est tenu sur la réserve, a répondu que Pichegru n'était
pas arrivé, et qu'il ne savait pas quand il arriverait. Il croit que
M. de la Neu^^ille, dont la « légèreté » est connue, n'aura guère de
prise sur Pichegru, « à cause de l'extrême réserve du Major. »
(Record Office^ Foreign Office^ France, à la date.)
1. Fauche partit presque aussitôt pour Augsbourg, Voir le n" 46 du recueil.
On trouve dans ses Mémoires un long récit de son voyage, très mouvementé, car le
vaisseau qui le portait fut arrêté par un corsaire français. Fauche dut jeter à la
mer les lettres et instruclious que lui avait confiées Grenville.
2 Après la découverte de la conspiration anglaise, Hjde, qui étaitalorsà Londres,
repartit pour la France, afin de « tout disposer dans le plus grand secret pour
revenir ensuite avec le général Georges ». Voir Martel. Pacifications., p. 298. Mais
il voulait gagner Pichegru à l'idée de venir ù Paris s'entendre avec les généraux
ennemis du premier consul pour, de lA, aller prendre le commandement des forces
insurgées de l'Ouest. C'est pourquoi il avait chargé ses amis de parler &
Pichegru.
3. Cf. la lettre de Hourmont du 17 janvier 1800, citée en appendice dans les
}fémoire$ de Hyde. Bourmont aurait accepté de servir sous les ordres de Pichegru.
40 CONSPIRATION ANGLAISE
44. — Lundi, 4 h. après-midi [reçu 30 juin 1800]. Le baron
de Roll \à Frère].
« Monsieur, je suis venu pour avoir l'honneur de vous voir de la
part de S. A. R. Monsieur et pour vous dire que le général Pichegru
vient d'arriver ^ Ce prince vous prie d'en informer lord Grenville
et M. Pitt et de leur demander de sa part s'il désire voir le général
Pichegru encore (sic) aujourd'hui ou demain matin. Monsieur,
désirant le leur amener lui-même, vous prie de lui envoyer une
réponse dans la journée, afin qu'il puisse se régler en conséquence. »
{Record Office, Foreign Office, France, à la date.)
45.— ^Londres, 2 juillet 1800. Lord Grenville au général Georges \
(Minute.)
Accuse réception de trois lettres de Georges, dont la dernière est du 19 juin.
(( J'avais déjà préparé mes réponses aux deux premières et tout
était arrangé pour l'exécution des mesures que le gouvernement du
Roi avait décidé d'adopter, quand on a appris ici la nouvelle de l'ar-
mistice conclu en Italie.
« Il n'est que trop évident que si cet armistice venait à être prolongé
et mieux étendu aux autres armées, les républicains se verraient par
là en état de tourner contre les royalistes une masse de forces supé-
rieure à celle dont ils auraient pu disposer dans d'autres circons-
tances. Les mesures dont il a été question deviendraient par consé-
quent infiniment plus hasardeuses et ne serviraient qu'à compromettre
sans avantage réelles braves gens auxquels vous avez la gloire de
commander. Je ne puis donc que vous inviter de leur persuader de
rester tranquilles pour le moment... »
(Record Office, Foreign Office, France, à la date.)
1. Pichegru, après Marengo (Voir la leUre ci-dessous de Grenville), dut renon-
cer à se rendre à Bordeaux. C'est alors qu'il ébauche avec Georges Cadoudal,
revenu de Bretagne, le plan du complot de l'an XII. Le duc de Bourbon écrit
au prince de Condé, le 4 août 1800 ; « Pichegru est ici, attendant les événe-
ments ; il voit souvent Georges ; ils sont bien traités par le gouvernement. »
Chantilly. Z, t. VIII, p. 331. — Il repartit pour le continent en août 1800. Le
17 août, Monsieur écrivait à Grenville : oc D'après ce que M. Frère m'a dit hier de
votre part relativement au retour du général Pichegru sur le continent, je dois vous
proposer de conférer avec moi d'abord et ensuite avec le général Pichegru,
afin que nous puissions convenir ensemble de la nature des instructions qu'il
faudra donner à ce général, pour tirer un parti utile de son zèle et de ses
lumières. »
2. Grenville renonçait au plan du Midi comme au plan de l'Ouest, momentané-
ment au moins.
ET LES INSTITUTS PHILANTHROPIQUES DU MIDI 41
46. — Ambert, 17 juillet 1800. Wickham à lord Greiwille.
(Traduction.)
« M. Fauche de Neufchâtel est arrivé ici la nuit dernière ^ et
m'informe qu'il ma été envoyé avec une dépêche de Votre Excel-
lence et aussi avec des instructions pour trouver le général Pichegru
et retourner avec lui à Londres, mais qu'il a eu le malheur d'être
pris à bord du Dolphin Packel, par le Buoiiaparte, corsaire fran-
çais, et emmené au Texel après avoir jeté ses dépêches par-dessus
bord.
« Comme le général Pichegru doit être depuis longtemps déjà en
Angleterre, je renvoie Fauche sans perte de temps. »
[Record Office, Foreign Office, Suisse, à la date.)
47. — Crems Munster, 16 août 1800. Wickham à Greiwille 2.
(Analyse et extrait.)
Répond à la lettre de Grenville du 27 mai, relative à Dandré, Dandré ne
peut pas se rendre en Angleterre En voici les raisons ostensibles : Wickham
avait besoin de lui jusqu'à la fin de la mission de Willot, pour diriger le
service de renseignements, «la correspondance de l'Intérieur », dont il est
chargé ; il en a besoin encore, car il ne peut le remplacer dans ces fonctions
dont il s'acquitte fort bien.
Voici maintenant les raisons secrètes : Dandré ne veut pas communiquer
au comte d'Artois et à son indiscret entourage les noms de ses correspondants
en France. Surtout Wickham veut le garder pour « avoir l'œil » dans la
correspondance des agents de Louis XVIII en France, dont il ne connaîtrait
rien sans Dandré. Les correspondants de Dandré en France sont des roya-
listes qui ne se sont pas compromis au 18 Fructidor, en particulier le con-
sul Lebrun, qui a écrit une lettre avant son consulat au roi Louis XVIII et
qui en a reçu réponse ; Lebrun n'a pas écrit depuis qu'il est consul, mais
il voit souvent le correspondant de Dandré et déclare qu'il est prêt à servir
le roi, mais que l'occasion est loin d'être propice. C'est par Dandré que
Wickham a connu la correspondance de Thugut et de Talleyrand l'hiver
dernier, 1'" état exact et la force de l'armée française »...
(( Votre Excellence se rappellera que M. Dandré fut employé
comme agent principal pour amener un changement d'opinion dans
1. Cf. Mémoires de Fauche, t. II, p. 345 et suiv. A 354. Le Dolphin fut capturé en
vue du Texel, et Fauche fut cntiduil h In Haye. Il trouva Wickh.un à Munzingen,
couvent fameux, à 10 ou 12 lioues de Vienne.
2. Je cite cette curieuse lettre qui prouve les relations de W'ieklinm avec Dandré
dès avant Fructidor. Grâce à Dandré, Wickham tenait les fils de l'organisation
royaliste du Midi. C'est pourquoi il voulait garder auprès de lui l'ex-constituant.
42 CONSPIRATION ANGLAISE
les deux conseils aussi bien que dans l'esprit public, avant le coup
d'état du 18 Fructidor ou 5 septembre 1797 '. »
Dandré sera très utile, même à Londres, pour diriger le service de rensei-
gnements secrets avec les royalistes de l'Intérieur.
{Record Office^ Foreign Office, Suisse, à la date )
1. Document essentiel, un de ceux qui prouvent que les lettres signées Kilien et
Berger, lettres de l'agent de Wickham à Paris, sont bien de Dandré. Voir, sur son
rôle à Paris, ma thèse principale, la Trahison de Pichegru, les deux derniers
chapitres .
DEUXIÈME PARTIE
1800
LA DECOUVERTE
COMPLOT BORDELAIS EN L'AN VIIP
A. — l'arrestation de DUPONT, COSSE -, etc. Correspondance
de Desmarets avec le commissaire Pierre et le préfet Thihaii-
deau.
A la suite de la découverte de la Correspondance anglaise, le 12 floréal
an VIII, chez la veuve Mercier, la police de Fouché surveilla de plus près les
intrigues royalistes et découvrit celle de Bordeaux. Comment ? C'est ce qu'il
est fort difficile de dire avec certitude Voici des hypothèses : Dupont était
1. Les documents de la sériç F^ (Archives nationales) qui concernent l'Institut
Philanthropique de Bordeaux et cet Institut en général, ainsi que le complot
royaliste du Midi en l'an VIII, sont contenus dans les cartons 6256 (dossier 5121)
[carton de la Conspiration de Bordeaux], 6258 à 6260 [Affaires du Midi] et 6419
(dossier 8375)
Les autres documents cités dans c«lte seconde partie du recueil appartiennent
aux Archives administratives de la guerre (dossier Papin), aux Archives départe-
mentales de Bordeaux, série M, très pauvre en ce qui touche au Consulat, h la
Bihliothèque de la Ville {Tablettes de Bernadeou). Il est malheureux que l'incendie
de l'Hôtel de Ville ait consumé la plupart des pièces des Archives municipales
relatives à la période du Consulat ou de l'Kmpire à Bordeaux.
On trouvera dans l'introduction le commentaire des pièces qui suivent, au moins
tous les renseignements sur la fondation de l'Institut bordelais, son organisation et
son rôle avant le 18 Fructidor.
2. Le nom est écrit tantôt Cosse, tantôt Causse. J'adopte l'orthographe de la
signature (interrogatoire).
44 LA DÉCOUVERTE
entré en relations avec les chefs de TOuest par Destravaux. Après la pacifica-
tion, Fouché n'a-t-il pas reçu des confidences ? On connaît ses relations avec
Bourmont ; plusieurs officiers chouans servirent depuis cette époque d'indi-
cateurs à la police. Autre hypothèse : Bayard, l'ancien agent de Wickham
et de Dandré à Paris, était l'amant de la fille Meyer, maîtresse elle-même du
prince de Carency qui avait livré les secrets des royalistes à Barras avant
Fructidor. Or Bayard connaissait l'intrigue de Bordeaux. On peut admettre
aussi que Dupérou, arrêté par la police (pour la 2® fois) le 24 prairial, fit des
révélations.
48. — Paris, 29 prairial an VIII [18 juin 1800]. Desmarets au
commissaire général de police de Bordeaux * .
(Minute.)
« Je vous expédie, citoyen commissaire, un courrier qui vous porte,
avec la présente, huit mandats d'arrêt contre divers agents et chefs
du parti royaliste à Bordeaux, sur lesquels l'instruction ci-jointe
vous donne tous les renseignements nécessaires. Les faits consignés
dans cette note sont un extrait pour cette partie de la France du plan
général payé par l'Angleterre et qui, depuis quelque temps, a comme
institué et organisé la Monarchie au sein môme de la République.
« Vous prendrez sur-le-champ toutes vos mesures pour la recherche
et l'arrestation de ceux de ces individus qui sont à Bordeaux. Et en
même temps vous vous concerterez avec le préfet du département et
le chef militaire qui procureront l'arrestation des autres. J'écris à cet
effet au préfet.
« Les prévenus subiront des interrogatoires que vous me trans-
mettrez avec le résultat de l'examen des pièces saisies chez eux et
votre avis sur le tout.
« Vous ferez arrêter les individus qui, par suite de déclarations ou
de vos recherches, vous paraîtraient prévenus de complicité Vous
donnerez l'ordre de retenir les prévenus au secret et sous bonne
garde. Je vous donnerai à leur égard des ordres ultérieurs, sur le
rapport que vous m'aurez transmis. Vous mettrez tous vos soins,
citoyen commissaire, de concert avec le préfet, pour approfondir
ce complot, en suivre toutes les ramifications et, en liant vos décou-
vertes avec mes renseignements, vous porterez le plus grand jour sur
cette nouvelle intrigue de l'étranger. »
(F^ 6256 )
1. Voir sur le commissaire Pierre Pierre l'élude de M. de Perceval.Ln policier de
jadis, dans ]sL Revue Philomathique de septembre 1904, d'après les Archives munici-
pales et les papiers d'Emerigon. Il fut remplacé à Bordeaux, comme commissaire
principal, par Jolicler. C'était un ami personnel des Bonaparte et surtout de Lucien.
DU COMPLOT BORDELAIS EN L'AN VIII 45
49. — [Même date.] Lettre de Desmarets au préfet de la Gironde.
(Minute.)
« Citoyen préfet, je ôonfie à votre zèle la recherche et l'arrestation
des individus dont je joins ici les mandais. Ils sont, pour votre
arrondissement, ou chefs ou agents de la conspiration royaliste
payée par l'or de l'Angleterre. Ce complot, qui avait institué et or-
ganisé la Monarchie au sein même de la République, est connu et
découvert dans toutes ses parties.
Dupont^.— i< [Je vous envoie 1'] Ordre d'arrêter Dupont, Américain,
oncle, dont le neveu a été arrêté l'an dernier, se disant agent de
change, logé cours Fructidor. Cet agent a des pouvoirs du roi ; ils
doivent être, ainsi que ses papiers, dans une
^me Duval. — « cachette chez lui... ou chez sa sœur, M™^ Duval,
institutrice qui demeure vis-à-vis et qui a aussi une cachette chez
elle dans une chambre.
Lacombe. — « Cet individu correspond à Lyon avec un nommé
Lacombe, prêtre, qui a pour secrétaire M. de Florac. et à Paris avec
un nommé Léon, chirurgien, ces deux derniers également agents du
roi (Lacombe et Léon). Dupont correspond avec M"'^ de Donnissant-
Lescure.
Causse. — « Les lettres adressées à Bordeaux sont presque toutes
adressées à un nommé Causse, musicien, demeurant sur le chemin
de Peyssac. Toutes les lettres sont écrites avec un procédé chimique
et on fait reparaître les caractères avec de Teau forte.
Dumas, Lavalette. — « L'agent de change de l'Institut à Bordeaux
est un nommé Dumas. Il a chez lui le commandant de la cavalerie
royale, nommé Lavalette, aide de camp de Charrete (sic).
Papin. — «Il y a en outre, à Bordeauxquatre commissaires généraux
chargés d'insciter (,s/c) les provinces environnantes. Le commandant
militaire royal de Bordeaux est un nommé Papin, jadis olïicier mu-
nicipal et aujourd'hui fermier de M'"^ Lescure. Il y a tous les jours
des mots d'ordre, défausses patrouilles. Ils correspondent à Londres
aveclc duc de Durfort, frère de M"'*^ de Donnissant, oncle de M'"^ Les-
cure ; en Espagne, avec le duc d'Havre. Ils ont reçu à Bordcau^c, il
y a un mois. 5. ()()() guinées. Dupont s'est occupé parmi eux de les faire
valoir sur la place.
Brochon « — Le caissier de ces commissaires généraux est un
vieil avocat nommé Brochon.
« Ils ont un noyau d'armée dans le Médoc, composé de conscrits et
de déserteurs payés par l'Institut.
1. Ce nom dans la marge ainsi que les suivants Les renseignements sont précis,
mais contiennent des erreurs : voir l'Introduction.
46 LA DÉCOUVERTE
« Il y a un lieutenant général pour le roi qui a sous son comman-
dement les anciennes provinces de l'Aunis, Gascogne, Périgord,
Landes. Il y a dans tous ces pays des commissaires qui correspon-
dent avec rinstitut.
« Le lieutenantgénéral est le chevalier de Magnol; le correspondant
de Saintonge est un nommé Brûlé, médecin.
« N. B. — L'Institutest le nom convenu pour désigner lesassemblées
du parti royaliste.
« Papin,qui est le chefde la force armée, fait attribuer tous les jours
des mots d'ordre. Il a des aides de camp et des commandants de
cavalerie. Il commande tous les jours des hommes qui sont chargés
de voler les diligences et de faire de fausses patrouilles. C'est à l'aide
de fausses patrouilles qu'il fit enlever, il y a quelques jours, un
émigré qu'on mettait en prison. Dans les premiers jours du mois, il
a fait distribuer des fusils à tous les initiés.
« N. B. — Pour être initié dans leurs complots, le candidat est
discuté dans les quatre arrondissements de Bordeaux. »
(F' 6256.)
50. — Bordeaux, le 3 messidor an VIII. Le préfet Thihaudeau
au ministre de la police générale.
« Je reçus le l^'" de ce mois, à 11 heures du soir, par votre
courrier extraordinaire, votre lettre du 29 prairial et le paquet joint
par vous adressé au commissaire général de police.
« Sur-le-champ, je le fis prévenir, ainsi que le général de division
Dufour *, et nous fîmes toutes nos dispositions pour mettre à exécution
dès le matin les huit mandats d'arrêt que vous aviez décernés.
« Il paraît que six des prévenus ont été arrêtés. Le citoyen Papin
était absent de cette ville, et on croit que le Maignol arrêté n est pas
celui qui était désigné dans le mandat d'arrêt par la qualité d'ex-
chevalier.
« Le commissaire général vous rend compte au surplus de l'exécu-
tion de vos ordres dont il a été plus spécialement chargé.
« Je me réserve de vous exprimer mon opinion sur cette conspira-
tion qui n'est pas une chose nouvelle pour moi, et sur les intrigues
de toute espèce dont j'ai été spectateur ou confident depuis que je
suis dans ce département. J'ose vous assurer que le commissaire
général la partagera.
« Peu facile à efifrayer par les complots presque tous exagérés - que
1. Dufour commanda la 11« divis. militaire de 1800 à 1802. Voir son rôle à l'ar-
mée de Rhin-et-Moselle, en 1795, dans La Trahison de Pichegru. Fut député de la
Gironde pendant les Cent- Jours.
2. Thibaudeau, surpris par le complot, afiPecte de n'y pas croire. 11 semble que
Bonaparte lui en ait gardé rancune. En septembre 1800, il le remplaçait par Dubois.
DU COMPLOT BORDELAIS EN L'AN VIII 47
s'imputent les divers partis, je ne les ai pas jugés assez menaçants
pour vous en instruire. Je me suis plus occupé de l'administration,
jaloux de présenter au gouvernement des résultats satisfaisants ; et
j'ai compté, pour en imposer aux agitateurs, sur rattachement incon-
testable de la majorité des citoyens au gouvernement, sur mon
inflexible impartialité, sur la fermeté dont je n'ai cessé de donner des
preuves, et sur le dévouement personnel dont je donnerai l'exemple
si des circonstances malheureuses l'exigeaient.
« J'ai toujours pensé que la confiance qu'un fonctionnaire avait dans
la puissance du caractère dont il était revêtu était plus propre à en
imposer aux conspirateurs que cette inquiète crédulité qui s'alarme à
tous les bruits et qui encourage l'audace des ennemis de l'ordre.
Depuis trois mois, chaque jour, j ai reçu allernativementla dénoncia-
tion d'un complot anarchique et d'une conspiration royaliste Si
j'avais voulu croire les uns et les autres, le lendemain devait voir
éclater des scènes sanglantes. Et cependant la paix a constamment
régné. J'ai éclairé ; j'ai rassuré ; j'ai prêché la concorde ; j'ai promis
protection à tous ; je n'ai Cessé de dire qu'avec un gouvernement
aussi fort que le nôtre il n'y avait rien à craindre de personne...
« Je vous adresserai des pièces officielles qui prouvent que ceux
qui poussent le gouvernement vers des mesures extraordinaires ne
croient pas à l'imminence des mesures qu'ils dénoncent. J'ai néan-
moins pris toutes les mesures qui sont en mon pouvoir pour exciter
la surveillance des sous-préfets.
(1 L'arrondissement de Lesparre (Médoc), que vous paraissez croire
en proie à des troubles et que, depuis plus de huit jours, quelques
personnes disaient être très agité, est parfaitement tranquille. J'en ai
la preuve par une lettre que j'ai reçue hier du directeur du jury de
cet arrondissement. .
«J'attends des renseignements positifsque j'ai demandés surl'arron-
dissemenl de Ha/as, que vous indiquez aussi comme un des points à
surveiller. Il ne m'est rien parvenu jusqu'à présent qui pût motiver
la moindre inquiétude.
« Quanta Bordeaux, celte grande ville où la force publique est pres-
que nulle, il n'y a eu non plus aucun symptôme de mouvement ; il
s'y est commis seulement quelques vols, mais l'ordre public y a été
constamment maintenu.
« P. S. — Je dois vous expliquer une phrase de ma lettre. La cons-
piration n'est pas nouvellepourmoi, parce que, depuis plus d'un mois,
le citoyen Fartarrieu ', commissaire près les tribunaux, nous en a
donné, à moi et au commissaire général de police, le plan presque
1. l'nrt.irrieu-LafoBSC (I?.')*) IM.'t.'t), chargé d'importantes fonctions administratives
duiis 1m (iirondc pendant lu Hévolulion, député au Corps Législatif de 1800 tV 1808.
Cf. Delpit. Tahlellv» des HihliophUe» de Guyennet t. m.
48 LA DÉCOUVERTE
littéralement conforme à celui qui est contenu dans votre instruction.
Le commissaire général faisait surveiller les individus dénoncés,
mais il ne lui était pas parvenu de donnée assez positive pour motiver
des arrestations. »
(F' 6256.)
51. — 3 messidor an VIII [22 juin 1800]. Le commandant
général de police, Pierre, au ministre de la police générale.
« Citoyen ministre, le préfet du département delà Gironde me remit,
le V^ de ce mois, à 11 h. 1/2 du soir, votre lettre du 29 prairial
dernier, à laquelle étaient joints huit mandats d'arrêt contre divers
agents, et chefs du parti royaliste à Bordeaux. Après un moment
d'entretien sur les moyens d'exécution des dispositions que vous
ordonniez, nous nous rendîmes ensemble et sur-le-champ chez le
général commandant la 11^ division militaire Cet officier supérieur,
désirant nous seconder de tous ses moyens, donna aussitôt des
ordres pour que la troupe casernée au château Trompette fût prête
à agir au besoin et que toute la gendarmerie nationale fût à ma dis-
position...
« Le 2 au matin, entre 4 et 5 heures, les dénommés aux mandats
d'arrêt étaient arrêtés et tenus au secret... à l'exception du nommé
Papin, qui se trouve absent depuis quelques jours et qu'on assure
être parti pour la Rochelle, où il a été accompagner son beau-père
qui part pour l'Inde. Comptez sur mon exactitude... Je vous dois
cependant une observation que la justice, la vérité, le devoir et l'opi-
nion publique commandent. Parmi les individus arrêtés, le nommé
Brochon, avocat, excite la plus grande surprise. Agé de 75 ans, père
d'une nombreuse famille qui compte des enfants remarquables par
leur entier dévouement et leur attachement prononcé à la Répu-
blique, jouissant d'une grande réputation de probité, de moralité,
ce vieillard est généralement estimé et attire toute l'attention et la
pitié du très grand nombre de personnes qui le connaissent.
« P. S. — On m'annonce que le citoyen Magnol, ex-chevalier, que
j'ai fait arrêter ici, n'est pas celui désigné par vous ; que c'est son
oncle, parti pour Paris il y a quelques jours. Ce Magnol arrêté est
un jeune homme qui vit ici avec M'"^ Latapy, directrice du Grand-
Théâtre de Bordeaux. Je l'interrogerai aujourd'hui; mais les rensei-
gnements que j'ai peignent le Magnol actuellement à Paris comme
dangereux. »
(F- 6256.)
DU COMPLOT BORDELAIS EN L'AN VIII 49
52. — Notes de Desmarets,
(Minutes isolées).
Dupouy, médecin, rue du Hâ, est le receveur des contributions.
Ajouter aux [inculpés] déjà indiqués par les anciens rapports le duc
de Loches ^ [sic).
Ecrit le 3 messidor au commissaire de Bordeaux.
Louis 2, menuisier, vis-à-vis le commissariat de police à Bordeaux.
Initié dans les affaires. Bavard, qu'on peut faire parler, en feignant
devenir de la part de M'"^ de Donnissant.
Ecrit, le 4 messidor, pour le citoyen Louis.
Correspondant de l'Institut de Bordeaux à Paris : un Léon Du-
bois, chirurgien.
(F' 6256.)
53. — [Paris], 8 messidor an VIII (27 juin 1800). Desmarets
au préfet de la Gironde, Thibaiideau.
(Minute . )
<( J'ai reçu, citoyen préfet, votre lettre du 3 courant, en réponse
à celle que je vous adressai par un courrier extraordinaire en date
du 29 prairial.
« Les renseignements quejevousai transmis sont positifs et incon-
testables. Le caractère et la situation particulière des personnes qui
me les ont communiqués, qui ont été initiées dans le plan général
et qui ont lu la liste des agents désignés et vu la commission royale
de Dupont, des aveux et des révélations importantes^, des correspon-
dances saisies qui ont coïncidé avec leurs renseignements % ne m'ont
point laissé de doutes sur une vaste organisation du royalisme dans
l'intérieur de la République et ont déterminé les mandats que j'ai
lancés sur les chefs dans votre département.
« L'activité que vous avez apportée à leur exécution m'assure que
l'affaire sera suivie avec soin ; et si l'instruction préliminaire est
bien conduite, si les recherches ont été faites avec toute l'attention
qu'exigeait l'importance de l'objet, vous obtiendrez des données qui
établiront la réalité du complot et convaincront les coupables.
« C'est ainsi qu'en saisissant à Paris les chefs du Comité anglais"^
1. Duc de Lorges,
2. Hagry. voir l'Introduction, son arrestation en thermidor VU.
3. Voir l'ovant-propos, p, 43 et 44.
4. Une seule lettre fort obscure au dossier, adressée & une inconnue, « Marie », et
non signf'c. •!« crois iiuitlle de In publier.
5. Voir l'Introduction de la Conspiration anglaise.
50 LA DÉCOUVERTE
qui avaient fait disparaître toutes les pièces de conviction, je suis
arrivé par suite aux divers dépôts qui recelaient ces pièces.
« Je compte donc sur tous vos soins et sur ceux du commissaire
général pour les recherches ultérieures relatives à cette intrigue.
« Il est possible que, dans un certain nombre d'arrondissements,
on n'ait encore fait qu'instituer les chefs et former les cadres. Peut-
être aussi les agents que je vous ai désignés n'ont-ils encore réalisé
et mis en action aucune partie de leurs plans, de manière à rendre
palpables les faits à leur charge...
« Quoi qu'il en soit, vous n'en aurez pas moins frappé un coup
décisif, en déconcertant ces agents et en mettant leur intention à
découvert, en même temps que vous aurez ralenti l'audace que
semblait leur donner partout l'apparente inactivité de la police. »
(F' 6256.1
54. — 9 messidor an VIII. Desmarets au commissaire Pierre,
(Résumé de la minute.)
Il l'engage à rechercher Papin; il pense que Maignol arrêté est le neveu du
chevalier Maignol ^ qui est, paraît-il, à Paris et qu'on recherche.
Le commissaire Pierre pourra faire élargir Maignol ainsi que Brochon -.
55. — « Paris, 8 messidor. Extrait des renseignements re-
cueillis par le général commandant la 11^ division militaire
(Dufour) et transmis par lui au ministre de la guerre. »
(Copie signée de Carnot.)
« Il est sûr que les royalistes conspirent contre la liberté ; ils ont
des agents sur tous les points de la République ; il se fait des amas
d'armes et de munitions, des enrôlements secrets qui sont favorisés
par les ci-devant seigneurs, les émigrés et les prêtres déportés ren-
trés. Leurs places d'armes dans ce département sont les environs de
Sainte-Foy et de Bazas Le bureau principal de correspondance est
à Bordeaux, sous la direction des nommés Olivier, Lebrun et Chai-
gneau, ce dernier signataire du journal le Spectateur de Bordeaux.
La caisse y est vraisemblablement aussi.
« Le corps des enrôlés de Bazas est composé de réquisitionnaires,
de conscrits, de déserteurs et de paysans, des ci-devant seigneurs,
1. Agent de l'Institut dans le Médoc.
2. Extrait d'un article nécrologique sur Brochon par l'avocat Ferrère, dans les
Etrennes royales de 1815, p 198 : « Son zèle actif pour le rétablissement du Trône
l'exposa aux plus grands dangers. En 1799 un ordre de Bonaparte le fit traduire
dans les prisons à l'âge de 70 ans, comme prévenu de conspiration roj'ale. La ville
entière réclama un de ses meilleurs citoyens. Un cautionnement de près d'un mil-
lion souscrit en quelques minutes abrégea sa captivité. »
DU COMPLOT BORDELAIS EN L'AN VIII 51
environ 2.000 hommes armés et équipés ; les chefs se rassemblent
très souvent, et toujours la nuit, dans un bois voisin de Bazas. Le
plus marquant de ces chefs et le plus actif paraît être le ci-devant
marquis de Lanzac\ qui a pour agent immédiat un nommé de Pau,
instituteur, homme sans considération personnelle, sans mœurs, et
qui ne peut être devenu le confident du marquis que pour servir ses
projets contre-révolutionnaires...
« On a vu un armurier, connu par sa haiiie pour la Révolution,
aller régulièrement tous les jours chez de Pau et tous les deux faire
de fréquents voyages au Rocher-Taillade, chez le marquis de Lanssac
(sic). Le valet de chambre de ce dernier est venu souvent chez de
Pau en cachette. Celte liaison est d'autant plus remarquable que ce
de Pau, relégué jusqu'à présent dans la classe la plus obscure des
plébéiens et justement méprisé pour son immoralité crapuleuse,
n'avait aucune espèce de rapport avec la maison de Roque-Taillade.
Les différents châteaux qui sont dans ce pays doivent renfermer les
armes et la correspondance; mais la plupart sont des espèces de
forteresses dans lesquelles il est difficile de rien découvrir, à moins
qu'on ne fît des fouilles très exactes.
« Le juge de paix de Bazas, Pierron, est totalement dévoué à ce
parti...
« Le lieutenant de gendarmerie Mayeras est initié dans tous les
secrets de la bande ; il connaît tous les émigrés et les prêtres
déportés rentrés, et il les prévient exactement de toutes les mesures
prises contre eux. . Le maire qui vient d'être nommé pour la com-
mune de Bazas, Malot, est un de leurs plus chauds partisans... ; un
adjoint est dans les mêmes principes...
« Tout était prêt pour commencer le mouvement dans la quinzaine
des ci-devant fêtes delà Pentecôte-. Ils n'attendaient que la nouvelle
du débarquement des Anglaisa Quiberon -^ débarquement qui leur
était connu depuis quelques jours. Ils devaient se porter sur Bazas,
égorger tous les républicains, et surtout les acquéreurs de biens
nationaux, s'emparer des caisses publiques. Le pillage était promis
à tous les paysans qui prendraient part à Tinsurrection et, dans le
cas où le mouvement n'aurait pas pu réussir, ils devaient se disperser
sur-le-champ. Ils étaient munis de passeports. De Pau avait pris le
sien pour Paris. »
(Transmis par Carnot, le 11 messidor an VIII.)
Au-dessous de la lettre de Carnot, note de Desmarels : « Remercier
1. Lan sac bu Lanzac. Voir VArmorial de Guyenne.
2. Le 1" juin 1800, fèU» dv lu PeulecAte.
3. Tciilalives de lord Muiiluiid sur Purt-Navalo et Quibcron. Voir Martel, /\(c(-
fieation de l Oueit, p. 235 et 262. Exécution prématurée du plan de Caduudal.
52 LA DÉCOUVERTE
le ministre, le général Dufour ; ordre parti, le 29 prairial, pour
faire arrêter les chefs des conjurés. »
(F^ 6256.)
B. — LES PIÈCES SAISIES CHEZ COSSE e/ les interrogatoires.
Je publie in extenso l'analyse de ces pièces, faite par le commissaire de
police Pierre, à la suite de son rapport du 19 messidor an VIIL
Je joins entre crochets des extraits de ces pièces. Comme le rapport de
Pierre, elles ont été conservées aux Archives nationales (F"' 6256).
On en trouve une partie dans la Conspiration anglaise et dans l'Essai.
56. Pièces saisies chez Cosse,
— Pièce 1. Le « Bulletin de Lyon de ce jour, «ans date. Les nou-
velles qu'il contient sont toutes défavorables. On y annonce comme
certaine une descente des Anglais sur la côte de Bretagne.
(( Il paraît qu'il existait un bulletin des nouvelles qui se distribuait
à jour fixe. »
— « La pièce 2 est une note d'objets à faire. Elle est de Técriture
de Dupont et la copie en a été envoyée au ministre de la police. »
[« 1° La liste des aides et adjoints de l'arrondissement de M. Caudeval.
« 2o L'état de la subdivision de Pessac.
« 3" Recommander de faire des réceptions pour remplir promptement les
cadres des compagnies.
« 4° Ecrire à M. Durand de nous envoyer l'état de Vayres, Contran et
Brannes. »]
— « La pièce n° 3 est un discours sur l'existence de l'Institut des
Amis de l'ordre : parmi les vrais et purs royalistes, il indique les
qualités requises pour y être admis et le serment prêté par les socié-
taires. Cette pièce est de l'écriture de Cosse, qui maladroitement
prétend l'avoir copiée sur un papier déchiré qu'il a trouvé dans la
rue, il y a six mois. »
— « Les pièces n°^ 4 et 5 sont une note et une lettre dont la copie
a été adressée au ministre. Le premier est de l'écriture de Dupont et
le second, signé Périgord \ est une lettre précieuse ».
[Pièce 4. « M. Caudeval est prié de mettre en activité M. Devospour les
sections qui le compétent, ainsi que les subdivisions. Il voudra bien faire
écrire sur-le-champ à M. Durand (de VajTcs) pour le prier de nous envoyer
son état, celui de Brannes et celui de Fronsac ^... Il devra nous dire aussi
1. II est difTicIle d'identifier ces noms, qui sont pour la plupart des noms de con-
vention (philanthropiques).
2. Vayres, Fronsac et Branne, (ces deux derniers ch.-I. de canton), sur la Dordogne,
ou auprès, autour de Libourne. Contran, peut-être Coutras.
DU COMPLOT BORDELAIS EN L AN VIII 53
si M. Malescot * a accepté et s'il est en activité. Il faut écrire aussi à
M. Périgord aîné pour lui demander ses états... M Caudeval voudra bien
nous envoyer un état au moins approximatif de la subdivision extra-muros
de Pessac »
Pièce 5, lettre de Périgord aîné [sans doute adressée à M Caudeval, que
Dupont avait chargé de lui demander ses états], datée du 8 juin 1800, s. 1.
« Monsieur [Cassol cadet], ami de M. Servan ^, [est porteur j du tableau en
retard. . . Je n'ai pu m'étendre sur les observations de ce tableau ; il est
certain que tout dépendra du nom et de la réputation de celui qui sera envoyé
pour conduire lafifaire. La présence d'un prince ébranlera tout. Ainsi le ta-
bleau n'est que par aperçu. Il y a peu de fusils de munitions; nous avons ou
nous aurons quelques petites pièces de campagne ; le reste des armes est en
fusils de chasse. Nous n'avons aucune espèce de munition ; veuillez combi-
ner cet article avec M. Cassol, afin de nous munir, s'il est' possible.
M. Servan connaît ses talents militaires, sa réflexion, sa prudence et son
sang-froid dans l'action ; il n'est d'ailleurs qu'à une heure et demie de
distance de Libourne. Il a des occasions d'aller dans cette dernière ville
toutes les semaines ; en outre, comme maire de la commune, il peut pa-
raître plus facilement. Je crois que ce choix sera parfait. Veuillez lui faire
part de ma réflexion... Faites-lui avoir une entrevue avec M. Constant^...
« Je continue toujours mes voyages à Libourne ; toujours même incons-
tance... Je n'écris point à M. Servan. Veuillez être mon interprète auprès de
lui... »]
— « Les pièces 6^, 7^, 8% 9^, lO'' et 11^ sont des pièces qui parais-
sent toutes relatives à la Maçonnerie... Celle n° 11 est un discours
fait et écrit par Cosse, provoquant l'expulsion de la loge de tous
ceux qu'il désignait comme terroristes... La 12^ est la liste des
dénonciateurs, hommes de sang... La 13^ contient des plaintes de
lâcheté et de pusillanimité de quelques Messieurs initiés à l'Institut,
à l'annonce de l'arrivée de quelques gendarmes dans une ville qui
n'est pas Bordeaux et sur l'indiscrétion de quelques-uns.
— « La 14e est de l'écriture de Dupont et copie en a été envoyée
au ministre de la police. »
[« M. Caudeval est prié d'écrire : 1° à M. Périgord, pour demander ses
états ; 2° à M. Durand pour lui demander le sien, ainsi que celui de M Cle-
menceau et de M. Magnol * ; il s'informera et nous fera savoir si M. Malinot"*
a accepté et est mis en activité .. »]
— « La 15*^ contient des noms sur lesquels il m'a fixé dans son
interrogatoire. La 16^ renferme le nom de Tascher de la Pagerie,
1. Voir ci-dessous, parmi les royalistes décorés du Brassard, de Malescot et Durand
(Jacques et Jean).
2. Papin.
3. Dupont.
4. Clemenceau et Maignol de Mataplan, décorés du Brassard.
5. Malescot.
54 LA DECOUVERTE
écrit de la main de Cosse sur l'adresse du citoyen Caudeval, à
Bordeaux. D'après la déclaration de la citoyenne Soubardière, du
7 messidor, sur ce qu'a dit Cosse dans son interrogatoire y relatif, il
paraît, d'après le mot Tascher de la Pagerie, qu'il sait ce qu'est
Caudeval, dénommé souvent dans les actes de Constant i.
— « Les 17% 18^, 19*" pièces convaincantes dont copies au ministre
de la police. »
[Les deux premières sont les tableaux demandés par l'intermédiaire
de M. Caudeval à Pérîgord aîné (voir pièces 2, 4, 5 et 14), tableaux
indiquant « les hommes à pied et à cheval », les « espèces d'armes » et les
munitions des communes de Léognan, Martillac, Saint-Médard, Cadaujac,
Villeneuve, Castres, la Brède, Saint-Selve, Saint-Morillon, Cabanac, etc.,
appartenant aux cantons de Saint-Médard d'Eyran (armée auxiliaire) et de
Castres -.
On y voit que Léognan et Martillac compteraient 4-SO hommes à pied et
^ à cheval; Castres, la Brède et Saint-Selve, 5 hommes à pied ; ce sont les
seules communes (sur 16) qui peuvent fournir des soldats à l'armée
auxiliaire. On ne disposerait que de 100 fusils de chasse 1 de munition.
10 paires de pistolets dans le canton de Saint-Médard, 5 fusils de chasse et
1 sabre dans celui de Castres. Des observations sont jointes à ces tableaux.
Dans le canton de Saint-Médard, « à une poignée de factieux près, qu'il
sera facile d'anéantir, on peut compter sur la masse générale de la popula-
tion. » Au contraire, dans le canton de Castres, « le canton fourmille,
comme bien d'autres, de mécontents, et de gens disposés à revenir, s'il
se peut, sous un autre régime ; mais comme ce canton n'est composé
en grande partie que de bas peuple, o/î ne trouve personne qui soit entièrement
décidé. ))
La pièce no 19 est une circulaire adressée par Dupont aux présidents de
l'arrondissement les prévenant que « le général s'occupe en ce moment de
la réorganisation de la compagnie d'artillerie ; il lui manque un militaire
capable de la commander »... « Vous voudrez bien, en conséquence. Mes-
sieurs, vous occuper sans délai de la recherche d'un officier d'artillerie digne
du grade de capitaine, et nous le désigner dès que vous l'aurez trouvé. » La
circulaire est datée du 24 mai 1800.]
— « Pièces 21®, 22®, 23®. Lettres du commissaire du roi, Constant,
contresignées par le secrétaire général Tristan ''\ dont les copies ont
été envoyées au ministre. Elles sont précieuses pour la conviction
de l'existence du complot. »
[La première adressée aux présidents d'arrondissement et datée du 26
avril 1800 : « Le moment approche, écrit Dupont, où je dois m'occuper du
1. Aucun éclaircissement à ce sujet dans le dossier de F,, 6256.
2. Ces communes, situées entre Bordeaux et la Brède, excepté Saint-Morillon et
Saint-Selve, au sud de la Brède. Aucune n'est chef-lieu de canton. Duchesne de
Beaumanoir fut maire de Martillac.
3. Mathieu de Boissac,
DU COMPLOT BORDELAIS EN L'AN VIII 55
résultat du mouvement que vous avez dû imprimer pour l'exécution des
opérations qui vous ont été confiées.. Vous devez vous renfermer exacte-
ment dans le cercle de votre arrondissement pour Vadmission des candidats
qui se présentent ; il conviendrait même que vous établissiez plusieurs
aides vers lesquels vous les renverriez pour leur réception. . Il serait à
propos que vos subordonnés vous rendissent journellement compte, et qu'ils
veillassent scrupuleusement sur la conduite et les mouvements des jacobins
qui nous entourent. Je suis averti qu'ils agissent... Vous jugez combien il est
important de n'être point arrêté dans l'exécution rapide du mouvement qui
devra bientôt avoir lieu. »
La seconde lettre est adressée aux administrateurs de subdivision, et
datée du 5 mai 1800. Elle invite les « Amis de l'ordre », que le gou-
vernement désigne pour occuper les places publiques, à les « accepter
et même à mettre dans l'exercice des fonctions auxquelles ils sont appelés
toute l'exactitude, le zèle et l'intrépidité nécessaires pour conserver leur
place et justifier en apparence le choix qu'on aura fait de leur personne.
Cette conduite nous est prescrite... par une politique bien entendue
et se concilie parfaitement avec les intérêts et les vues de Sa Majesté, tandis
qu'une inflexibilité de principes et une obstination mal entendue ne
tendraient qu'à perpétuer l'exécrable domination des factieux qui jusqu'à
présent n'ont fait que déchirer la patrie. MM. les présidents d'arrondissement
communiqueront la présente aux agents de ÏInstitut dans toute l'étendue du
département. » Au verso de la pièce, une note de Dupont annonce que les
hostilités sont très vives en Italie, que Masséna est enfermé dans Gênes * :
« Serait-on assez heureux, ajoute Dupont, pour le forcer à se rendre
prisonnier: ou les Français sont-ils assez en force pour l'aider à se dégager?
C'est ce qu'on ne peut savoir à la distance où nous sommes de ces lieux. »
La troisième lettre est adressée aux présidents d'arrondissement et datée du
1er juin 1800. « D'après les avis que j'ai reçus, Monsieur, écrit Dupont, nous
approchons du ternie de la carrière glorieuse que nous suivons depuis plusieurs
années : le mouvement intérieur, m'assure-t-on, ne tient plus qu'à la reddition
de Gênes, qui ne peut pas être éloignée. On dit même cette place importante
au pouvoir des Autrichiens depuis le 9 mai, mais il n'y a rien encore à
cet égard de positif. )) Dupont se plaint que « les compagnies de ligne ne
soient pas aussi nombreuses qu'elles pourraient l'être dans une ville aussi
populeuse que Bordeaux, et que les compagnies auxiliaires ne soient pas
encore complètes. . Devrait-il exister même un seul honnête homme à
enrôler dans cette ville !... L'époque du dénouement approche. Gardons-nous
d'une lassitude ou d'une indifférence qui nous ferait perdre le fruit de
quatre années de travail. » Il faut remplacer tous les aides qui manquent,
destituer et remplacer ceux {jui ne remplissent pas leur devoir, faire
compléter le plus tôt possible toutes les compagnies soit de ligne, soit auxi-
liaires, et en former même de nouvelles. Pour peu que les aides mettent
du zèle et de l'activité dans l'exécution de leurs fonctions, il n'est pas rfo«-
tcux que l'armée ne soit portée en moins d'un mois à plus de quatre mille
hommes de toute arme -. »
1. Le siège dure du 6 avril au 4 juin 1800.
2. A Bordeaux ou dans les environs. Voir l'Introduction, p. xxui.
56 LA DÉCOUVERTE
A la suite de cette pièce est publiée dans la Conspiration anglaise une
courte note écrite par Lavalette et trouvée chez Dumas ' : « M. Qu- ... est venu
me faire part de l'intention où vous êtes de donner de nouveaux commandants
à la cavalerie qui était déjà organisée. »]
« La pièce n° 24 renferme d'un côté des adresses de deux individus
avec lesquels Cosse a eu vraiment des affaires ; de Tautre des noms
écrits au crayon par le prévenu pour des fonctions à remplir dans
l'organisation du nouvel ordre de choses.
« La 25*^ contient les mêmes désignations et de la même main.
« La 26^ est une procuration, etc.
«... Il est à remarquer que les pièces n°^ 17 jusqu'à 26 se sont
trouvées dans un petit porte-feuille de maroquin que le prévenu
reconnaît être à lui et que lui seul a pu ouvrir ; et que ces pièces sont
en partie les plus précieuses. »
57. — Les interrogatoires de Dupont-Constant 3.
(Analyse et extraits.)
Dupont subit trois interrogatoires, les 2, 5, 14 messidor. Dans le premier,
après avoir fait connaître ses nom, prénoms, âge, lieu de naissance, domi-
cile et profession, il répond avec beaucoup d'habileté aux questions que lui
pose Pierre : il a fondé, dit-il, il y a 15 mois, une société de commerce, comme
agent de change, avec le citoyen Hilaire Guichard ; mais son associé ne fai-
sant que compromettre les fonds, la société fut dissoute au bout de deux
mois. Pendant les deux mois qu'elle a duré, il n'a pas fait l'échange des
monnaies étrangères, d'Angleterre, Prusse, Espagne, etc., et s'est borné à
négocier le papier de la place. Il n'a aucune connaissance que son associé
ait été membre de la société connue sous le nom d'Institut. Il n'est lui-
même ni membre ni directeur de cette société ; « il n'est d'aucune société,
vivant isolément avec son épouse et ses quatre enfants. » Il ne connaît pas
les personnes qui fréquentent sa sœur, la veuve Duval, et ne croit pas qu'elle
ait jamais reçu chez elle des prêtres réfractaires. Il connaît l'avocat Brochon
père, parce qu'il était son voisin dans la rue de l'Intendance, il y a un an ;
alors il le voyait habituellement, mais il ne l'a pas revu depuis trois mois.
Il connaît le musicien Cosse, parce qu'il était son voisin lorsqu'il habitait
aux allées d'Albret et parce qu'il est venu deux ou trois fois chez lui « pour
accorder la guitare de son épouse ». Il n'a pas entendu parler du prêtre de
Lyon, Lacombe,nideson secrétaire, le citoyen Florac. Il n'a eu que des relations
d'agent de change avec Dumas, agent de change comme lui, avec son commis
Lavalette, avec le négociant Papin qu'il a vu à la Bourse ; il ne connaît
1. L'agent de change dont Lavalette est Temployé. Voir la liste des royalistes dé-
corés du Brassard, ci -dessous.
2. Sans doute Queyriaux aîné .
3. Il me paraît inutile de citer in extenso ces interrogatoii'es qui n'offrent absolu-
ment aucun intérêt, bien qu'ils soient très longs ; Dupont ne fournit aucune explica-
tion à la police, assez complaisante d'ailleurs, sur l'intrigue de l'Institut à Bor-
deaux.
DU COMPLOT BORDELAIS EN L'AN VIII 57
aucunement le citoyen Brusié. La lettre saisie dans ses papiers, lettre adres-
sée de Limoges au citoyen Saint-Prix, Américain, rue du Hâ, par le citojen
Larivière, le 20 nivôse dernier, et annonçant que Larivière fait passer par
la voie du courrier 3.600 livres tournois à Saint-Prix, lui fut envoyée par ce
dernier, avec la modique somme de 12 ou 15 francs qu'il lui devait : il
ignorait le contenu de la lettre. Il n'a jamais entendu parler du citoyen Léon
et n'est pas entré en relations avec Mn'e de Donnissan-Lescure. Il n'a pas
connaissance d'un projet « tendant à organiser la monarchie au sein même
de la République », ni de « quatre commissaires généraux chargés par
le Prétendant d'inspecter les ci-devant provinces d'Aunis, Gascogne, Péri-
gord, Landes, etc. »
Il n'est « pas d'étoffe )) à entrer en rapports avec le duc de Durfort ni
avec le duc d'Havre. Il n'a pas vu depuis un an le père du citoyen Kirwan,
qui est propriétaire du journal le Sp éclateur de Bordeaux. On ne peut
l'accuser d'avoir voyagé en Europe et notamment en Russie, à Mittau, car
il n'a pas quitté Bordeaux depuis 1795, ni d'avoir de pleins pouvoirs du
Prétendant, car il ne s'occupe que de faire valoir sa petite fortune (50.000 fr,).
Il avoue, d'ailleurs, qu'il est l'oncle du citoyen Pierre Dupont, arrêté en
thermidor dernier, et remis en liberté.
— Le 5 messidor, interrogé parle commissaire général de la police, Babut,
il nie connaître l'existence des « compagnies auxiliaires de Bordeaux »,
l'Institut, le serment exigé de ses membres, les réunions clandestines des
royalistes, les états de l'armée auxiliaire envoyés par les divers cantons de
Bordeaux, l'organisation des présidents d'arrondissement, de la compagnie
d'artillerie auxiliaire, l'époque où le complot conçu par l'Institut devait être
exécuté, la liste des aides et des adjoints de l'arrondissement de Bordeaux,
MM. Caudeval (Codebal), Durand, Périgord, de Malescot, Tascher de la
Pagerie, Tristan, Constant, Servant, etc. Il ne reconnaît même pas son
écriture et sa signature dans la pièce n'^.lO saisie chez Cosse.
Un seul passage de cet interrogatoire nous intéresse, en ce qu'il peut nous
aider à connaître le nom du personnage qui a livré les secrets de l'Institut.
I. — « S'il ne connaît pas un nommé Bayard et s'il n'a pas entendu parler
d'une indiscrétion commise par quelque sociétaire de l'Institut ?
R. — <( Qu'il ne le connaît pas; qu'il n'a nulle connaissance delà deuxième
question.
I. — « S'il connaît le nommé Clemenceau ?
R. — « Qu'il en a entendu parler comme d'un fonctionnaire public, mais
qu'il ne l'a jamais vu.
I. — « S'il n'a pas entendu parler des difficultés que ferait M. Malescot
d'accepter la place de commissaire général du roi ?
R. — « Qu'il l'ignore absolument. »
Dupont prétend aussi n'avoir aucune relation avec des individus que la
police regarde comme ses agents en dehors de Bordeaux : M. de Saint-Laurent,
Latour, à Pessac, Pénicaud à Mérignac, le marquis de Lansac à Bazas, de
Luccemond, ancien capitaine de cavalerie, à Martillac '.
— Nouvel interrogatoire, le 14 messidor. La police avait interrogé le
1. Je ne vois que Latour parmi les membres du Brassard.
58 LA DKCOUVERTE
traiteur Pouget, chez lequel les conspirateurs se réunissaient, et son inter-
rogatoire, « quoique négatif », pouvait être intéressant pour l'instruction
de cette affaire. Elle avait saisi chez Dupont des pièces dont deux au moins
avaient attiré son attention : l'une, tableau des citoyens composant la
compagnie n«^ 5 du 7e bataillon du centre ; l'autre, contenant des chiffres
(106.888 fr. 50) et aussi des mots en abrégé, indiquant vraisemblablement les
dépenses que les 106.888 fr. avaient servi à payer, impressions, appointe-
ments et salaires, cannes, etc.
Dupont se contredit dans quelques explications qu'il fournit sur un dîner
qu'il avait donné chez Pouget récemment. Il affecta d'ignorer le nom des
personnes qu'il avait invitées, en réduisit le nombre, prétendit que le citoyen
Sabès, militaire [un des organisateurs de l'armée de Papin] *, avait été amené
à ce dîner par un de ses amis. Ses explications sur les deux pièces saisies
chez lui présentèrent aussi peu de vraisemblance.
Ne retenons de cet interrogatoire que le passage suivant, intéressant, car il
nous fait connaître les personnes que la police soupçonnait de connivence
avec Dupont.
I. — « S'il ne connaît pas les citoyens Latour, pharmacien aux Chartrons;
Alexandre 5cr/;n'n, rue Sainte-Thérèse, n" 17, aux Chartrons ;Sa&ès, rue Brutus,
nf> 5 ; Lelellier, rue Saint-Seurin ; Tavernier, rue Désirade ; Marcarteau, rue
Castelnau ; Speau^ rue Sainte-Catherine ; Lamarqiie , marchand de vins aux
Chartrons ; Planette, rue Rotaillon ^, et s'il ne s'est pas trouvé quelquefois
avec ces individus, soit chez lui, soit chez aucun d'eux, soit ailleurs.
R. - - « Qu'il connaît les citoyens Latour, Sabès et Letelliery mais qu'il
ne connaît aucun des autres et qu'il ne s'est pas trouvé soit chez lui, soit
chez aucun des trois individus qu'il vient de nommer, soit ailleurs avec eux,
si ce n'est qu'il a quelquefois acheté des drogues au citojen Latour, pharma-
cien, pour un de ses enfants qui était malade. »
(F' 6256.)
58. — Interrogatoires de Cosse, 4-6 messidor VIII.
(Analyse.)
Le musicien Cosse se renferme comme Dupont dans un système de déné-
gation absolue, mais il est moins habile, et ses réponses manquent parfois
de vraisemblance.
Dans son /er interrogatoire cependant (4 messidor), il répond avec assez
d'aisance aux questions que lui pose le secrétaire général de police, Babut.
A-t il fait des voyages depuis un an? — Un seul à Agen, pour trouver des
leçons dans les pensionnats. — N'a-t-ilpas reçu des lettres à son adresse ou
sous des noms convenus pour les distribuer à d'autres personnes ? — Il ne
reçoit de lettres que de son frère et très rarement — Ne s'est-il pas occupé
d'entreprise d'équipement ou d armement ? —Jamais. — De « propager
l'instruction dans la ville ou dans la campagne »? — Encore moins. — De
colporter des journaux ? — Pas davantage.
1. Voir Introduction, p. xxii.
2. Voir Latour, Seguin, Lamarche, Planet, parmi les royalistes décorés du Bras-
sard et Letellier parmi les membres de la Légion d'honneur.
DU COMPLOT BORDELAIS EN L AN VIII 59
Connaît-il l'Institut, les conditions d'entrée dans la société, le lieu de
réunion, les membres, les commissaires généraux, les chefs, comme Lacombe
ou Florac, l'organisation militaire, etc. ? — Non ; il a simplement entendu
parler de l'Institut, mais pas depuis cinq ou six mois. — Babut cite plu-
sieurs personnes soupçonnées d'en faire partie. — Il a entendu parler d'elles :
de Brochon comme avocat, de Papin comme militaire, de Magnol comme
amant de la comédienne Latapy, mais il n'a pas de relations avec elles.
Il a vu Dupont en voisin ; il est allé chez lui pour accorder la guitare
de sa femme
Mais dans son second interrogatoire, 6 messidor, il lui est plus difficile
d'expliquer la provenance ou le sens des pièces trouvées chez lui. Il refuse
de reconnaître comme lui appartenant les principales (p. ex. n'^s 14, 17, 18,
19 20 21, 24, 25), celles qui intéressent surtout la société dont il est
membre, sous le prétexte qu'elles ont été introduites dans le paquet qui
renfermait ses papiers, par une ouverture qu'il fait constater. Mais il ne
peut nier qu'il ait écrit la plupart des autres. Aussi prétend-il qu'elles n'of-
frent aucun intérêt: ce sont des chansons ou des rapports d'une loge maçon-
nique dont il est membre ; ou c'est la copie d'un papier manuscrit tout déchiré,
qu'il a trouvé rue Sainte-Catherine (pièce n° 3, Discours sur l existence de
Vlnstitut des Amis de l ordre ; ou c'est le tableau d'une compagnie de
garde nationale dont il était sergent-major en 1790-1791 (pièce n** 9), etc. Il
termine son interrogatoire en déclarant qu'il a été « l'un des plus em-
pressés à signer la Constitution de l'an VIII » .
G. — LES RAPPORTS DE PIERRE ET LA DÉCLARATION d'ÉDOUARD
59. — Premier rapport du commissaire général de police Pierre
au ministre de la police, 7 messidor an VIII (26 juin 1800).
(Extrait.)
... « J'ai fini depuis hier soir d'interroger les prévenus. J'ai
examiné une très grande partie des papiers saisis chez eux. Ceux
qui restent ne me paraissent pas bien importants. Il en résulte que,
dans leur interrogatoire, ils ont adopté un système de dénégation ;
que les papiers trouvés chez Cosse, musicien, coïncident parfaite-
ment avec les instructions que vous m'avez transmises. Quelques
lettres originales dont les dates sont d'avril, mai, juin derniers, deux
états de l'armée auxiliaire des cantons de Castres, Saint-Médard
d'Eyran de la Gironde, des notes informes contenant des noms,
prouvent lexistence d une société d'Inslitut à Bordeaux, dont ils
renvoient cependant rétablissement à l'époque du 18 fructidor
an V, de commissaires du roi, de présidents d'arrondissement,
d'aides et d'adjoints chargés de diriger l'opinion publique et le mou-
vement, la formation de compagnies, et notamment d'une artillerie.
« L'évacuation de Gènes paraissait être l'épociuc choisie par les
chefs pour frapper le grand coup. Mais on se plaint du petit nombre
60 LA DÉCOUVERTE
d'enrôlés, de l'apathie et de l'inactivité des aides et adjoints, du peu
de dévouement du peuple ; leur remplacement par des hommes
dévoués, plus amis de leur devoir, est réclamé.
« Cependant on pense que la présence d'un prince ébranlerait tout.
« Une des lettres, sous la date du 8 juin 1800, offre le nom de
Servan * et, d'après les renseignements qu'on suppose demandés par
ce dernier, je pense qu'on a voulu désigner le général de ce nom,
commandant la 20^ division militaire.
« Il serait peut-être essentiel de saisir les papiers de Labriac, à
Soumensac, département de Lot-et-Garonne. Sa maison était le
quartier général de Servan, et Ton sait que cet homme lui est tout
dévoué et qu'il a fait un voyage, il y a quelques jours, à Bordeaux,
dans l'intérêt de ce général.
(( Enfin, C. ministre, pour vous mettre à même d'avoir une idée de
cette affaire, je vous fais passer ici neuf pièces sous les n°^ 1, 5, 4,
2, 14,17, 18,19,21,22,23.
« Rien n'a présenté Brochon comme complice...
« Les papiers de Papin n'ont rien présenté sur la prévention de
conspiration et de correspondance avec les ennemis extérieurs. Il est
toujours absent.
(( Le rapport général vous fixera sur le sort des autres prévenus. »
(F' 6256.)
60. — Second rapport de Pierre au ministre.
« G. Ministre, — Il était difficile de penser que, sous le gouverne-
ment qui régit la France depuis le 18 Brumaire, l'on pût compter de
véritables conspirateurs contre lui. Cependant rien de plus certain
que l'existence matérielle d'un complot dont le but était le renverse-
ment de la République pour y substituer un roi. Le dépouillement
des pièces saisies chez les prévenus arrêtés à Bordeaux, en exécution
de vos ordres du 29 prairial dernier, les renseignements acquis sur
cette trame ourdie par l'étranger, le caractère et les principes connus
de quelques-uns de ceux qui figurent dans ce plan, les tentatives de
séduction, de corruption, qui ont été vainement employées, tout, en
un mot, malgré le système de dénégation adopté par les prévenus,
prouve que les royalistes s'étaient réunis et organisés à Bordeaux
sous le nom d'Institut des Amis de Tordre ; que cette ville était
divisée en quatre arrondissements dont les présidents étaient chargés
de recevoir ceux qui s'agrégeaient à cette association ; qu'il existait
1 . Le nom philanthropique de Papin (Servant) avait été choisi sans doute à
dessein pour compromettre l'ancien ministre de la guerre, qui commandait à cette
époque la 20^ division, au moins pour dérouter la police. Le général Servan
accusé se défendit avec vigueur. On trouve sa lettre dans F' 6256.
DU COMPLOT BORDELAIS EN L'AN VIII 61
des subdivisions, des aides et adjoints qui, en l'absence des prési-
dents, remplissent leurs fonctions ; qu'un commissaire du roi diri-
geait ce plan ; que des compagnies d'élite, de ligne, de cavalerie,
d'artillerie, étaient organisées et généralement armées de fusils,
pistolets et sabres ; que le parti avait de l'argent et en avait exacte-
ment reçu ; que les noms de guerre et de convention déguisent les
véritables noms des agrégés ; que des signes et des mots de rallie-
ment étaient établis pour reconnaître entre eux les membres de cette
association ; que des rassemblements ont eu lieu chez Pouget, trai-
teur, où des compagnies ont été passées en revue ; que le projet
était, au signal convenu, de s'emparer, au nom du gouvernement,
et sous prétexte de comprimer les jacobins, du commissaire général,
du Château-Trompette, et d'arborer ensuite, quelque temps après,
le signal de la révolte ; que Bordeaux ne devait agir que lorsque les
descentes particulières ou générales des Anglais auraient eu lieu sur
nos côtes et que les départements circonvoisins se seraient montrés ;
que le pillage devait avoir lieu ; que des quartiers et des maisons
étaient désignés et qu'un tiers au moins de ce parti était composé
d'hommes qui, par leurs principes et leurs habitudes, étaient disposés
à exécuter cette indigne violation des propriétés.
« Déjà j'avais découvert les traces de ce complot dont je dési-
rais m'assurer de la réalité, lorsque vos ordres me sont parve-
nus et ont justifié la certitude des renseignements que j'avais
acquis.
« Cependant il paraît toujours que cet Institut est une branche de
la société philanthropique découverte en l'an V, que grand nombre
de sociétaires qui, de bonne foi, voulaient s'opposer au rétablisse-
ment de la Terreur, sont aujourd'hui à leur insu compromis par les
agents actifs de la contre-révolution qui n'abandonnent jamais leurs
délirants projets de renverser la République et ont profité de cette
institution, des règlements, des ordres et de l'organisation établie
pour exécuter leur infâme dessein.
« Les lettres saisies chez Cosse prévenu, sous les dates du mois
d'avril, mai, juin, vieux style, les notes qui s'y trouvent, en prou-
vant la justesse de ces observations, contiennent des plaintes faites
par le chef sur l'inactivité des agents civils établis par lui, sur le
petit nombre d'enrôlés que présentaient les tableaux de l'armée
auxiliaire de Bordeaux et des cantons environnants, sur l'insou-
ciance et l'apathie du peuple à seconder le mouvement (|ui devait
ramener la Royauté. La pénible situation des armées, le succès
passager de l'ennemi, avaient enhardi l'audace de ces incorrigibles
conspirateurs. Déjà, dans leurs criminels projets, le sol de la Répu-
blique était foulé par d'insolents vainqueurs ; déjà hi l^épublique
était anéantie ; déjà leurs vœux étaient accomplis à révacuation de
62 LA DÉCOUVERTE
Gênes, époque que, dans leur délire contre-révolutionnaire, ils
avaient choisie pour frapper le grand coup.
« Mais il est vrai de dire que beaucoup d'hommes qui, il y a un an,
soupiraient après l'ordre et la paix, sont, depuis le 18 Brumaire,
tout dévoués au gouvernement juste, modéré, vainqueur et bientôt
pacificateur qui dirige la République ; que l'exécution de leur trame
ourdie par l'étranger n'eut pas été complète ici : aussi la découverte
et l'arrestation des prévenus de ce complot ont fait une grande
sensation. On ne pouvait y croire.
« Généralement on espère et on compte beaucoup sur la clémence
qu'amène la victoire, la justice el la paix ; on pense que, quoique la
trahison soit mise à découvert, le gouvernement triomphateur des
nombreuses cohortes de l'ennemi, foulant aux pieds cette malheu-
reuse entreprise, en deviendra plus cher aux Français par le carac-
tère de grandeur et de magnanimité qu'il déploiera en cette circons-
tance .. »
(F' 6256, publié dans VEssai de Dupont-Cons-
tant. Voir la suite dans cet Essai.)
61. [Thermidor an Vllt]. Déclaration d'Edouard \
(Extrait.)
(( Le citoyen Edouard a l'honneur de prévenir le gouvernement de
la République française, et particulièrement le C. Bonaparte,
premier consul, qu'il existe une conspiration contre la chose pu-
blique.
« Pour faire agir et exécuter tous ses odieux projets, l'Angleterre
a déjà donné, rien que pour la partie du Dauphiné, Provence, Lan-
guedoc, Vivarais, Gévaudan et Cévennes, une somme de quatre
millions que le cit. Duport le jeune, banquier à Lyon, a reçue et
payée sur les mandats des principaux agents commis pour cela...
Ces principaux agents sont le général Willot, le général Pichegru.
Ces deux généraux ont été faits lieutenants-généraux par Louis XVIIL
Le général Willot a le commandement du Dauphiné, Provence,
Languedoc, Vivarais, Gévaudan et Cévennes. Le général Pichegru a
celui de toute la partie du côté de Bordeaux. Je crois ce dernier
1. Edouard, dit « l'infâme Caroline ». Il se nommait en réalité Fernand Pelage
Duclos de la Morlière. Né à Istre (Bouches-du-Rhône), lieutenant aux gardes du
corps du roi avant la Révolution. En 1800. il était l'agent de Puivert et de Willot.
Edouard commença à cette époque (thermidor an VIII) à livrer le secret de l'intrigue
du Midi. Ce sont ses déclarations qui ont fait arrêter l'abbé Rougier, agent de
Puivert à Gap (1800), et Puivert lui-même il804). L'abbé Rougier fut enlevé par une
bande d'hommes masqués qui le délivra ; mais, certain d'être repris, il se remit
entre les mains de la police et fit des aveux qui contribuèrent aussi à l'arrestation
de Puivert à Paris. Celui-ci, comme le comte de Noyant, garda le silence ; mais
la police le retint longtemps en prison. Voir son Livre déraison. Revue de Paris, \ c.
DU COMPLOT BORDELAIS EN L'AN VIII 63
déjà arrivé, mais caché aux environs de sa destination. La Vendée
doit se rallumer au même moment que les autres points commence-
ront les hostilités, ainsi que Lyon, le Beaujolais, le Forez, etc., aux
ordres de Precil (sic) [Précy] qui doit aussi être à Lyon, mais caché.
Il existe à Lyon un comité de régence à la tête duquel sont les
nommés M. deFlorac^M. de laChassagne^ et autres que je ne
connais pas. Le secrétaire de ce comité de régence est un nommé
M. Manem, connu sous le nom de Magnen, ancien capitaine de
dragons. Il correspondait avec toutes les agences de Marseille,
Avignon, Gap, Digne et autres. 11 a appris dernièrement qu'on avait
arrêté les agents de Bordeaux. En conséquence, il a mis ordre à ses
papiers et s'est caché par précaution.
« A Gap, il y a un nommé l'abbé Rougier-^, qui est un des agents
principaux. Il a beaucoup d'argent dans une cache, des papiers, des
instructions, des magasins de poudre, de blé, de farine, de fusils.
Son adresse est « au cit. Tronchon, ouvrier chez le cit. Rougier,
chef de l'atelier d'armes à Gap », et, lorsqu'il écrit, il se signe
Alexandre.
« Ensuite il y aie marquis de Puitvers* fs/c), fils d'un ancien prési-
dent au parlement de Toulouse. Son adresse est « au cit. Roger ». Il
n'a point de demeure fixe. Tantôt il est à Gap, tantôt à Digne, à
Seyne, à Manosque et à Marseille, où je le soupt;onne à présent.
Sa signature, lorsqu'il écrit, est Picot.
« Lorsque dans la correspondance on parle du général Willot, on
le désigne sous ces mots : « Mon oncle ». Ses deux noms d'adresse et
de signature sont Pansard et Ménard...
« Au comité de régence à Lyon, il y a un nommé Willems, qui
est rhomme de confiance, et un nommé FrancouP, qui fait des
recrues...
« Le général Willot a deux régiments piémontais à ses ordres que
le roi lui donne... Le duc de Berry doit venir sous ses ordres avec
une partie de l'armée de Naples. Le prince de Condé débarquera en
Languedoc avec son armée...
« Le général Pichegru débarquera à Bordeaux (je ne connais pas
ses moyens), et le comte d'Artois en Vendée, avec le duc d'Angou-
léme, et à Lyon M. de Precil [Précy] ^ doit agir en même temps.
1. M. de Floirac, voir Introduction, p. 13, et d'Haulerive, La Police secrète, n° 12L
2. Agent royaliste du Lyonnais. Voir Conspiration de Pichegru^ p. 130
3. Voir d'Hauterive, n<^» 121, 139. Sources, 0258 à G2(>0.
4. Voir, sur Puivert, d'FIauterive, surtout les »«» 121, 351, etc. Sources, F,, G256,
6258.
5. Voir sur Francoul, principal agent de Willot, après 1800, en Provence, d'Hau-
terive, n«» 114, 115, 172, 190. Sources. F, 6259, 6440, 6448.
6. Voir sur Précy (L.-Fr. Perrin, comte de), défenseur de Lyon, la Trahison de
Pic/iegru (consulter l'index), et d'Hauterive, n<» 332,11420, 1611. Sources. F7, 6268à6260.
64 LA DECOUVERTE
« Le chevalier de Revel,filsdu comte de Saint-André*, doit servir
dans cette armée, sous les ordres de Willot. »
(F' 6258.)
62. — 13 thermidor an VIII. Lettre de Desmarets ^ à Pierre.
(Minute.)
« Il m'est parvenu, citoyen commissaire, divers renseignements
sur un plan général de soulèvement des côtes et des frontières com-
biné avec les mouvements des flottes anglaises.
« Ces renseignements ne sont pas aussi précis ni aussi authen-
tiques que ceux que je vous ai transmis sur l'Institut. Il suffit donc
de les suivre avec attention, d'approfondir les faits, et de prendre
ensuite, s'il y a lieu, toutes les mesures que la sûreté publique exige-
rait.
« Pichegru, lieutenant-général pour le roi, doit prendre le comman-
dement de Bordeaux et provinces environnantes. On le croit même
déjà à sa destination et entré du côté de Bordeaux. Des fonds ont été
versés à Lyon pour les opérations, et le banquier Duport jeune paye
sur les mandats des principaux agents.
(( Le parti de Pichegru correspond avec Willot, son collègue en
Provence, etc.
« Willot est désigné dans la correspondance par les mots « mon
oncle ». Son adresse et sa signature sont Pansard et Ménard.
« Les agents se servent pour correspondre de diverses encres
blanches dont je vous transmets la recette et le moyen de faire ressor-
tir les caractères.
« Je vous recommande en même temps de veiller sur les démarches
d'un nommé Vassal de Puvert, chef chouan amnistié, qui vient
de partir pour Bordeaux. Il a fait délivrer ici beaucoup de faux
certificats d'amnistie, et j'ai lieu de croire qu'il est chargé de
mission pour votre ville ou dans le département où il doit prendre
un commandement.
« Il est inutile de vous recommander de vous concerter avec le
préfet. »
(F' 6258.)
63. — Pierre répond à Desmarets le 9 août.
(Extrait.)
... « Je ferai surveiller les démarches du nommé Vassal Purcet
(sic), chef de chouans amnistié, que vous m'annoncez être parti pour
Bordeaux et qui est ici depuis trois jours.
1. Voir sur Saint-André d'Hauterive, n» 121.
2. Cette lettre fixe la date de la précédente, car elle a été certainement écrite
^près.
DU COMPLOT BORDELAIS EN L'AN VIII 65
« Mais comment se fait-il qu'on enlève de Bordeaux la seule troupe
destinée à la police, pour aller sur les côtes, lorsqu'on présume que
Pichegru doit prendre le commandement de Bordeaux ? »
{Ibid.)
D. — l'élargissement des prévenus ; optimisme officiel.
Dès l'envoi de son rapport au ministre de la police, le commissaire
général Pierre conseillait la clémence à l'égard des prévenus. Il écrivait au
frère du premier consul, Lucien Bonaparte, le 25 messidor :
« Je te fais passer sous ce pli une copie de mon rapport envoyée à
Fouché sur les arrestations faites par nos ordres. Je l'invite à y
prêter son attention, et je crois que la clémence sera la plus belle
punition que pourra se permettre le gouvernement iuste et fort. En
déjouant la trame de nos ennemis, nous en avons arrêté l'exécution.
Pardonnons-leur en républicains généreux et contentons-nous de
les surveiller. »
{Essai, p. 221-222.)
De son côté, le préfet Thibaudeau engageait le premier consul à la clé-
mence. Les prévenus multipliaient les pétitions, protestaient de leur inno-
cence. [Voir leurs lettres dans F, 6256, par exemple la pétition du 9 fructidor
an VIIL] On met en liberté d'abord Maignol, propriétaire du Médoc, arrêté
à Paris le 8 messidor, car on l'avait confondu avec l'ex-chevalier Magnol; puis
Dupouy et sa femme, les femmes de Cosse et de Dupont, la sœur de ce der-
nier, veuve Duval, l'agent de change Dumas, etc.
On garda en prison Lavalette, Cosse et Dupont. Mais ces derniers, après
l'élargissement des autres, assurés de l'appui de Pierre, réclamèrent avec
plus d'énergie leur liberté : lettres au ministre du 15 germinal an Vlll, du
28 thermidor an IX, du 1er frimaire an IX. Le commissaire Pierre intercéda
lui-même en faveur de Dupont, malade, pour ol)tenir sa liberté sous caution,
2 fructidor an IX. Le 8 frimaire an X, la police du quai Voltaire fit un rap-
port à Fouché au sujet de cette mise en liberté sous caution. Elle conclut en
faveur de l'élargissement. Le 22 frimaire an X, Pierre annonçait au ministre
qu'il avait mis en liberté provisoire sous caution Dupont, Cosse et Lavalette.
Il joignit à la lettre leur serment de fidélité à la Constitution, daté du 17 fri-
maire. Cosse, Lavalette et Dupont avaient quitté la prison, le 16 frimaire.
Mais ils restaient sous la surveillance de la police. Le l^*" fructidor an X,
ils réclamaient la levée de leur surveillance; le 14 fructidor, Pierre intercédait
en leur faveur; le 27 pluviôse an XI, même requête de Dupont : il veut, dit-
il, partir pour Saint-Domingue; Fouché l'y autorise, le 28 ventôse. Mais
la guerre avec l'Angleterre éclate et Dupont ne peut partir pour Saint-
Domingue.
Il demande alors à se rendre à Paris, 27 fructidor an XII, V.) vendémiaire
an XIII : sa famille est partie pour Paris, y tient un petit commerce ; il veut
la rejoindre. Le commissaire Pierre appuie encore sa requête, le 7 nivôse
66 LA DÉCOUVERTE
an XIII. Nouvelles sollicitations de Dupont, le 14 germinal an XIII, le
6 floréal; ou de sa femme, domiciliée à Paris, rue Feydeau, n» 238, 4 prairial.
Enfin rapport favorable de la police secrète au ministre, le 15 messidor
an XIII. Mais on réclame à Dupont une caution : c'est le notaire De La Ville
qui la fournit. On l'autorise enfin à partir, le 7 thermidor an XIII.
64. — Extrait des Tablettes de Bernadeau, 16 frimaire an X.
« On a mis hier en liberté Gausse, Dupont • et Lavalette, détenus
depuis 17 mois à Bordeaux pour cause de conspiration contre le
gouvernement républicain et accusés d'être les principaux agents
d'un parti qui s'était formé sous le nom de Fils légitimes et qui
s'était secrètement armé et organisé pour faire un coup de main au
besoin. Les preuves ont manqué aux fortes présomptions, mais ce
hors de cour ne les disculpe pas : Quot libérât notaty dit-on en
droit.
(Bibliothèque municipale, Collection hérédi-
taire de mes œuvres : tablettes.)
65 . — Extraits des Comptes moraux 2 du département
rédigés conformément à la circulaire du ministre de la
police générale du 25 messidor an X.
Compte moral pour le 2^ semestre de Van X.
Esprit public. — « Le plus grand calme règne partout et particu-
lièrement à Blaye, à Libourne, et dans l'arrondissement rural de
Bordeaux. Partout on est las des révolutions. On ne s'occupe plus
d'affaires publiques; on ne lit plus de journaux; chacun se contente
et ne songe qu'à réparer sa fortune ou qu'à l'accroître. On ne peut
se dissimuler qu'il existe à Bordeaux quelques têtes échauffées à qui
tous les actes du gouvernement ne plaisent point. La grande majo-
rité, qui toujours donne le ton et entraîne les dissidents en dépit
d'eux-mêmes, se félicite du repos dont elle jouit. »
Compte moral pour le P^ trimestre de Van XL
Esprit public. — « On s'accorde en général sur un point, c'est que
1. Voir sur la fin de la vie de Cosse et de Dupont les notes de l'introduction.
2. Appelés comptes moraux ou de situation, ces documents forment une forte
liasse de la série M des Archives départementales de la Gironde, intitulée : arrêtés
du préfet, imprimés, rapports du piéfet sur la situation du département, 1802-1809.
— Le compte moral est rédigé à partir de l'an XI par trimestre, pour la fin de
l'an X par semestre ; il est divisé, suivant les instructions envoyées par le ministre
de la police, le 5 fructidor an X, en 6 chapitres : sûreté publique, subsistances,
commerce, cuhes, police personnelle, esprit public, observations particulières. —
Les Archives ne possèdent que les minutes de ces rapports de Delacroix, préfet
après Thibaudeau et Dubois, et de ses successeurs ; ces rapports furent rédigés
sans doute par un chef de bureau de la préfecture.
DU COMPLOT BORDELAIS EN L'AN VIII 67
le repos et la tranquillité dont on jouit sont mille fois préférables
aux guerres extérieures et domestiques sous lesquelles on a si long-
temps gémi. Dans un pays que le commerce rendit florissant, tous
les vœux ont sa prompte restauration pour objet. Il est utile que
vous n'ignoriez pas... que la ville de Bordeaux a des ennemis... Les
Bordelais sont, en général, doux, sociables, humains. Un tel carac-
tère est ennemi des agitations. Je dirai plus : quand ils auraient le
génie inquiet et remuant, les opérations commerciales auxquelles
ils sont entièrement livrés leur feraient un indispensable besoin de
calme et de repos...
« L'opinion se rattache au gouvernement. »
Compte moral pour le 2^ trimestre de Van XL
« L'esprit public est bon : on s'attache de plus en plus au gouver-
nement... »
Compte moral pour le 3^ trimestre de l'an XL
Esprit public. — « Le gouvernement est aimé ; on lui tient grand
compte des sacrifices qu'il a voulu faire pour éviter une rupture
avec les Anglais. Tant d'avances insolemment méprisées devaient
réveiller l'orgueil national. Ici plus particulièrement qu'ailleurs on
s'est facilement résigné à la dure nécessité de combattre, et quand
le gouvernement a fait entendre qu'il fallait des moyens extraordi-
naires, la Gironde ne s'est souvenue de ses énormes sacrifices pour
le triomphe de la liberté que pour ne point manquer à elle-même
quand il s'agit de conquérir celle des mers. Elle oftVe au gouverne-
ment 1.000.000 francs pour la construction de chaloupes canon-
nières et d'un vaisseau de premier rang. »
Compte moral pour le ¥ trimestre de lan XL
Esprit public. — « Il est généralement bon, malgré la détresse où
la guerre maritime réduit les habitants de la Gironde. La haine
publique s'accroît tous les jours contre le peuple violateur des
traités. Elle vit dans tous les cœurs. Quelque dillicile que paraisse
l'expédition projetée par le premier consul, on l'a vu exécuter des
plans si difficiles, si glorieux, qu'on ne doute plus de celui qui doit
les couronner tous. »
Compte moral pour le t" trimestre de Van XIL
Esprit public. « — Le gouvernement est respecte ; ses volontés ne
trouvent plus d'entrave. On applaudit aux clVorts qu'il fait pour
triompher du perfide ennemi de notre commerce et de la liberté des
merS. Le résultat de ce grand mouvement est attendu avec une
impatience mêlée d'inquiétude. Si le sort favorise l'expédition à
68 LA DÉCOUVERTE
laquelle le génie préside, il sera impossible d'ajouter à l'enthousiasme
qu'inspirera le premier consul. »
Compte moral pour le 2^ trimestre de Van XII.
Esprit public. — « Tous les vœux sont pour le gouvernement
actuel, soit à cause du bien qu'il a fait et de celui qu'on en attend,
soit pour éviter les crises révolutionnaires inséparables d'un nou-
veau changement. Cet esprit se manifeste dans toutes les occasions...
Toutes les allusions auxquelles donne lieu la représentation des
pièces dramatiques sont saisies avec avidité, surtout quand elles ont
trait à notre situation par rapport aux Anglais. La punition de ce
peuple tyrannique et perfide est attendue avec impatience. Il n'est
point de ville qui vît perdre aux Anglais avec plus de satisfaction le
trident des mers...
(( L'arrestation de Moreau, couvert de gloire, ne fut pas générale-
ment applaudie. On aimait à douter. Mais celle de Pichegru fut un
trait de lumière qui frappa tous les yeux. Leurs complices successi-
vement arraches des divers asiles où ils se tenaient cachés, l'inter-
ception de la correspondance de l'ambassadeur anglais à Munich,
le développement successif des plans de conspiration, ont changé
en mépris l'estime que s'était acquise l'un de nos plus grands géné-
raux. »
Compte de situation pour le 3^ trimestre de Fan Xll.
Esprit public. — ... « Quant aux opinions sur la forme actuelle de
gouvernement, il est difficile d'en faire un tableau bien exact. Les
habitants de Bordeaux applaudissent du plus profond de leur cœur
aux améliorations qui viennent de s'opérer. Elles exciteraient leur
enthousiasme si la paix rendait au commerce son ancienne acti-
vité. »
Compte de situation pour le P^ trimestre de Van XIII.
Esprit public. - «Toute l'attention publique s'est portée pendant
ce trimestre au couronnement de l'empereur et au voyage de Sa
Sainteté en France. L'esprit qui anime la généralité des citoyens est
bon. On ne craint plus le retour des désordres qui ont accompagné
la Révolution. L'hérédité de l'empire mettra la nation à l'abri de ces
crises terribles dont le souvenir cause tant d'amertume. »
Compte de situation pour le 2*^ trimestre de Van XIII.
Esprit public. — « La plus profonde tranquillité régne sur toute
retendue du terrain. Il ne reste pas le moindre germe de rébellion à
Sainte-Foy qui fut, en l'an VII, un théâtre d'horreurs, ni à Lesparre
où s'était formé, en l'an IX, un plan de conspiration royale...
... « C'est à tort qu'on a accusé la jeunesse bordelaise d'avoir fait
des allusions malignes dans les spectacles . »
DU COMPLOT BORDELAIS EN L'AN VIII 69
Compte de situation pour le 3^ trimestre de Fan XIII.
Esprit public. — « On se réunit, on se presse autour du chef
suprême de Tempire. Toutes les espérances reposent sur son génie,
qui paraît maîtriser les événements. Ses succès inespérés ont détruit
le préjugé assez généralement répandu que nous n'aurions jamais la
paix, et déjà le négociant, humilié du repos sous lequel il languit,
brille d'envoyer ses vaisseaux sur les mers. »
Compte de situation pour le 4*= trimestre de l'an XIII.
(( L'esprit public, pendant le trimestre qui a terminé Tan XIII, a
été dans un état peu satisfaisant, sans qu'on soit en droit d en.témoi-
gner de la surprise. On voyait évanouir le grand projet d'une
descente chez la plus implacable ennemie de la Gironde ^ Une nou-
velle coalition, prête à embraser le continent, éloignait jusqu'à
l'espérance de la paix, cette paix après laquelle soupire l'industrie
enchaînée.
« Mais l'espoir s'est ravivé depuis qu'on a vu cette odieuse coalition
dissoute presque aussitôt qu'organisée. Je ne pourrais peindre avec
quelle impatience on attend le héros pour le voir bientôt s'élancer de
Boulogne sur l'île d'où sortent tant de calamités publiques et parti-
culières. »
1 . Surtout après Trafalgar.
CONCLUSION
L'INSTITUT APRES LE COMPLOT DE 1800
* JUSQU'A L'ENTRÉE DES ANGLAIS
ET DU DUC D'ANGOULÊME A BORDEAUX (12 Mars 1814)
A. -~ l'institut et le complot de 1804.
Dans ce temps d'apparente tranquillité, une nouvelle conspiration philan-
thropique s'organisait à Bordeaux. M. Daudet l'a racontée dans la Police et
les Chouans : V Agence anglaise de Bordeaux, p. 141 à 163.
En août 1804, la police de Fouché recevait une lettre du préfet de Nantes
annonçant la réapparition, dans le Bocage, de chouans regardés comme
redoutables : Forestier, Géris, Bertrand Saint-Hubert, et la découverte
d'un dépôt de plomb chez le curé de la Guyonnière, l'abbé Jacqueneau. Les
préfets de la Gironde et des Deux-Sèvres dénonçaient les fréquents voyages
de Louis de la Rochejaquelein. Les déclarations de quelques prévenus arrêtés
à la suite de ces rapports, celle du médecin Gogué (arrêté à Bordeaux avec
Bertrand Saint-Hubert), celle du trésorier du complot, Daniaud-Duperrat,
révélèrent les voyages à Bordeaux de Forestier et de Géris et l'existence d'une
agence royaliste, dans cette ville, agence dont trois membres de l'Institut,
PapinS Acquart-Vreilhac, Roger 2, recevaient des fonds de l'Angleterre
1. Papin, à la nouvelle de la découverte du complot de 1800, s'était enfui à
Paris, où grâce à l'appui de ses amis, Lannes, Augereau, Moncey (chez lequel il
logeait), il obtint de ne point passer en jugement. Il fit même des promesses de
dévouement au premier consul.
Revenu à Bordeaux, il recommença ses intrigues et ce fut lui qui servit d'inter-
médiaire entre Forestier et Géris, en 1804, et les membres de l'Institut de Bordeaux
qu'on voulut instruire du nouveau complot. Il fit loger Géris et Forestier chez
Acquart-Vreilhac. Voir l'Introduction, p. xix, xxn, xxvn.
2. Jean Baptiste Augustin Roger (né en 1770), fils aîné du fondateur de la maison
Marie Brizard et Roger [fondée vers 1764 par Marie Brizard et le gendre de son
frère Martial Brizard, Jean Baptiste Roger]. Roger, membre de V Institut avant 1800,
comme Acquart (Cf. Mémoire historique p. 17, Rollac, p. 212 et M'ue de La Ro-
chejaquelein, p. 231), fut arrêté, le 3^ jour complém. an XII, parvint, grâce aux
démarches de sa mère, à obtenir un acquittement, bien qu'il eût reçu d'importantes
sommes de Géris. (Gf. d'Hauterive, n^^ 293, 338, 363, 387, 433, 461, 515, 520.) Il
vécut en surveillance à Bayonne jusqu'à la fin de l'Empire. La maison Marie
Brizard et Roger fut continuée par ses frères Augustin et Théodore. [Communiqué
par M. Harlé.l
CONCLUSION 71
par un banquier de Madrid, Diego Carrera, qui faisait des traites sur
Bethman de Bordeaux et Batbédat de Bayonne. Acquard-Vreilhac avait logé
chez lui Forestier et Céris ; il avait pour complices des membres de l'ancien
Institut qui voulaient faire insurger les départements du Sud-Ouest, sous le
commandement de Papin et du duc de Lorges, comme en 1800.
Par jugement du 14 décembre 1805, à Nantes, Céris, Forestier, Papin,
Gogué furent condamnés à mort, Acquart-Vreilhac à la détention ; Roger fut
acquitté. Gogué fut seul exécuté, les autres s'étant enfuis.
66. — Paris, l^"" jour complémentaire an XII. Rapport de la
division de sûreté générale au ministre de la police. [Dans la
marge : Vendée, Bordeaux, révolte d'Espagne, conspiration
des Plombs.]
« En recherchant avec attention les agents supérieurs de la trame
dont on a saisi à Nantes les agents subalternes, on ne doit pas perdre
de vue une indication d'un des complices et qui est fondamentale,
savoir que le foyer de cette trame est à Bordeaux et communique
avec l'Angleterre par le Portugal, en traversant l'Espagne. La
division de sûreté générale a indiqué avec quelque certitude les
membres de Fagence de Bordeaux dans la famille Donnissan,
La Rochejaquelein et sa femme, fille de M'"^ Donnissan, veuve du
fameux Lescure. On a rappelé Vaiicien Institut royal de l'an VIII et*
surtout les vues que le duc de Lorges à Londres a toujours eues sur
cette province, que ses deux fils parcoururent en l'an V, déguisés
en marchands, conduisant leur marchandise sur des mulets...
« Un vaste plan est organisé contre le Midi. On veut lier cette
combinaison à la Vendée par Bordeaux et la côte de la Rochelle.
Les expéditions qui se préparent dans les ports de l'Angleterre n'ont
peut-être pas d'autre destination. La trame ourdie récemment contre
Nantes et la Vendée est le produit de cette intrigue, qui a son foyer, sa
caisse et ses moyens principaux à Bordeaux * . »
(Arch. départ, de la Gironde, série M, police générale,
affaires politiques, 1804-8.)
67. — Paris, 20 pluviôse an XIII. Le conseiller d'Etat chargé du
>' arrondissement de la police générale au préfet de la Gironde^
à lui seul.
« Vous savez qu'il a existé, en l'an V, dans le Midi, une association
1. Les deux pircos ((UJ et 67) sont empruntées au dossier du chimiste Cnzulet,
auquel nous avons emprunte déjà une note relative nu duc de Berry. Cnxalet
fut accusé de complicité avec Forestier et Céris, et arrêté en vendémiaire XIII. Ce
dossier est aux Archives départementales de la Gironde, série M. Il est intitulé :
« Police générale, nflaires politiques, an IX, 1804-1808 », non numéroté, comme
toutes les liasses de la série M.
72 CONCLUSION
royaliste connue sous le nom dlnstitut philanthropique ou d'Institut
des Amis de l'ordre. Le nommé Dupont, dit Constant, était, sous le
titre de commissaire général nommé par Louis XVIIL le chef de
cette association. Les députés des difiérents comités ne pouvaient
arriver à lui que par l'intermédiaire d'un ex-apothicaire de la Char-
treuse, auquel ils étaient directement adressés. . .
(( Cette association fut désorganisée par l'arrestation qui eut lieu en
messidor an VIII de plusieurs de ses membres. Dupont, Causse, un
de ses principaux agents, Dumas, Lavalette, Papin et autres furent
de ce nombre. Les papiers constatant l'existence de Tagence et l'or-
ganisation royale qu'elle préparait furent trouvés chez Causse. Ces
individus furent cependant mis en liberté, en l'an X, sous caution...
« Les partisans de Louis XVIII renouvelèrent bientôt leur trame,
mais ils donnèrent leur confiance à d'autres individus. Dès l'an IX,
Forestier parcourut les départements de l'Ouest pour y rétablir les
relations que l'arrestation des principaux membres de l'Institut avait
interrompues. Il s'associa Céris,qui s'était distingué dans les guerres
de Vendée, et le nommé Papin, ancien militaire, officier municipal
de Bordeaux, désigné par les états de l'Institut comme commandant
de cette ville. Papin s'adjoignit, à ce qu'il paraît, Acquart-Vreilhac,
négociant, qui n'avait figuré jusque-là dans aucune des précédentes
associations ^ à moins qu'il ne fût le marchand de sucre de la place
Saint-Pierre chez lequel l'Institut tenait ses séances.
«Onn'avufigurer dans la nouvelle association aucun des membres
de l'ancienpe 2, si ce n'est Papin qui était accusé par la première de
lui avoir soustrait une somme d'à peu près 80.000 francs et qui avait
perdu entièrement sa confiance. »
{Ibidem.)
68. — Requête adressée par Papin au roi Louis XVIIL
(En marge : demande de grade de
lieutenant-général en activité. Le
29 mai 1817, écrit à M. le maré-
chal de camp Papin.)
« Depuis plus de douze ans que je fus condamné à la mort pour
m'étre attaché à la cause sacrée de Votre Majesté, j'ai parcouru les
mers du nouveau monde, j'ai erré dans les contrées les plus loin-
taines, sans presque trouver un abri contre le tyran qui me pour-
suivait. Trois naufrages m'ont enlevé successivement toutes mes
ressources et privent ma famille des résultats de mes longs et dou-
loureux travaux.
1. Inexact. Voir Acquart. Mémoire historique, p. 17 et M™^ de la Rochejaquelein,
p. 231. Un des principaux membres de l'Institut au contraire.
2. Inexact Au moins Acquart et Roger et sans doute plusieurs autres.
CONCLUSION 73
« Mais, Sire, pourrais-je me plaindre aujourd'hui que la Providence,
qui vous a replacé sur le trône de vos pères, me ramène dans le sein
de ma famille pour y vivre sous la protection de V. M. et me conisa-
crer plus particulièrement encore à son service ?
« Je ne craindrai pas de l'avouer à V. M., Sire, c'est la Révolution
qui m'a fait entrer dans la carrière militaire. Elle avait exalté ma tête.
Aussi, lors des premières levées de troupes en 1792, je fus fait, par
le choix unanime de mes concitoyens (malgré que je me refusasse à
cet honneur) lieutenant-colonel commandant un bataillon et confirmé
par le ministre de la guerre. Tel était l'enthousiasme alors qu'au bout
de quatre mois de garnison mon bataillon manœuvrait comme de
vieilles troupes.
« Envoyé dans le comté de Foix, j'apaisai les troubles religieux
qu'on y avait suscités, sans avoir à regretter une goutte de sang.
« La guerre avec l'Espagne me plaça bientôt sur un plus grand
théâtre. Je fus chargé parle général Dagobert de diriger plusieurs
colonnes dans la Cerdagne et le val d'Aran Le général en chef
Muller m'offrit le commandement du régiment de Cambraisis, celui
d'une colonne de grenadiers; je refusai. Nommé agent militaire, j'or-
ganisai les chasseurs basques et divers autres dépôts de troupes.
« Le ministre de la guerre me dirigea à l'armée des Pyrénées-Orien-
tales ; le général Augereau, m'ayant distingué dans diverses occa-
sions, me nomma commandant de son avant-garde, quoique je ne
fusse que lieutenant-colonel. Bientôt après, je fus promu au grade
d'adjudant-général, chef de brigade. Enfin, lors de l'attaque de
Figuières, je pénétrai sous les retranchements à la tête de 6.000 chas-
seurs, et le brevet de général de brigade me fut envoyé.
« Toujours ennuyé deservircontremongré, je récidivai la demande
de ma démission ; elle me fut encore refusée. Alors je prétextai de
ma santé qui ne me permettait pas de continuer le service, et, à
force d'argent, j'obtins enfin mon congé de réforme.
« Quelle fut ma surprise en entrant à Bordeaux ! Le deuil était uni-
versel par suite du sang qui avait été versé. Mon indignation contre
le gouvernement atroce et sanguinaire fut portée à son comble. Mon
cœur était trop droit, j'ose dire, trop pur pour n'être pas révolté à
jamais d'une pareille Révolution. Je résolus donc de m'ensevelir dans
le sein de ma famille et de mes amis.
« Cependant il fallut céder aux vœux de mes concitoyens. Je fus
nommé général commandant la garde générale bordelaise ; j'occupai
successivement différentes places administratives ; je n'ai eu alors
d'autre idée que de servir mes citoyens, et mes concitoyens peuvent
me rendre le témoignage que j'ai souvent empêché le sang de couler
dans cette ville.
« C'est à cette époque, Sire, que je me liai avec les royalistes de la
74 CONCLUSION
Vendée et de Bordeaux. Ils méjugèrent digne d'être associé à leurs
travaux. Et telle fut la confiance que je leur inspirai que je fus désigné
à l'agence d'Augsbourg et nommé général commandant en chef la
province de Guyenne, dans le temps où V. M. en avait nommé gouver-
neur M. le duc de Lorges, homme universellement estimé parce qu'on
l'a toujours vu dans le sentier de l'honneur et jamais dans celui de
l'intrigue. Conformément aux instructions que me communiqua votre
fidèle commissaire, M. Dupont-Constant, je travaillai à remplir les
vues de V. M. avec un zèle qui devait suppléer au talent. J'organisai
dans les formes un corps d'armée composé d'hommes fidèles ; cette
organisation, Sire, était perfectionnée au point queles revues d'infan-
terie, cavalerie, artillerie, se passaient régulièrement et nuitamment
par trimestre, et que ces corps, malgré tant de circonstances décou-
rageantes, se sont toujours considérés comme organisés.
<( C'estalors, Sire, que lepeuple bordelais s'est attaché à votre cause.
C'est avec les braves qui composaient cette organisation que j'ai eu
le bonheur de délivrer plusieurs émigrés, soit en les enlevant des
prisons, des hôpitaux, soit en attaquant militairement sur les grandes
routes les escortes de gendarmerie qui les accompagnaient. Au
moindre ordre, ces braves royalistes se trouvaient au poste désigné
comme des troupes de ligne.
« Quelque longs qu'aient été les malheurs du parti royal, quelques
trahisons qui aient eu lieu, jamais on n'a pu le dissoudre *, et qu'il me
soit permis de m'en glorifier. Sire, c'est à sa tête que le brave mar-
quis de la Rochejaquelein a préparé et fait le 12 mars 1814, journée
dont s'honoreront à jamais les Bordelais et qui a eu une si grande
influence sur les destinées de la France. Hélas ! je n'ai qu'un regret,
c'est de n'avoir pu en partager les dangers ; mais j'étais enchaîné
dans le nouveau monde par des opérations commerciales que je ne
pouvais abandonner sans blesser ma délicatesse.
« Il était impossible, Sire, d'agir aussi activement que je le faisais
et d'échapper à la police. En 1799, on lança contre moi un mandat
d'arrêt; mais comme on ne trouva chez moi ni papier ni preuve, mes
amis obtinrentma liberté; je ne restai pas moins sous la surveillance
de la police pendant deux années. En 1800, je reçus du général comte
deWillot,commandanten chef les provinces du Midi, le brevet de ma-
réchal de camp dontje joins ici copie, ainsi que celle de l'ordonnance
en vertu de laquelle il agissait. Peu après, les espérances des royalistes
furent trompées. Cependant notre zèle fut le même ; aussi un second
arrêt fut lancé contre moi par suite de l'affaire des généraux Pichegru
et Moreau: quoique sans preuve, je fus condamné à mort par une
commission militaire ; je me vis donc forcé d'abandonner mon
1. Le corps d'armée.
CONCLUSION 75
poste, mon pays, mes affaires, mon épouse et mes quatre enfants.
« Mais, Sire, dans cette situation j'ai senti toute la dignité de mes
infortunes, et si jamais j'ai éprouvé des regrets, ce n'est point sur
ce qui m'a attiré tant de maux, car je sens que j'ai fait mon devoir.
« Une suite inconcevable de malheurs m'a empêché d'arriver en
France en 1814. Dans ce dernier moment encore, je revenais sur un
bâtiment à moi, lorsqu'à onze heures de la nuit, à deux lieues de
l'île Ohénéague, entraîné par les courants et la tempête sur les récifs
qui avoisinent cette île, jeTai vu se briser, ma cargaison s'engloutir.
Moi-même, après avoir lutté entre la vie et la mort, j'ai été assez
grièvement blessé pour craindre de perdre la main. Aujourd'hui
qu'elle est rétablie, je viens de nouveau l'offrir à votre Majesté.
L'honneur de vous servir est de toutes les récompenses celle que
j'ambitionne le plus.
(( Qu'il me soit permis. Sire, de rappeler à Votre Majesté que,
depuis seize ans, je suis nommé, en vertu de vos ordres, maré-
chal de camp, que j'ai été condamné à mort pour la cause de V. M.
Et, si elle me juge digne d'une récompense, je la supplie de m'ac-
corder le grade de lieutenant-général en activité de service.
« Je suis avec un très profond respect, etc.
(* Le maréchal de camp ,
Papin.
(Archives administratives de la guerre, dossier Papin.)
69. — Etat des services fourni par Papin [sans doute à la suite
de la requête ci-dessus].
<( Papin E. J., né à Bordeaux le 27 février 1771. Lors de la forma-
tion de la garde nationale à Bordeaux, il fut employé comme sous-
officier en 1789; fit partie de la division commandée par le général
Courpon, qui fut dirigée en 1790 sur Montauban, lors des troubles
de cette ville. Nommé lieutenant-colonel, commandant le 8* bataillon
de la Gironde, envoyé à l'armée des Pyrénées, le 15 octobre 1791,
fut adjudant-général chef de bataillon, le 28 novembre 1794 ; promu
au grade de général sur le champ de bataille de Figuières, grade qu'il
a refusé ; il continua de servir en sous-grade jusqu'au 30 mars 1795.
« De retour dans ses foyers, il fut nommé général commandant la
garde nationale bordelaise. Passé au service du roi dans l'armée royale
de Guyenne, le 27 août 1796 ; breveté maréchal de camp en vertu des
lettres patentes du roi adressées au général Willol, 10 mars 1800. En
cette qualité, commandant en chef l'armée royale en Guyenne.
« Condamné à mort par une commission militaire formée par ordre
76 CONCLUSION
de l'usurpateur, comme étant au service du roi, obligé de se sous-
traire aux poursuites, il se réfugia en Amérique.
« Le général Papin, quoique éloigné de sa patrie, n'a pas cessé de
s'occuper de l'armée dont le commandement lui avait été donné par
le roi et d'entretenir une correspondance aussi active que les cir-
constances le permettaient avec MM. le comte de Lorges, alors gou-
verneur général pour le roi de la Guyenne, le général Willot,
commandant en chef les armées royales, et avec le chef d'état-major
de l'armée de Guyenne» Labarthe, qui l'informait plus particulière-
ment de tout ce qui concernait cette armée, recevait ses ordres et les
faisait passer, ce qui a duré jusqu'à l'entrée du roi en France en
1814.
(( Le maréchal de camp Papin a été confirmé dans son grade par
ordonnance de Sa Majesté en date du 1^*" février 1817; son jugement
a été cassé le 29 avril, même année.
« Campagnes. — A fait les campagnes de 1792, 1798, 1794, 1795, aux
armées des Pyrénées-Orientales et Occidentales, sous les ordres
des généraux en chef Servan, Dagobert, Muller, Dugommier et
Pérignon. »
Actions et blessures [longue énumération ; la fin seule nous inté-
resse]. (( Le général Papin organisa dans les formes un corps d'armée,
malgré la stricte surveillance de la police et les dangers qu'il courait.
L'organisation était perfectionnée au point que les revues d'infan-
terie, de cavalerie et d'artillerie se passaient régulièrement par
trimestre.
«Il l'employa avec succès à faire enlever sur les grandes routes des
émigrés escortés par la gendarmerie et, par des manœuvres hardies,
il en fit arracher des prisons et des hôpitaux militaires.
« C'est à la tête de cette organisation, au moment où il n'attendait
que de nouveaux ordres pour agir, que, trahi et dénoncé, le général
Papin fut condamné à mort par une commission militaire et, pour
éviter l'exécution de ce jugement, il s'expatria. »
(Archives administratives de la guerre, dossier Papin.)
70. — Rapport fait au ministre, le 7 août 1817.
(En marge : 3^ division. Bureau de
la justice militaire.)
<( Monseigneur a ordonné que le bureau de la justice militaire lui
présentât un aperçu des incohérences qui se rencontrent dans la
déclaration de M. le maréchal de camp Papin, comparée avec la con-
duite qu'il a tenue.
« On a l'honneur de faire remarquer que, si l'on se borne à com-
CONCLUSION 77
parer son dire avec ce qu'on connaît de ses actions, le Bureau ne
pourra s'exprimer qu'avec beaucoup de réserve. En effet, on voit le
maréchal de camp Papin quitter l'armée des Pyrénées et aban-
donner le service de la République au moment où, parvenu au grade
dégénérai de brigade, la carrière militaire semblait ne devoir lui
présenter désormais que de belles espérances sous le rapport des
honneurs et sous celui de la fortune. Et tout semble se réunir pour
faire croire qu'il a fait ce sacrifice à son opinion pour la monarchie et
et pour la monarchie légitime.
<( A peine rentré dans ses foyers à Bordeaux, il se lie d'intention
d'action avec les amis du roi. Ceux-ci ont une telle confiance en
M. Papin qu'ils concourent de tous leurs moyens pour le faire nom-
mer commandant de la garde nationale. Cet emploi étant compatible
avec des occupations civiles, M. Papin se livre à des opérations
commerciales, et c'est encore pour lui un moyen de servir la cause
du roi. Il accueille à Bordeaux des agents de Sa Majesté et de Son
Altesse Royale, Monsieur, lieutenant-général du royaume. Il obtient
leur confiance, les loge chez des amis pour les soustraire aux inquiètes
recherches du pouvoir usurpateur, se charge de diverses négocia-
tions d'effets qui peuvent, malgré sa prudence, le compromettre au
premier chef, éprouve des revers.
« Une partie des fonds qui lui sont confiés sont saisis entre
les mains d'un courtier. Ne pouvant plus tenir compte du dépôt,
il offre des vins en paiement et part pour Paris presser des rentrées
de fonds qui lui sont dus. Il loge chez M. le maréchal Moncey qu'il a
connu à l'armée des Pyrénées. Cet asile semble le mettre à l'abri de
tout soupçon. Cependant il est mandé à la police générale ; on lui fait
subir plusieurs interrogatoires ; il nie tout, ne compromet ni la cause
ni les individus et parvient, pour cette fois, non seulement à rassurer
l'autorité sur son compte, mais même à inspirer quelque confiance
au ministre de la police générale. Mais de nouveaux renseignements
viennent éclairer le gouvernement. M. Papin ne peut plus abuser les
dépositaires de l'autorité. Il est impliqué dans une conspiration
connue sous le nom d'agence anglaise ; poursuivi devant une com-
mission militaire à Nantes, il est, ainsi que ses principaux complices,
condanmé à la peine de mort; ses biens sont confisqués.
«M. Papin parvint ù s'échapper; il s'embarqua pour rAmérique
où il est resté jusqu'à la Restauration du monarque pour le service
duquel il avait exposé ses jours.
<( Tel est l'historique de la vie politique de M. Papin. Les pièces
nombreuses de son dossier et des témoignages honorables l'appuyant,
sa déclaration ne dément point ces faits. Elle ne pourrait donc lui
être opposée comme les contredisant ou comme j)rcscntant des inco-
hérences ; mais Si on la compare aux déclarations faites par-devant
78 CONCLUSION
M. Viotte par MM. Ducloset de Céris, on est porté à croire que celle
de M.Papin est inexacte et incomplète.
« M. Duclos affirme que M. Forestier s'est plaint à lui, Duclos,
d'avoir été indignement trompé par M. Papin qui, sur une somme de
100.000 francs qu'il lui avait confiée, ne lui avait donné au moment
de son départ pour l'Espagne que celle de 12.000 francs en or.
Par conséquent M. Papin aurait gardé 88.000 francs.
« M. Duclos ajoute que, d'après la narration de M. Forestier,
M. Papin se serait excusé de ce qu'il avait été obligé de se servir
des fonds de M. Forestier pour éviter d'être arrêté pour dettes.
« On doit dire que cette version paraît plus naturelle que celle que
M. Papin aurait faite alors à M. de Céris; qu'on avait opéré une saisie
entre les mains du courtier chargé de négocier les effets de ces Mes-
sieurs. Du reste, s'il y eut une saisie, elle eut lieu nécessairement en
vertu d'actes réguliers dont M. Papin pourrait retrouver des traces.
« M. de Céris, compagnon de M. Forestier, déclare avoir connu
M. Papin en 1796, et M. Papin établit cette connaissance huit ans
plus tard, en l'an XII. C'est par l'intermédiaire de M'"^' Donnissan
et de Saluées que ces Messieurs se seraient trouvés en contact. La
déclaration de M. de Céris relate des faits et des circonstances qui
semblent lui donner la priorité.
« MM. de Forestier et de Céris, porteurs d'ordres écrits de la main
de S. A. R., Monsieur, le lieutenant-général du royaume, se rendi-
rent à Bordeaux, en 1796, pour y établir un comité royal. MM. Dudon
père et fils, qui en firent partie, découvrirent bientôt qu'il en existait
un autre. C'est alors que M. Papin fut élu général de la force armée
qui devait se lever dans la ville et dans le département. Et M. de
Céris lui rend la justice qu'il déploya du zèle et de l'intelligence. La
connaissance de ces Messieurs daterait donc de 1796. Elle se renou-
velle vers la fin de 1803 ou au commencement de 1804. MM. Fores-
tier et de Céris auraient engagé M. Papin à reprendre ses anciennes
opérations sous leurs ordres. Ils lui auraient remis des traites à
escomptes; leur valeur se serait élevée à 60 ou 80.000 francs. M. Papin
aurait tenu compte d'une partie, peut-être même aurait-il réglé avec
M. Forestier. Enfin M. Forestier aurait été obligé de partir pour
Madrid, tandis que M. Papin serait parti pour Paris. Avant de
quitter Bordeaux, M. Papin aurait écrit à M. de Céris pour l'assurer
qu'il allait faire les plus grands efforts pour se liquider et, en atten-
dant, il consentit un billet qui se trouve, ainsi que la lettre, parmi les
papiers de M. de Céris en Angleterre.
« Il résulte de l'ensemble de ces détails que la déclaration de
M. Papin doit paraître inexacte et incomplète.
« Que celle de M. Céris en ce qui concerne laquestion financière de
M. Papin, paraît avoir été dictée par un sentiment de générosité.
CONCLUSION 79
(( Celle de M. Duclos porte toutes les apparences de la vérité, et on
ne voit pas quel pourrait être le motif de M. Papin à déguiser sa
véritable situation. Car, s'il y a eu force majeure pour 21.440 francs,
la même force majeure justifierait un défaut de 60 à 80.000 francs
comme celui d'une moindre somme.
« En bas: Faire un rapport sur tout ce qui concerne M. Papin. Le
roi décidera s'il veut lui accorder ou non la croix de Saint-Louis. »
(Archives administratives de la guerre, dossier Papin.)
Les pièces qui précèdent prouvent donc que Papin a servi d'intermédiaire
entre les envoyés du comte d'Artois et du duc de Lorges, Forestier et Céris,
et les membres de l'Institut philanthropique qui, comme Roger et Acquart-
Vreilhac, ne renonçaient point, malgré la proclamation de 1 Empire, à l'espoir
de rétablir en France la royauté. Dupont-Constant resta à l'écart du nou-
veau complot. C'est pourquoi il voudrait laisser croire que les « travaux
de l'Institut furent suspendus à Bordeaux comme dans toute la France »,
après 1800 {Essai, p. 110) et que l'Institut ne fut point mêlé au complot de
1804 {Essai, p. 134).
En réalité, des deux influences qui jusqu'alors avaient prédominé dans
l'Institut, celle de Dupont et celle de Papin, la dernière l'emportait décidé-
ment après l'arrestation de Dupont. Ce dernier était trop compromis pour
qu'on l'employât de nouveau. En outre, il était l'agent de l'abbé Lacombe et
de Dandré ; or Lacombe avait dû se cacher après 1800, car la police le cher-
chait ; Dandré quittait Augsbourg ; l'agence de Souabe était dissoute, après
l'arrestation de deux de ses membres, Précy et Imbert-Colomès, à Bayreuth,
en 1801, la découverte et la publication de leurs papiers.
Jusqu'en 1800, l'Institut bordelais avait reçu des ordres d'Augsbourg et
de Londres. Désormais, il n'en reçoit plus que de Londres, par l'intermé-
diaire du duc de Lorges et de ses amis. Et Papin, en relations avec le duc de
Lorges, est considéré à Londres comme le véritable chef de l'Institut.
B. — l'institut et l'entrée des anglais et des BOURBONS
à Bordeaux (12 mars 1814).
Après la découverte du complot de 1804 et la fuite de Papin en Amé-
rique, pendant la durée de l'Empire jusqu'en 1813, les anciens membres de
l'Institut n'osent se réunir en secret, en petit nombre et rarement, que chez
les moins suspects d'entre eux, Queyriaux par exemple, ou Estebenet.
Hoger est à Bayonne, où il fonde avec Hollac un commerce de liqueurs (qui
le ruine) ; Acquart-Vreilhac est en fuite ; les Donnissan se terrent à Citran,
surveillés de près par la police, qui essaie même de faire arrêter, sans succès
d'ailleurs, Louis de la Rochcjaquelein.
Mais, lorsque l'empereur est vaincu en Russie et en Allemagne, les roya-
listes de Bordeaux reprennent courage. Louis de la Hochejaquelein, gendre
de Mn'o de Donnissan, neveu par alliance du duc de Lorges, se cache à
Bordeaux et devient le centre d'un petit comité royaliste dont un ancien
80 CONCLUSION
membre de Tlnstitut, Taffard de Saint-Germain, « capitaine » en 1800 d'une
compagnie du Médoc, est le chef reconnu par Louis XVIIL
Dans ce « conseil royal » de Bordeaux, dans cet « état-major * » de l'orga-
nisation nouvelle, qui continue l'Institut sans lui être identique, nous
retrouvons quelques membres de cet Institut, restés fidèles à la cause
monarchique pendant l'Empire : Taffard, de Lur-Saluces, Queyriaux aîné,
Marmajour, Estebenet, le médecin Dupont, parent sans doute de Dupont-
Constant ^.
Ce nouveau « conseil royal » organise une petite armée de défenseurs du
trône, la garde royale, dont nous ne connaissons d'ailleurs que deux compa-
gnies formées, la « compagnie d'infanterie d'élite », commandée par Badin, et
la « compagnie de cavalerie des clievau-légers », commandée par Roger.
Roger qui, dans l'Institut, avait commandé la « compagnie des guides à
cheval )), se cachait à Bordeaux, pour échapper à la surveillance du redou-
table Joliclerc, prévenu de son départ de Bayonne.
Lorsque la défaite de Napoléon, après les premiers succès de la campagne
de 1814, parut inévitable, à la fin de février, le maire de Bordeaux, Lynch,
fut mis en relations avec Taffard et son conseil. Un envoyé de Bordeaux alla
trouver Wellington à Saint-Sever et Wellington confia au maréchal Beresford
la mission d'entrer à Bordeaux et d'y faire proclamer les Bourbons.
Le 12 mars 1814, le maire Lynch ^, les adjoints, les membres du conseil
de la garde royale, se rendirent au-devant du maréchal sur la route de Tou-
louse, et l'accompagnèrent à l'hôtel de ville. Deux heures après, ils allaient
à la rencontre du duc d'Angoulême, qu'on ramenait en triomphe à la cathé-
drale, où l'archevêque célébrait le 2 e Deiim.
Bordeaux est donc la première de nos grandes villes qui ait accueilli les
Bourbons. Désormais, les coalisés pouvaient croire que la vieille famille royale
était restée populaire en France. Le 12 mars influa donc d'une façon certaine
sur les décisions du tsar Alexandre et des alliés, qui n'auraient peut-être
pas rétabli les Bourbons sur le trône s'ils les avaient crus impopulaires.
Songeons que le congrès de Châtillon ne se sépare que le 19.
Les extraits suivants des Etrennes royales de 1818 prouveront que
les anciens membres de l'Institut de 1800 ont joué un rôle décisif dans
l'événement du 12 mars. — Cf. d'ailleurs Rollac, Exposé fidèle, p. 121 et
suiv., et, dans cet Exposé, la lettre importante de Roger, p. 173 et suiv. ;
les Mémoires de la marquise de la Rochejaquelein, dernier chapitre.
1. D'après les Etrennes royales de 1818, cet « état-major » se composait du che-
valier Taffard de Saint-Germain, « commandant en chef [de la garde royale] et
président du conseil » ; le chevalier de Gombault, membre du conseil ; le baron de
Budos, membre du conseil ; le comte Alex, de Lur-Saluces, membre du conseil ; le
baron de Pomiés, membre du conseil ; J.-J. Luetkens, membre du conseil ; L.-Fr.
Queyriaux aîné, capitaine adjoint, membre du conseil ; le marquis de la Rocheja-
quelein, Fr. Queyriaux jeune, G. Bontemps-Dubarry, le chevalier de Clérans, le
vicomte de Pontac, de Grivel, Arrouch, Marmajour, Estebenet, Dupont, etc.
2. Ce fut Rollac, ancien membre de l'Institut, qui servit d'intermédiaire à Londres
entre le Prétendant et les royalistes de Bordeaux.
3. Lynch, maire de Bordeaux en mars 1809, successeur de Lafaurie-Monbadon.
Cf. O'Reilly, Gradis et surtout Jullian, sur la journée du 12 mars.
CONCLUSION 81
71. — Extrait du récit de la journée du 12 mars 181^.
« ... Depuis plus de dix ans, il existait dans cette ville une garde
royale à pied dont la fidélité et le dévouement ne sauraient être
mieux attestés que par le secret gardé sur sa formation. M. de Taf-
fard, occupé, depuis plusieurs mois, à utiliser l'excellent esprit
dont elle était animée, donna, la veille du jour mémorable, des ins-
tructions aux principaux chefs... »
[Le lendemain Lynch se rend au-devant du maréchal Beresford.]
« La troupe fidèle, sous les ordres de M. Taffard de Saint-Germain,
était disséminée le long de la route. Les membres du comité royal,
un grand nombre de roj^alistes, la plupart à cheval, parmi lesquels
on distinguait MM. d'Auch, de Pichon, Roger, de Lautrec, Duluc,
deBouquies, Darmailhacq, de Canolle, Bontemps-Dubarry, suivaient
le cortège sans affectation. »
{Etrennes royales de 1818, p. 171.)
Gf Etrennes de 1814.
[Les Etrennes royales de 1817 adressent un appel aux anciens membres
de l'Institut, lors de l'anniversaire du 12 mars :J
« Officiers et soldats de cette légion mystérieuse, qui avez traversé
les tempêtes révolutionnaires sans trahir le secret de votre associa-
tion, venez célébrer le' 12 mars... »
[Etrennes royales de 1817, p. 128.)
72. — Certificat donné à M. de Boissac par le maire Lynch.
[M. de Boissac est l'ancien secrétaire -général de l'Institut en 1800.
« Le maire de la ville de Bordeaux certifie que M. Gh. Henri Ma-
thieu de Boissac, ancien magistrat, s'est rapproché de lui, à l'époque
du 12 mars dernier, pour justifier de son dévouement à la famille de
nos rois et des principes qu'il n'a jamais cessé de professer.
« En foi de quoi, je lui ai délivré le présent.
« A Bordeaux, le 15 novembre 1814
« Le g. de Lynch. »
(Original conservé par la famille).
73. — Pétitions adressées à la duchesse dAngoulème, en 1823,
par d'anciens membres de Tlnstitul.
(Extraits.)
P. Domcc. — « Il a été toujours constant à ses principes ; il était
un des membres de l'Institut qui a coopéré à l'organisation do la
garde royale de Bordeaux. Il a été décoré du Brassard, donné à ceux
qui ont contribué au 12 mars. »
Marc Faure. — « B. Faurc, son père, et J.-P. Faure, son frère,
6
82 CONCLUSION
sont des premiers qui formèrent la compagnie Badin, au 12 mars
1814. C'est à eux que Mgr le duc d'Angoulême, dans la nuit du 12 au
13, assis à sa table, demanda s'il pouvait compter sur eux... Ils
eurent le brevet du Brassard. Ils étaient de l'Institut. »
Jarry. — « Il n'hésita point, ily a 20 ans, à se faire inscrire au nom-
bre de ceux qui offraient leurs biens, leurs personnes et leur vie pour
travailler à relever un trône abattu. Au jour glorieux du 12 mars, on
le vit un des premiers dans les rangs de la garde royale. Il y obtint
une décoration dont cette garde fut honorée. »
(Archives départementales, série M, pétitions à la duchesse
d'Angoulême, 1823.)
74. — Les décorés du Brassard.
La comparaison de deux documents essentiels, la liste des principaux
membres de l'Institut en 1800, donnée par RoUac en appendice de son
Exposé, p. 209 etsuiv., et la liste des royalistes décorés du Brassard * en
1814, liste donnée par les Etrennes royales de 1818, p. 171 et suiv., nous per-
met d'apprécier le rôle joué par les anciens membres de l'Institut lors du
12 mars.
Nous relevons, parmi les treize cents noms (environ) des décorés du Bras-
sard, quatre-vingt-dix des chefs civils ou militaires de l'Institut, Certaine-
ment, si nous possédions la liste des simples membres de l'Institut, nous
pourrions en signaler un plus grand nombre.
1814
Décorés da Brassard.
(D'après lesEtrennes royales de 1818,
p. 171 et suiv.)
Acquart(R. Vreilhac).
1800
Membres de YInstiiut, avec leur
grade dans l'Institut.
(D'après Rollac, Exposé fidèle, p. 209
et suiv.^.)
Acquart [Mémoire historique de
Dupont, p. 17].
1. Extrait des Etrennes royales de 1818, p. 168 et suiv. : d Depuis longtemps, la
province de Guienne renfermait un très grand nombre de sujets fidèles, organisés
secrètement en compagnies royales par les soins d'un chef plein d'activité et prêts à se
montrer au premier signal... S. A. R. Madame la duchesse d'Angoulême avait dai-
gné permettre que M. le comte de Blacas leur envoyât en son nom un ruban vert,
comme signe de ralliement et un symbole d'espérance... S. M. Louis XVIII a bien
voulu, après le 12 mars, donner son assentiment à l'institution de la décoration du
Brassard, en faveur de tous ceux qui se sont signalés en cette occasioUf soit en servant
dans les compagnies royales organisées par M. Taffard de Saint-Germain, et dans les
corps de volontaires royaux à cheval, soit par leurs écrits ou leur participation aux
mesures qui ont assuré le triomphe de la cause royale... Cette décoration a con-
sisté d'abord en un brassard blanc attaché au bras gauche et orné d'un écusson
portant ces mots: «Bordeaux, 12 mars 1814 »... Toutefois ce brassard ne pouvant être
porté qu'avec le costume militaire, S. M. a daigné autoriser ceux qui auront reçu le
brevet à le remplacer par une décoration suspendue à la boutonnière par un ruban
vert liséré de blanc. »
2. Je complète la liste de Rollac avec quelques noms de membres de l'Institut
empruntés à diverses sources que je cite entre parenthèses.
CONCLUSION
83
Andrieux père et Andrieux Jac-
ques.
Archbold(J.-B.).
Aux (Le comte d') [V. d'Auch
dans le passage cité des Etrennes
de 1818].
Bacqué.
Barbe J. -Baptiste.
Barbe-Labarthe.
Barrère.
Beguey [3 cités: Jean, Jacques, Ber-
nard].
Blanc (Noguès de).
Bordes Marc.
Boyé Pierre.
Brochon Louis.
Brussac Pierre.
Castaing-Promis .
Chaliva André.
Clemenceau H.
Cosse.
Cruchon.
Decharmois.
Decours François.
Delpech [3 cités].
Deschamps-Martin.
Deynaud père et fils.
Domcc [2 cités].
Duboscq aîné.
Dumas [2 cités].
Dupont [médecin].
Andrieux, capitaine.
Archbold, chef d'arrondissement
à Bordeaux.
Paris d'Auch, aide de camp.
Bacqué, adjudant.
Barbe, chef d'arrondissement à
Bordeaux.
Em.Labarthe,chefd'état-major(?)
Barrière-Laberne, adjoint à l'état-
major (?)
Beguey [commis aux octrois, in-
terrog. de Cosse].
Blanc-Noguez \_Mémoire historique,
p. 23].
Borde [interrog. de Cosse].
Boyer, aumônier de l'Institut.
Brochon Louis, fils de Brochon,
membre du Conseil de l'Ins-
titut, mort en 1815.
Brussac, lieutenant.
Castaing [interrog de Dupont].
Chaliva, capitaine.
Clemenceau [interrog.de Cosse] .
Cosse, président d'arrondisse-
ment de Bordeaux.
Cruchon [interrog de Cosse].
Descharmes , commandant en
Médoc (?)
Decours, adjoint à Bordeaux.
Delpech [Mme de laRochejaquelein,
p. 231].
Deschamps, capitaine.
Deynaud, membre du conseil in-
time et secret.
Domec [pétition à la duchesse d'Ân-
gouléme].
Dubosc, capitaine.
Dumas, adjoint pour les opéra-
tions de la comptabilité.
Parent sans doute de Dupont (dit
Constant).
84
CONCLUSION
Diipouy Pierre [2 cités].
Duprat [4 cités].
Diipuch J.-B.
Durand [2 cités].
Estebenet.
Eyquem Louis.
Faget [2 cités].
Faure [4 cités dont B. et J.-B.J.
Fieuzal Jean.
Fumel Jacques.
Gaudin [2 cités].
Gautier [2 cités].
Gérus de Laborie, père et fils.
Grillet.
Hagry Louis.
Laborde [3 cités].
Laclotte J.-L.
Laffite André.
Lamarche Jean.
Laporte J.-B.
Latour Bernard.
Lavidalie Bernard.
Laville Guillaume.
De la Ville Miremont.
Laurent Léopold.
Leclerc aîné, Martial.
Dupouy, chet d'arrondissement
à Bordeaux.
Duprat [Essai, p. 46]-
Dupuch, lieutenant.
Durand (de Vcyrer) [intcrrog. de
Cosse].
Estebenet, chef d'arrondissement
à Bordeaux.
Eyquem, capitaine.
Faget aîné, capitaine, et Faget
jeune, lieutenant.
Faure B. et J.-B. [pétition à la du-
chesse d'Angoulême] .
Fieuzal, lieutenant.
Pons Fumel [interrog. de Cosse].
Gaudin, lieutenant.
Gauthier, major de l'infanterie, et
Gaultier, major attaché à l'état-
major.
Gérus, capitaine.
Grignet [Essai, p. 46] (?)
Hagry [M'^e de la Rochejaquelein,
p. 231, 260J.
Laborde, adjoint à Bordeaux.
Pitar-Laclothe, lieutenant [Cf.
Laclotte, Essai, p. 46, 134].
Lafitte, lieutenant.
Lamarque [interrog. de Cosse] ?
Laporte J.-B. [pétition à la du-
chesse d'Angoulême] .
Latour, président d'arrondisse-
ment à Bordeaux.
Lavidalie, lieutenant.
Laville, notaire, membre du con-
seil général de l'Institut [d'a-
près Rollac, p. 210]. Delà Ville,
notaire, sert de caution à Du-
pont-Constant, en messidor
an XIII [lettre de Pierre à Fou-
ché, dans F, 6256].
Laurent (de Saint-) [interrog. de
Cosse].
Leclerc [interrog. de Cosse].
CONCLUSION
85
Lestrade [2 cités].
Lur-Saluces (de), Eugène et
Alexandre.
Magnac.
Maignol de Mataplan.
Malescot (de).
Marmajour.
Mercier Etienne.
Meslon '^de) [6 cités].
Moreau [3 cités].
Papin, le général et son fils.
Pascal [2 cités].
Périer Jean
Perrin ' (le chev. de).
Planet André.
Poujet jeune et du Pouget de
Belair.
Poupart J.-B.
Prunier (de) Mathieu.
Queyriauxaîné.
Renard Pierre.
Rey [4 cités].
Riffard Jean.
Roger .I.-B.-A
Lestrade !dit Kitton, Mémoire his-
toriqucy p. 23 ; Essai, p. 80 ; Es-
trade, lieutenant, dans Rollac,
p. 213].
Lur-Saluces (de) [les deux cités par
Mme de la Rochejaquelein, p. 231
et 233J.
Magnan, membre du conseil in-
time de M"'^ de Donnissan.
Magnol, chef d'arrondissement
en Médoc [appelé Maignol dans
les pièces de F7 6256 ou Magnol] .
Malescot (de) 'interrog. de Cosse].
Marmajour, chef d'arrondisse-
ment.
Mercier [interrog. de Cosse].
Meslon (de), colonel du régiment
sédentaire.
Moreau, chef d'arrondissement
en Médoc.
Papin, membre du conseil intime
de la marquise de Donnissan
et général commandant la divi-
sion de la Gironde.
Pascal-Sabès, major-général (?)
Perrier, lieutenant.
Perrin [interrog. de Cosse].
Planet, lieutenant.
Pouget [restaurateur, interrog. de
Dupont] et du Pouget de Be-
lair [pétition à la duchesse
d'Angoulême] .
Poupard, capitaine.
Prunier, trésorier et payeur de
l'Institut.
Queyriaux, membre du conseil
intime de M'"*^ de Donnissan.
Renard, capitaine.
Rey, armurier [interrog. de Du-
pont].
Richard J. [interrog. de Cosse] (?)
Roger (.I.-B.-A.), capitaine de
la compagnie des guides à
cheval.
6*
86
CONCLUSION
Rollac père
Roquet père et fils.
Seguin [2 cités].
Seignouret Pierre.
Taffard de Saint-Germain,
Véran [3 cités].
Rollac, capitaine de rétat-major
de l'Institut, auteur de VEx-
posé fidèle.
Roquet père, lieutenant.
Roquet [armurier, interrog, de
Cosse] .
Seguin [interrog. de Cosse].
Seignouret, major du régiment
sédentaire.
Taffard de Saint-Germain, capi-
taine de rinstitut dans le Mé-
doc.
Veran, lieutenant.
Le duc d'Angoulême resta à Bordeaux jusqu'au 23 mai 1814. Les Anglais,
commandés par lord Dalhousie, n'en repartirent que le 23 juillet.
L'Angleterre, nous l'avons prouvé, avait contribué à la fondation
de l'Institut. Elle avait essayé de tirer parti de cette organisation, en
l'an V, contre le Directoire, en l'an VIII, dans le Midi, en l'an XII,
au moins à Bordeaux, contre Bonaparte. Elle avait dépensé des
sommes considérables, pour l'étendre à toute la France ou pour la
fortifier dans le Midi. Elle retirait, en mars 1814, le bénéfice de ses
intrigues : l'entrée du maréchal Beresford à Bordeaux était pour
elle et pour la monarchie légitime, qu'elle protégeait ouvertement,
une grande victoire politique.
vu :
Le 18 janvier 1908.
Le Doyen de la Faculté des Lettres
de l Université de Paris,
A. Croiset.
vu ET PERMIS D IMPRIMER :
Le Vice-Recteur de l Académie de Paris,
L. LiARD.
INDEX
DES NOMS DE PERSONNES '
[Ajouter les noms des royalistes décorés du Brassard, p. 82].
Acquart-Vreilhac, 36 n., 70, 71, 72, 79.
Andréossj^ 34.
Angouléme (duc d'), viii, x, xxi n.,
XXIII n., 63, 70,82.
Angouléme (duchesse d'), xviii n.
Arnozan, xxiv.
Artois (comte d'), vu, ix, xii, xvii, xviii,
3, 9, 11, 14, 17, 18, 19, 23, 25, 29, 30,
31, 32, 33, 34, 35, 36, 37, 38, 39, 40,
41,63,77,78,79.
Arvor (iW^e d'), ix n.
Augereau (général), xxii n., 70, 73.
Aulard, viii, xi n., xxvi n.
Avaray (d), 7, 8.
Aymé (J.-J.), xix n., xx n.
Baboin. 5, 26.
Babut,57, 59.
Badin, 80, 82.
Ballot, 5, 7.
Baquenier-Desormaux, ix n.
Bâtante (de), ix n.
Barras, xviii n., 2 n., 12 n., 44.
Barsac, xv.
Barthélémy, 16.
Batbédat, 71.
Bayard, 4, 44. 57.
Beauchamps ^de), xiv.
Becquey, 7 n.
Beresford (maréchal de), viii, xxi n , 80.
Berger, 42.
Hernadauy x, xv n., xxiv, xxv n., xxvii,
43, 66.
Bernier (abbé), xvii n. '
Berry (duc de), 26 n., 36 n.,63, 71 n.
Herthier, 34.
Bethman, 71.
Bertrand Saint-Hubert, 70.
Beurnonvillc, 34, 43.
Boessiùre (de la), 33.
Boissac (Mathieu de), Tristan, xix n.,
xxvii, xxviii, 54, 57, 81.
Boissac (de), x n., 22 n,
Bonaparte (Napoléon), vu, 8, 12 n.,
16 n., 31, 35.
Bonaparte (Lucien), 65.
Bonnaffé, xiv.
Boulay de la Meurthe, viii, xii n., xiii n ,
xvi n., 25 n.
Bourbon (duc de). 40 n.
Bourmont, 31 n., 33, 39 n., 44.
Bourrât, 38 n.
Brochon père (avocat), xvii, xix, 45. 48,
50, 56, 59, 60.
Brochon fils, xv.
Brottier (abbé), xi, 2 n., 3.
Brizard (Marie), 70 n.
Brûlé, 46, 57.
Brune (général), 33 n.
Brunet, 29.
Brunswick ^duc de), 2 n.
Buckingham (duc de), 19.
Burkel, 30.
Cadoudal, vu, ix, 29, 30, 31, 32, 36 n.,
38, 39, 40.
Caire {Jardin), xiii n., xvi, xvii, 3. 4,
5 n., 6, 7.
Canning, 8, 12 n.
Carency (prince de), 44.
Carnot, 6 n., 51.
Gassol cadet, 52, 53.
Castelbert. xxiv.
Castelnau (de), 17 n.
Caudevnl, 52, 53, 64, 57.
Caudrillier, xii n., 2 n;, 7 n.
Cazalet, 36 n, 71 n.
(déleste, X n.
Céris, XVII. 36 n, 70, 71, 72, 78,79.
Chaigncau, 50.
1 . LcH num> d'auteuri en italique.
INDEX
Ghampagny, 33 n.
Chaptal, 33 n.
Charles (archiduc), 9, Un., 18, 24.
Charette, 1, 45.
Chassagne (de la), 63.
Chassin, vin, xi n., xvii n., xxiii n.
Chauvot, XVII n.
Civrac (duc de), xvii.
Clauzel, XVIII,
Clemenceau, 53, 57.
Clermont-Gallerande, 7 n.
Coigny (chev. de), vu.
Condé (prince de), xii, 1, 20, 26, 32 n.,
40n.,63.
Cornu, XV.
Cosse, XX, XXV, 43, 44, 45, 52, 53, 54, 56,
57,58, 59,61, 65, 66, 72.
Craufurd fcolonel), 9, 10, 11, 14.
Crénolles (de), vu, 33, 34.
Dagobert, 73, 76.
Dandré, x, xii, xiii, xvi, 1, 3, 4, 5, 6, 7,
8, 9, 15 20, 22 n., 23, 24, 26 n., 27,
28 n., 32, 37, 38, 41, 42, 43, 44, 79.
Daniaud-Duperrat, 70.
Danican (général), 28 n.
Daudet (E.), viii, xvii, 7 n., 12 n., 22 n.,
24 n., 28 n., 36 n., 70.
David-Monnier, 12 n.
Delacroix, 66 n.
Delamarre, 4, 38 n.
De La Ville, 66.
Delerse, xvii.
Delormel, xv.
Desmarets, 6 n., 43, 44, 49, 50, 51, 64.
Despomelles, xi, xii, 2 n., 3, 4, 5, 6, 7.
Destang, xv, xxiii.
Destravaux, xxvi, 29, 38 n., 44.
Devos, 52.
Deynaud, xviii, xxii.
Diego Carrera (banquier), 71.
Donnissan (marquis de), xvii n.
'Donnissan (marquise de), xvii, xviii,
XIX, xxi, xxn, 49, 57, 71, 78, 79.
Donnissan-Lescure (V. M^^ de la Ro-
chejaquelein).
Doppet (général), xxii, 78.
Dubois (Voir Léon).
Dubois, préfet, 66 n.
Du Bouchage, 31.
Dubourg de Pourquerie, xvi.
Duchesne de Beaumanoir, xvi, xix, xxi n.
Duclos, 78,79.
Dudon père, xviii, xxi, 78.
Dudon de Lestrade, xviii, xix n., xxi,
XXV n.
Dufour (général), 46, 52.
Dugommier, 76.
Dumas, 45, 56, 65, 72.
Dundas, 31.
Dupérou, 10, 13, 20, 35.
Dupont (Pierre), 22, 57.
Dupont-Constant, viii, xiii n., xiv, xvi,
XIX, XX n., xxi-xxv, xxvii, xxviii, 4, 7,
9, 19, 21, 22, 28 n.. 29, 30, 31, 36 n.,
42, 43,45,49, 52, 53,54, 56, 57, 58,59,
62, 65, 66, 72, 74, 79.
Duport, 62, 64.
Dupré de Saint-Maur, xvii n.
Dupouy, 48, 49, 65.
Dupuy, XXIV.
Durand, 52, 53, 57.
Durfort (de), 45, 57.
Dutheil, IX, 3, 12, 13, 16, 17, 31, 33, 34,
35, 38.
Duval (M-ne), 45, 56, 65.
Duverne de Presle, xi, xviii, 2 n., 3.
Edouard (V. La Morlière).
Elissagaray, xxvii, 9.
Emerigon, 44 n.
Emmery, vn, 33 n.
Escars (comte d'), 37.
Estebenet, xx, xxi n., 79.
Fauche-Borel, xiv, 10, 12 n., 28 n.,
36 n., 39, 41.
Feret, xvii n., xix n.
Ferrand, 20.
Ferrère, 50 n.
FKnt, 16, 17, 35.
Floirac (comte de), xiii, 21, 22 n., 45,56,
59, 63.
Fonbeton (Boniface de), 22 n.
Forestier, xvii, xviii, 36 n, 70, 71, 72,78,79.
Forneron, vin n., 7 n.
Fouché, IX, XIV, XXVI, 43, 48, 65, 70.
Francoul, 63.
Frère, 12, 32, 33, 34, 35, 38, 39, 40.
Frotté (de), 33.
Gassiot, XVII. XIX.
Gibert de Moras, xiii.
Gibert-Desmolières, xix n., xx n.
Gogué, 70, 71.
Goursac, xv.
Gradis, 80.
Grenville (lord), ix, x, 2, 3, 4, 5, 7, 8, 9,
10, 12, 14, 15, 17, 18, 19, 23, 24, 25 n.,
26, 27, 31, 32, 33, 34, 35, 37, 39 n.,
40, 41.
Grenville (Thomas), 18.
Guichard (Hilaire), 56.
Hagry, xxi n., xxiv, xxv, 9, 48.
Harcourt (duc d), xi n., 2, 3, 19.
Harlé, x n., 70.
Hauterive (d'), xin n., 25 n., 28 n., 63 n.,
64 n., 70 n.
Havre (duc d'), xviii, 57.
Hoche (Général), 1, 16.
INDEX
89
Hotze, 18.
Hyde de Neuville, vïi, ix, 31, 32, 33, 34,
35, 39.
Imbert-Colomès, 7, 20, 21 n., 79.
Jackson, 27, 28 n.
Jacqueneau, 70.
Jagault (abbé), xviir.
Jardin (V. Caire), xiii n., xvi.
Joliclerc, 44 n., 80.
Jullian, IX, 80.
Keith (lord^, 27.
King (John), 16.
Kirwan, 57.
Korsakoff (Général), 9, 14 n., 18 n.
La Barberie, xii, 4, 7.
Labarthe (Blondel), xx n., xxii, xxiii,76.
LaboubéCy xvii n.
Lacombe (abbé Fenis de), xiir, xix, xx,
5, 7, 45, 56, 59, 79
Lamarque, 58.
La Morlière (Duclos de), dit Edouard)
XIII n., 59, 62.
Langlois, xix n., xx n.
Lannes, xv, xxii n., 70 n.
Lanzac (marquis de), 51, 57.
Larivière, 57.
La Rochejaquelein (marquise de), ix,
XVII, xviii, xxii n., XXIV n., 70 n., 71, 80.
La Rochejaquelein (Henri de), xvii n.,
XVIII
La Rochejaquelein (Louis de), xviii,
XXI n., 70, 71, 74, 79.
Larue, xxi n., 12, 16,31.
Latapy, 48, 59.
Latour, xx, xxi n., 58.
Latour-Olanier, xx, xxi n., xxiii n.
La Tour (Péfau de), xxi n.
La Trémoille (prince de), xii, 7.
Lavalelte, 45, 56, 65, 66, 72.
Lavignc, xxvi n., 9
Lebon, viii n., ix, 7, 8, 11, 14 n., 22 n.,
24 n., 28 n., 36 n.
Lebrun. 41, 50.
Leclerc, 4, 5.
Lefèvre, 34.
Lemaîtrc, 2 n., 17 n.
Léon, 6, 45.
Lcstrade, xix n., xx, xxiii n., xxvi, 9.
Lctcllier, xx, xxi n., 58.
Lorgcs (duc de), xvin, xix, 30, 35, 48,
71, 74, 76, 79.
Louis XVL XVIII.
Louis XVIIL VIII n., xii, xvi, xxvi, 7, 17,
20, 25, 26, 28, 30. 32, 38 n., 41, 45, 72.
Lucccmond (de), 57.
Lullin, 18 n.
Lur-Saluces (de), xxv, 80.
Lynch (comte de), 80, 81.
Madelin, xrv.
Magnol, 46, 48, 50, 53, 59, 65.
Maillan (de), xxii, xxiv.
Maitland, 51 n.
Malescot (de), 53, 57.
Malinot, 53.
Mallet(de), 33.
Malot, 51.
Malouet, 12 n.
Manem, 63.
Marcarteau, 58.
Marmajour, 80.
Martel {comte de), ix, 7, 31 n., 33 n.,38,
39, 51 n.
Martin (Jacques), 5.
Marut, 21 n., 22 n., 27 n.
Masséna, 9, 18 n., 19, 27 n., 55.
Mayeras, 51.
Mazel, 25 n.
Mêlas (baron de), 27, 28 n.
Meller, xix n.
Mercier (de), 33.
Mercier (V^^), 43.
Mésière (de), Wells, xii n.
Meyer, 44.
Michaud, xvii n.
Minto (lord), 22, 24.
Mirabeau, xii.
Moira (lord), xviii.
Moncey (général), xxu n., 70 n., 77.
Montchenu (de), 39.
Montesquiou, 7 n.
Montferrat, 39.
Moreau, 68, 74.
Morille, xxvii, 9.
Mulgrave (lord), 14.
Muller, 73, 76.
Nettement, ix n.
Noyant (comte de), 25 n., 62 n.
Olivier, 50.
Orange (prince d'), 12 n.
O'Reilly, ix, xv n., xxvi n., 80.
Paget, 27.
Papin (Servant), xix, xxii, xxvii, 30, 31,
35 n., 36, 43. 45, 46, 48, 50, 53,56, 57.
58, 59, 60, 70 à 79.
Partarricu, xxiv, 47.
Pau (de), 51.
Pclet de la Lozère, xiii. 25 n.
Pcnicnud, 57.
Perceval {de), 44 n.
Pcrignon, 76.
Périgord aine, 52, 53. 57.
Peyronnet (de), xv n.
90
INDEX
Pichegru, vn, xiii n., 1, 9, 10, 12, 13,
14 n., 15. 16, 18, 20, 21, 22, 23. 24,
25,28, 29, 31, 32, 33 n., 36, 37, 39,
40, 41, 62, 63, 64. 65, 68, 74.
Pierre (Pierre), ix, 43,48, 50, 51, 52, 56,
59.60 64, 65.
Pierron, 51.
Pitt, 17, 19, 31, 34. 40.
Planette (Planet), 58.
Plunkett, 18
Portland (duc de), 12 n., 17, 34.
Pouget, 58. 61.
Power, 26, 27.
Précy (de), 5, 7, 11, 15, 22, 23, 24, 25,
27, 63, 79.
Prévalaye (de la), 33.
Puivert (marquis de), xiii n., 25 n.,
27 n., 28 n., 62, 63.
Puvert (Vassal de), 64.
Que3a*iaux (aîné), 56, 79, 80
Ramsay, 11 n., 18 n.
Ratel, 35.
Ravez, xv.
Revel (chevalier de), 64.
Richer Serizy, xix n., xx n.
Rivière (marquis de), 38 n.
Roger, x n., xxrii, 70, 71, 72 n.. 79, 80,
81.
Roll (baron de), 11, 17, 32 n., 36, 38 n.,
40.
Rollac, viii n., ix, xv n., xvii n., xviii n.,
XIX n., xxin.jxxii n., xxiii n.,36, 70 n.,
79, 80. 82.
Rougé (baron de), xxvi n., 9.
Rougier (abbé), xin n., 28 n., 62 n., 63.
Rousseîin de Saint- Albin, 29 n.
Royer-Collard, 7.
Sabès, xxn, 58.
Saint- André, 64.
Saint-Laurent, 57.
Saint-Prix, 57.
Salis (baron de), 32 n,
Seguin, 58.
Servan,60 n., 76.
Servant (v. Papin).
Soubardière 52, 53, 54.
Souvarof (général), 14 n.
Speau, 58.
Stamfort, 12 n., 14.
Stofflet, 1.
Stuart, 26.
Taffar de Saint-Germain, xxi n., xxin,
80.
Talbot, 7, 8, 11, 15,34.
TallejTand, 17 n,, 41.
Talmont (prince de), xvii n.
Tascher de la Pagerie, 54, 57.
Tavernier, 58.
Thibaudeau, ix, 43, 44, 45, 46, 49, 65,
66 n.
Thornton, 26, 27.
Thugut (baron de), 22, 23, 24, 25 n.,
28 n., 41.
Tinseau d'Amondans, 36.
Tristan (V. M. de Roissac).
Tronchon, 63.
Valdené, 4.
Vandal, viii, 22 n., 31 n.
Vezet (de), 17, 22 n.
Victoire {M'^^), xvii.
Viotte, 78.
Wellington, 80.
Wells (V. de Mésières , xii n.
Wickham, ix, x,xii, xiii, xvi n., xxvii,
1-7, 9, 11-15, 17-26, 28 n., 29, 31, 32,
37, 38, 41, 44.
Willems, 63.
Willot (général), vu, xm n., xxii n.,
xxvii, 16, 17. 20-30, 31, 32 n., 36 n.,
41, 62. 63, 64, 74, 75, 76.
Windham, 17 n.
York (duc d'), 14 n.
Zag, 27.
TABLE DES MATIERES
Préface. — Objet de cette publication ; documents ; plan vu
Introduction. — l" L'Institut philanthropique de Bordeaux avant Fructidor. xi
2o Les Instituts du Midi et Tlnstitut philanthropique de
Bordeaux après Fructidor xix
l'-e PARTIE
LA CONSPraATlON ANGLAISE ET LES INSTITUTS PHILANTHROPIQUES DU MIDI, CELUI
DE BORDEAUX EN PARTICULIER 1
A. — L'Angleterre et la fondation des Instituts (1796-98) 1
B. — La conspiration anglaise dans l'Est et le Midi de la France au début de
la 2' coalition, avant Zurich (1799). Rôle attribué aux Instituts du
Midi 9
C. — La conspiration anglaise dans l'Est et le Midi de la France après Zurich,
avant Marengo (1799-1800). Mission de Dupont-Constant à Augsbourg. 19
D. — La conspiration anglaise à Paris et dans l'Ouest en 1799-1800.
Relations de l'Institut bordelais avec la Vendée et Londres. ... 29
Ile PARTIE
LA DÉCOUVERTE DU COMPLOT BORDELAIS EN l'aN VIU. . 43
A. — L'arrestation de Dupont et de Cosse. Correspondance de Desmarets avec
le commissaire de police Pierre et le préfet Thibaudeau 43
B. — Pièces saisies chez Cosse et les interrogatoires 52
C. — /îap/)or/s de Pierre et déclaration d'Edouard 59
D — Elargissement des prévenus;, optimisme officiel 65
CONCLUSION
l'institut après le complot DE 1800 jusqu'à l'entrée DES ANGLAIS
ET DU DUC d'aNGOULKME A BORDEAUX (12 MARS 1814).
A. — L'Institut et le complot de 180U 70
B. — L'Institutet Ventrée des Anglais et des Bourbons à Bordeaux {12 marslSi^t). 79
INOEX des NOMS DE PERSONNES 87
PMUn. - lociété mnaiu d'lrnprimeri« it di llbrtirts.
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DC Caudrillier, Gustaf
186 L'Association royaliste de
•5 l'Institut philanthropique à
G38 Bordeaux et la conspiration
anglaise en France